Intervention de Gilles Savary

Commission mixte paritaire — Réunion du 30 novembre 2016 à 17h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre paris et l'aéroport paris-charles de gaulle

Gilles Savary, député :

L'intérêt d'une telle infrastructure n'est pas contestable ; sa réalisation est simplement très tardive ! Notre pays a trop longtemps mené des politiques de transport corporatistes, c'est-à-dire peu intermodales. Ces politiques pénalisent aujourd'hui terriblement la SNCF, qui n'a pas voulu aller dans les ports et les aéroports. Voyez ce qui se passe au port du Havre : seulement 5 % du trafic terrestre entrant et sortant empruntent le chemin de fer.

On est contraint à présent d'opérer un rattrapage, alors que le foncier est cher ; les projets sont donc extrêmement coûteux. Ils ne sont pas pour autant contestables, d'autant que des efforts d'investissement considérables seront faits en parallèle sur le RER B, auquel s'ajoutera la desserte par les lignes du Grand Paris Express. Le transport du quotidien sera substantiellement amélioré dans cette zone de l'agglomération, ce qui répond à une objection majeure.

Nous ne pouvons plus attendre si nous voulons que ce projet soit réalisé à temps pour les grands événements internationaux à l'organisation desquels nous sommes candidats.

Le plan de financement reste flou et ambigu, comme pour toutes les grandes infrastructures. Je suis l'auteur de la règle d'or, dont le but était d'éviter à la SNCF le sort d'Areva : un surinvestissement, résultant de décisions consensuelles... qui mènent droit dans le mur. Aujourd'hui, la SNCF est tout près du mur, son endettement s'alourdit de 3 milliards d'euros chaque année ! La règle d'or ne vise pas à arrêter l'investissement ; mais les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités. C'est pourquoi, lors de la construction d'une nouvelle infrastructure, nous voulons faire en sorte de ne pas pénaliser SNCF Réseau au-delà du taux de retour raisonnable. S'il y a une priorité politique, c'est à l'État d'assumer ses responsabilités, donc au contribuable de payer.

Je pointe ici la faiblesse de ce dossier : on n'a pas prévu de variable d'ajustement par des fonds publics. C'est impossible, du fait de l'adoption, dans la loi de 2010, d'un amendement - ironie du sort - de M. Yves Albarello. Il ne serait pourtant pas aberrant de proclamer un tel projet priorité nationale, et de faire assumer par la collectivité nationale, voire, pour partie, par les collectivités locales d'Île-de-France, les dépenses qui risquent de pénaliser SNCF Réseau.

Il ne faut pas insulter l'avenir : tout ceci est réversible. Ce qu'une loi a fait, une loi peut le défaire. En outre, il ne faut ni aller au-delà de la règle d'or ni pénaliser Air France. Si le financement s'avère insuffisant, ce devrait être à l'État d'assumer la différence.

Il est quelque peu fâcheux qu'on fasse une entorse à la règle d'or au premier dossier venu. J'espère que ce contournement ne fera pas exemple. Ce qui est en jeu est, non pas ma susceptibilité de parlementaire, mais bien l'avenir du système ferroviaire dans son ensemble. On sait comment peuvent se terminer les sociétés de projet censées découpler les risques de SNCF Réseau : dans le cas de la ligne Perpignan-Figueras, dont la construction avait été à l'origine concédée, le poste de pertes a été ramené dans le giron de la SNCF. Cette méthode ne doit pas devenir une habitude.

En somme, il faut suivre l'esprit de la règle d'or. S'il le faut, réajustons les financements de projets par l'emploi marginal de fonds publics. En tout cas, ne compromettons pas ce projet-ci. Je suivrai notre rapporteur.

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