Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 7 décembre 2016 à 14h30
Extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, malgré les conditions d’examen peu propices à une analyse approfondie de cette proposition de loi, je veux souligner le respect qui a présidé à nos échanges au sein de la commission des affaires sociales. Je tiens donc à remercier le président de celle-ci, Alain Milon, la rapporteur, Stéphanie Riocreux, le rapporteur pour avis, Michel Mercier, et Chantal Jouanno, qui y ont chacune et chacun contribué.

Cela étant, de nombreuses évolutions ont eu lieu depuis la loi Veil du 17 janvier 1975 reconnaissant le droit à l’avortement, loi votée à la suite d’une forte mobilisation de femmes, de féministes et grâce à l’audace d’une femme politique.

Pour les membres de mon groupe, comme pour d’autres, ce droit est un droit inaliénable des femmes. Pourtant, il reste fragile et a dû, au cours des années, être renforcé, protégé, notamment à la suite des actions de commandos anti-IVG.

C’est ainsi qu’a été créé le délit spécifique d’entrave à l’IVG, par la loi du 27 janvier 1993, qui sanctionne le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une IVG en perturbant l’accès aux établissements de soins concernés ou en exerçant des menaces sur le personnel ou sur les femmes elles-mêmes. Ce délit est désormais puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Nous savons toutes et tous que la violence peut s’exercer physiquement, mais aussi moralement. La loi du 4 juillet 2001 a donc renforcé ce délit d’entrave à l’IVG non seulement en ajoutant la notion de pressions morales et psychologiques pour sanctionner les menaces et les actes d’intimidation, mais également en alourdissant les peines prévues.

Notre pays n’est pas le seul où l’interruption volontaire de grossesse est un droit régulièrement attaqué : je pense à l’Espagne et, plus récemment, à la Pologne, pour ne citer que des pays européens. Aussi est-il très important de faire évoluer la loi pour garantir plus et mieux ce droit pour les femmes.

C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu, lors du vote de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, que soit encore élargi le champ du délit d’entrave en sanctionnant les actions qui viseraient à empêcher l’accès à l’information au sein des structures pratiquant des IVG.

De même, nous avons soutenu la suppression du délai de réflexion dans la loi de modernisation de la santé, véritable avancée pour les droits des femmes.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui prend en compte les nouveaux moyens de communication, en l’occurrence internet, pour étendre le délit d’entrave au domaine numérique, eu égard à l’existence de sites qui, en réalité, n’ont d’autre but que de dissuader des femmes enceintes de recourir à une IVG.

Ces sites internet, sous couvert d’aspects officiels, prétendent apporter une information neutre sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse alors que, en fait, ils font tout pour décourager les femmes de pratiquer un avortement.

Il est intéressant, par exemple, de constater que jamais ils ne donnent l’adresse de centres d’IVG. Le témoignage test de l’élue Les Républicains, Aurore Bergé, est en ce sens très éloquent.

En réalité, on est face à une entreprise de désinformation qui instrumentalise le désarroi de femmes, souvent jeunes, qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité. Car aucune femme ne prend la décision d’avorter le cœur léger !

Ce procédé particulièrement malhonnête peut avoir des conséquences très graves, les femmes perdant un temps précieux, pouvant se trouver ainsi hors délai.

De surcroît, les femmes qui se tournent vers internet, outre pour la rapidité de la réponse et la facilité de l’accès, le font aussi, car c’est une façon de préserver leur anonymat. Il s’agit, de la part de ces sites, d’un abus de confiance. Je le répète, ils avancent masqués, donnant à croire que les informations qu’ils délivrent sont objectives. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes l’avait d’ailleurs souligné dès 2013. Il est donc urgent d’agir.

Si les mouvements pro-vie ont toujours été présents dans notre pays, comme dans beaucoup d’autres, je suis inquiète de la teneur du débat qui secoue notre société. Des voix de plus en plus nombreuses à droite s’élèvent pour défendre une vision nataliste de la société au nom d’un modèle unique de la famille, s’en prenant de fait à l’avortement.

C’est le cas notamment du prétendant de droite à l’Élysée, incitant les femmes à la procréation et au retour au foyer plutôt qu’à l’émancipation. §Ou bien encore du président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier, qui en a appelé directement à François Hollande pour qu’il s’oppose à cette proposition de loi, en dénonçant une atteinte « grave » aux libertés.

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