Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, mes chers collègues, en France, nous avons la passion des normes, des règlements et l’horreur des vides juridiques. Tous les secteurs économiques sont touchés, mais le secteur agricole peut-être encore plus que d’autres, car il est au carrefour de très nombreuses réglementations : droit de l’environnement, droit du travail, droit commercial, droit de la consommation, droit de l’urbanisme, et j’en passe… Or la multiplication des réglementations en même temps que leur durcissement ont nourri un véritable ras-le-bol des professionnels, qui se sentent perdus dans un maquis normatif souvent incompréhensible.
Nous avons choisi, au sein de la commission des affaires économiques du Sénat, de ne pas prendre cette question à la légère, de ne pas faire comme si les alertes que les professionnels nous envoient depuis quelques années n’étaient qu’une énième manifestation de mauvaise humeur. Non, en réalité, le problème est grave : en pesant sur la compétitivité, en pénalisant parfois les agriculteurs français par rapport à nos voisins, la prolifération normative décourage nos paysans, en particulier dans le secteur de l’élevage.
Nous avons constitué un groupe de travail pluraliste au sein de la commission des affaires économiques pour analyser le phénomène, pour tenter de le quantifier – ou au moins de le caractériser – et pour rechercher des solutions. En tant que président de ce groupe, je dois dire que j’ai été impressionné par le fait que tous les interlocuteurs professionnels faisaient le même constat : la cote d’alerte est dépassée.
Certes, les normes en agriculture dépendent, pour beaucoup, du niveau européen : ce sont des règlements européens qui définissent précisément les règles de la politique agricole commune, ce sont aussi des règlements européens qui encadrent l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes, qui imposent les règles en matière sanitaire ou encore d’information du consommateur. Ce sont aussi des directives européennes, souvent très précises, qui fixent des objectifs en matière de protection de l’environnement en imposant des procédures d’autorisation pour les installations classées d’élevage, en organisant la protection des espèces animales ou végétales sauvages ou encore en imposant aux États membres de l’Union européenne des mesures de protection des eaux, par exemple, contre les nitrates.
Le niveau national conserve cependant son importance : les autorités nationales restent responsables de la mise en œuvre des mesures européennes, et la surtransposition est alors une tendance très insidieuse qui se manifeste par une grande sévérité des autorités françaises dans l’interprétation des textes communautaires. Les normes environnementales, en particulier, sont pointées du doigt pour leur excessive sévérité, la France appliquant de manière de plus en plus stricte le principe de précaution. La montée en puissance de ce principe conduit à de véritables impasses techniques, qui peuvent entraîner des abandons de production.
De ce point de vue, l’exemple du diméthoate est très parlant : faute de solutions alternatives performantes pour lutter contre le moucheron suzukii, l’abandon de cette molécule, suite à son interdiction, conduirait à la disparition de la production de cerises françaises. Et ce n’est qu’un exemple !
La question des normes applicables à l’agriculture est donc stratégique pour la ferme France. Notre groupe de travail a formulé une série de propositions, que va vous détailler mon excellent collègue rapporteur du groupe de travail, Daniel Dubois. Nous voulons, par notre démarche, tirer une sonnette d’alarme : il est temps d’avoir une ambition forte de simplification et d’allégement des normes applicables à notre agriculture, car, si nous ne faisons rien, le découragement gagnera nos paysans et aucun retour en arrière ne sera plus possible !