Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la ferme France est performante. Malheureusement, elle doit affronter « la maladie de la norme », à laquelle les territoires ruraux sont tout particulièrement sensibles. Cette proposition de résolution aborde donc une thématique qui cristallise le monde rural dans son ensemble, les normes.
Dès la mise en place du groupe de travail sur les normes en matière agricole, nous avons relayé nos objectifs auprès de la profession agricole de nos territoires. Les différentes réponses obtenues ont mis en évidence la pertinence de la question normative, qui suscite au mieux de l’incompréhension, au pire un véritable rejet.
Notre monde économique est réglementé, normé, assurant la reconnaissance de la qualité de nos produits agricoles, protégeant nos territoires et notre modèle agricole. Cet « encadrement » a contribué à la réussite de notre agriculture depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, avec la montée en puissance des exigences environnementales et sanitaires, depuis les années soixante-dix, l’inflation normative est devenue exponentielle.
On accuse l’Europe d’être à l’origine de cette inflation, à dessein certes, mais les pouvoirs publics peuvent être tentés de surtransposer certaines dispositions. La profession agricole demande que les normes s’appuient sur le niveau imposé par les normes européennes, mais pas au-delà. En respectant cette règle, nous pourrions enregistrer une réduction des contraintes et une simplification des procédures.
Ainsi, dans le secteur de l’élevage, les seuils retenus pour la nomenclature des installations classées sont plus bas que les seuils européens. L’impact financier est réel, et l’on comprend aisément les conséquences des normes sur les restructurations des petites exploitations. Imagine-t-on le temps consacré aux charges administratives ? Selon les filières, cela peut représenter jusqu’à un tiers du temps de travail !
Chaque norme ou réglementation s’accompagne d’une étude d’impact, d’autorisations administratives, de procédures longues et coûteuses, de la crainte de contrôles et de sanctions parfois disproportionnées. Pas moins de dix corps de contrôle sont susceptibles d’intervenir, parfois de manière redondante, avec des calendriers de contrôle inadaptés aux contraintes pratiques des agriculteurs. La question de l’amélioration de l’approche des contrôles est primordiale. Plus d’accompagnement, de pédagogie, de coordination entre les différents organismes : tout doit être mis en œuvre pour éviter la sanction.
La gestion de l’eau constitue un autre secteur sensible aux normes et règlements et est source de contentieux. Je ne prendrai que cet exemple patent : l’entretien des cours d’eau. L’« empilage » réglementaire conduit à des démarches d’autorisation incompatibles, même pour de simples opérations d’entretien. Que faisaient nos anciens ?
Des agriculteurs et des élus ont été condamnés pour non-respect de règles administratives disproportionnées.
Nous sommes tous favorables à la préservation paysagère, naturelle et patrimoniale. Gardons tout de même un peu de bon sens !
Je pourrais citer d’autres exemples liés à des investissements importants obérés par des contraintes administratives et réglementaires.
On constate une vulnérabilité face à l’inflation normative ou réglementaire, imprévisible, déstabilisante, d’autant qu’aux normes spécifiques il convient d’ajouter les normes dites transversales, comme le compte pénibilité totalement inadapté au monde agricole.
Je partage pleinement les considérants de cette proposition de résolution. Les agriculteurs attendent une nouvelle approche dans l’élaboration des normes et des réglementations. Il convient de développer une coconstruction entre l’administration et la profession agricole pour une réglementation pragmatique applicable, économiquement soutenable, en veillant à s’assurer de l’absence de surtransposition et de l’utilisation des marges de manœuvre laissées par la législation européenne.
De même, il est indispensable d’analyser systématiquement les coûts et bénéfices de la réglementation envisagée, de procéder à des études d’impact économique, d’approfondir les outils alternatifs pour atteindre les objectifs, enfin, de prévoir des expérimentations.
Peu importent les termes employés – simplification, réduction, allégement, adaptation –, il faut avant tout une volonté politique très forte. Nous avons déjà fait des propositions dans la proposition de loi sénatoriale en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire. Poursuivons en ce sens.
Monsieur le ministre, si nous arrivons à régler cette question, nous libérerons le monde agricole d’un poids énorme, tant du point de vue de la charge de travail, que psychologiquement, et favoriserons la compétitivité.