Les procédures administratives sont source de surcoûts. Ainsi, un dossier d’autorisation en élevage porcin coûte en moyenne 25 000 euros. Les normes ont aussi des coûts cachés, leur complexité décourageant les agriculteurs, qui ne se lancent pas dans des projets nouveaux et risqués, comme le montre la lenteur du développement de la méthanisation agricole dans notre pays.
Une fois ces constats posés, il faut tout de même souligner que des efforts sont faits pour aller vers plus de simplification.
À l’échelle européenne, des mesures de simplification de la PAC ont été annoncées. Sauf que l’Europe a parfois une curieuse conception de la simplification, consistant à réduire le nombre de textes applicables sans se préoccuper de leur complexité – un règlement de 100 pages au lieu de 10 règlements de 10 pages !
À l’échelle nationale, la crise agricole et l’exigence de retrouver un peu de compétitivité ont amené certaines mesures, comme le relèvement du seuil d’autorisation des installations classées pour les élevages porcins et les élevages de volailles. Pourtant, on attend toujours la sortie du décret annoncé concernant les bovins, qui a été mis en consultation en mai dernier.
La réduction des délais de recours par les tiers dans la loi Macron, l’ordonnance et le décret d’août 2016, qui modifient les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets plans et programmes, vont également dans le bon sens.
Le Gouvernement a aussi lancé une démarche de revue des normes agricoles en y associant la profession au sein du Comité de rénovation des normes en agriculture, le CORENA, présidé par le préfet Bisch. Ce comité vise à développer une nouvelle méthode de travail pour mettre fin à l’inflation normative en agriculture. L’intention est bonne, mais quel est le résultat aujourd'hui ? Nous aimerions savoir si la démarche progresse et quelles normes devraient prochainement faire l’objet de suppressions ou d’aménagements, suite à l’analyse du CORENA.
Le ministère de l’agriculture a lancé des téléprocédures et plateformes dématérialisées, qui facilitent les démarches des agriculteurs, par exemple, pour la délivrance de certificats sanitaires à l’exportation. Je mets toutefois en garde, car les téléprocédures peuvent aussi avoir pour effet de reporter la charge de travail de l’administration vers l’agriculteur.
Au final, notre troupe de travail a constaté que, s’il y avait des actions en faveur de la simplification, elles étaient le résultat de coups de collier ponctuels plutôt que d’une démarche globale, cohérente et continue d’allégement des normes. Nous avons également été surpris de constater que si des études d’impact des nouvelles normes existent, dès lors qu’elles sont susceptibles d’avoir un impact significatif, on dispose rarement d’une évaluation a posteriori de l’impact économique des normes adoptées, si bien que le suivi des effets de la réglementation sur l’économie agricole est difficile, voire impossible.
En définitive, notre constat général est simple : l’allégement normatif en agriculture n’a jamais été une véritable priorité politique. Cette volonté politique manque au niveau tant national qu’européen, ce qui n’a jamais permis d’avancer sur le chantier de la simplification en agriculture.
Notre proposition de résolution résulte directement des observations faites par le groupe de travail sénatorial sur les normes. Le rapport que nous avons produit réclame de « changer de braquet » à travers quelques propositions très concrètes.
Il convient d’abord – cette proposition est essentielle – de se doter d’une gouvernance de la simplification en faisant adopter, chaque année, un plan de simplification des normes agricoles au niveau national, au sein d’une instance dédiée associant toutes les parties prenantes. Aujourd’hui, on met en place le CORENA. Pourquoi ne pas confier cette mission au Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, qui est une sorte de parlement de l’agriculture ? Ce plan de simplification décidé annuellement devrait être opposable à tous les ministères et débattu devant les assemblées parlementaires.
Nous proposons ensuite de développer les études d’impact a priori et a posteriori et de systématiser une analyse des effets de la norme dans un délai de trois à cinq ans après son entrée en vigueur.
Nous proposons en outre de mettre en place des démarches expérimentales afin de s’assurer que les nouvelles normes sont adaptées aux attentes du monde agricole, avant leur généralisation.
Nous souhaitons que l’on puisse aussi contrôler l’engagement consistant à ne pas surtransposer les normes européennes.
Il faut également faire évoluer les règles de la politique agricole commune pour accorder aux États membres des souplesses, par exemple pour les calculs de surfaces ou l’application du verdissement.