Intervention de André Rossinot

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 1er décembre 2016 : 1ère réunion
Nouveaux territoires de projets — Table ronde sur les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et les pôles métropolitains

André Rossinot, secrétaire général de France Urbaine :

La loi de 2010 a créé les pôles métropolitains, qui sont de deux types : les pôles métropolitains interurbains et les pôles métropolitains périurbains, qui sont soumis aux mêmes règles. Ce sont des syndicats mixtes à l'instar de ceux de la IIIe République. On n'a rien inventé de mieux ! En outre, depuis la loi MAPTAM, les pôles métropolitains sont ouverts et permettent l'adhésion des départements et des régions.

Je voudrais saluer le travail exceptionnel du député-maire d'Épinal, puisque son intercommunalité est passée de 45 000 habitants à près de 120 000. D'ailleurs, Saint-Dié-des-Vosges, qui enregistrait 25 000 habitants, est passée à une intercommunalité de 80 000 habitants. C'est dire que, dans des territoires assez figés, une évolution extrêmement positive se préparait, certes pas du jour au lendemain, fruit d'un travail de grande qualité effectué antérieurement. Nous n'arrêterons pas ce mouvement, car c'est la réponse aux nouveaux problèmes que notre société rencontre au quotidien s'agissant de la mobilité, de la culture, de l'accélération de la mise en place du numérique.

Nous avons donc créé en 2010 le premier pôle métropolitain en France entre Épinal et son agglomération, la communauté urbaine du Grand Nancy, la communauté d'agglomération de Metz et la communauté d'agglomération de Thionville, ce qui représentait une conurbation de 1,2 million d'habitants. Pour faire travailler Metz et Nancy dans une même structure, il a fallu transgresser des décennies d'histoire et de tensions...

Notre gouvernance est partagée, car le mandat de six ans est découpé en quatre tranches de dix-huit mois, avec une alternance régulière qui n'a jamais posé de problèmes. Jusqu'à présent, toutes nos décisions ont été prises à l'unanimité, dans une atmosphère beaucoup plus détendue. La réalisation du pôle métropolitain du Sillon Lorrain a grandement favorisé l'unité de l'université de Lorraine, à savoir les trois universités de Nancy, celle de Metz et un certain nombre d'antennes dont Épinal. La manière dont le monde urbain travaille entraîne des comportements spécifiques dans des secteurs très importants.

Je prendrai quelques exemples du travail du pôle métropolitain du Sillon Lorrain, dont le budget annuel s'élève à 750 000 euros, chaque agglomération apportant dans sa sphère d'influence des contributions humaines et en matière d'ingénierie.

L'ingénierie a été délaissée avec la forte accélération des mutations. Par exemple, les permis de conduire étaient dévolus au maire depuis les lois Defferre, mais les communes ne s'étaient jamais souciées de l'ingénierie correspondante. Tout était validé par l'État. La situation a changé quand ce dernier a refusé de remplir ce rôle, sous la contrainte des restrictions de personnels. On a alors commencé à mutualiser.

Pour la métropole du Grand Nancy, nous sommes partis du syndicat mixte du SCOT, le plus grand de France, pour le transformer en un pôle métropolitain. Par ce biais, on assure la solidarité avec la région et le département. Ce bloc devient le référent en matière d'offre de services diversifiés.

Ces bases changent complètement les mentalités. J'ai reçu récemment la visite d'un émissaire du maire de Troyes - le président de l'AMF donne l'exemple -, qui postule aussi pour créer un pôle métropolitain à distance, avec des communes situées dans le sud de la Champagne-Ardenne. C'est aujourd'hui un point de passage souple, élégant et amical, puisqu'il dépasse les clivages partisans.

Cette accumulation des regards sur le monde rural s'illustre à travers les pôles métropolitains et des conventions de réciprocité. Le premier exemple est issu des métropoles, car pour chacune d'entre elles, l'État a décidé d'un contrat métropolitain. Le contrat entre l'État et la métropole du Grand Nancy qui sera signé demain par le Premier ministre comprend déjà un premier volet de réciprocité avec le sud de la Meurthe-et-Moselle. Seront consultées l'association des maires ruraux de France, les intercommunalités pour trouver une première gamme, notamment en matière d'ingénierie. Puisque nous avons contractualisé puissamment avec la Caisse des dépôts et consignations, nous déployons des moyens pour l'ingénierie, partagés avec le sud du département. Nous sommes d'ailleurs à égalité dans le comité de pilotage afférent.

Pour conclure, la France connaît un vrai problème de management du transfrontalier. C'est une situation atypique. Avec France urbaine, j'ai obtenu du Premier ministre la présence d'un conseiller diplomatique auprès de chaque préfet de région. Nous sommes, dans le Grand Est, particulièrement concernés, car nous représentons 45 % de la frontière territoriale de notre pays, de Givet jusqu'à Bâle. Nous travaillons avec la Belgique, le Luxembourg, la Sarre, la Rhénanie-Palatinat, le Bade-Wurtemberg, le Rhin Supérieur, et même la Suisse.

Pour tenir compte de la situation entre les territoires de la République et les zones frontalières au regard des politiques européennes, nous devons absolument développer du savoir, de l'influence et de la communication. À partir du moment où tous les maires disposent des mêmes documents, expertises et informations sur la situation financière, on s'éloigne de l'idée que l'on est riche si l'on est gros et pauvre si l'on est petit. La vie, ce n'est pas tout à fait ça ! Comme disait Sully, la vie est faite du mélange habile des menus et des dodus.

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