Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1992, les réformes successives de la PAC ont visé, l’une après l’autre, à promouvoir une politique agricole « plus juste, plus verte et plus simple ». Qu’en est-il aujourd’hui dans nos campagnes ? Force est de constater que nos agriculteurs partagent très largement un sentiment de colère et d’exaspération : une « dérive normative » entrave bel et bien le développement de nos exploitations au point que certains baissent les bras et cessent leur activité prématurément. Cette proposition de résolution s’en fait l’écho auprès de la représentation nationale. Elle constitue une initiative ô combien bienvenue.
Mon propos vise à apporter au débat un éclairage européen sur un point : les travaux du groupe de travail sur les marchés agricoles, ou task force. Pour mémoire, cette task force a été mise en place au mois de janvier 2016 par le commissaire européen Phil Hogan, rassemblant douze experts représentant tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Sa tâche a consisté à formuler des propositions concrètes améliorant la position des agriculteurs.
Dans le rapport publié le 14 novembre dernier, un grand nombre de sujets différents sont abordés : la transparence des marchés, la gestion des risques, les relations contractuelles, les marchés à terme, l’accès au financement. Au demeurant, l’étendue des questions traitées souligne l’ampleur des difficultés auxquelles sont malheureusement confrontés nos agriculteurs.
Examiné sous l’angle de la réduction des normes agricoles, le rapport de la task force présente des propositions ambitieuses simplifiant les règles de la concurrence applicables à la PAC. On notera, en particulier, la demande d’une dérogation générale pour le secteur agricole en matière d’entente, sur le modèle du système américain, le Capper-Volstead Act.
La task force souligne également fort justement l’absence de prise en compte des spécificités agricoles par les différentes autorités nationales de la concurrence. Ce point a été mis en évidence par les travaux de la commission des affaires européennes du Sénat, dès 2013. J’ai rédigé un rapport sur ce point, qui m’a valu les critiques du président de l’Autorité de la concurrence de l’époque.
En outre, le rapport fait valoir que les règles actuelles n’apportent pas une sécurité juridique suffisante aux agriculteurs, du fait de leur ambiguïté. Forte de ce constat, la task force considère que ces règles mériteraient d’être clarifiées, estimant que les organisations professionnelles devraient davantage être reconnues comme des véhicules essentiels pour lutter contre la fragmentation des producteurs.
Ce rapport, qui a fait l’objet d’un accueil très largement positif, marque ainsi une évolution importante, dont nous pouvons nous féliciter. En effet, en proposant d’adapter le droit de la concurrence aux spécificités agricoles, tout en le simplifiant, est fait le choix de revenir à la lettre et à l’esprit des traités européens de 1957. Ce point est fondamental, je l’ai récemment souligné auprès du commissaire Phil Hogan.
En définitive, mes chers collègues, les auteurs de cette proposition de résolution soulignent fort justement qu’une très large partie du problème de la prolifération normative se situe à l’échelon national, c'est-à-dire en France. Au-delà du ministère de l’agriculture, qui pratique une concertation approfondie avec nos agriculteurs et leurs représentants depuis toujours, c’est l’ensemble de notre appareil administratif qui doit s’imposer une « révolution copernicienne ». En effet, dans une conjoncture aussi difficile, la compétitivité de nos exploitations doit désormais primer dans l’esprit de chacun.
Pour toutes ces raisons, je soutiens la proposition de résolution, dont je félicite les cosignataires et salue le travail.