Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 7 décembre 2016 à 14h30
Extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le recours à une interruption volontaire de grossesse, pour une femme, constitue toujours un moment grave et douloureux, car cette décision renvoie à des choix de vie fondamentaux et à l’image que l’on a de soi. Dans tous les cas, il y a interrogations et souffrance.

L’IVG, qui concerne, chaque année, plus de 200 000 femmes en France, n’est jamais choisie de gaîté de cœur : c’est une solution de dernier recours.

Les débats au moment du vote de la loi Veil, en 1974, avaient bien montré à quel point l’interdiction de l’IVG laissait les femmes dans des situations inextricables, avec, souvent, la souffrance de devoir trouver, par elles-mêmes, des solutions pour interrompre leur grossesse, sans accompagnement médical lorsqu’elles n’avaient pas les moyens d’aller à l’étranger pour subir l’intervention dans de bonnes conditions sanitaires.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à trouver une solution à un nouveau problème, lié à l’application de cette loi.

Les femmes qui cherchent des informations sur internet sont souvent des femmes isolées, en situation économique, professionnelle ou familiale difficile, ou de très jeunes filles, peu ou mal informées, ne sachant pas vers qui se tourner, ne connaissant pas les réseaux susceptibles de les aider ou ne pouvant établir un contact avec eux.

Nous le savons bien, il n’y a pas encore, et de loin, égalité d’accès à l’information en matière de santé dans notre pays. Ce constat vaut également pour l’accès à l’information sur l’IVG. De ce point de vue, les pouvoirs publics et le Gouvernement doivent accentuer leurs efforts.

Pour autant, sur ce sujet délicat et sensible, chacun, chacune est libre d’avoir, en conscience, une opinion forgée sur ses convictions morales, philosophiques ou religieuses, et chacun, chacune a le droit de l’exprimer.

En aucun cas, cette proposition de loi n’est liberticide ! En aucun cas, elle ne tend à interdire ni à sanctionner l’expression libre et publique des opinions, dans toutes leurs diversités et par tous les moyens, concernant l’IVG. En revanche, elle vise à sanctionner ceux qui diffuseraient sur internet de fausses informations, des messages tronqués sur le sujet.

La loi prévoit déjà la sanction de l’entrave à la liberté de l’IVG dans deux autres cas. Mais avec l’avènement d’internet, de nouvelles difficultés surgissent, liées à l’activité de certains sites. Non seulement ceux-ci apparaissent bien souvent en tête des résultats des moteurs de recherche, parfois avant les sites officiels, mais, surtout, ils utilisent les mêmes codes couleur et les mêmes éléments de langage, ce qui donne l’illusion que leurs contenus sont objectifs et scientifiquement fiables. Or il n’en est parfois rien !

Certains sites avancent masqués ; ils diffusent de faux arguments, de fausses analyses ; ils mettent en place des standards téléphoniques, au travers desquels des opérateurs influencent les femmes qui appellent, ce de façon non objective, profitant de la situation de vulnérabilité et de doute qu’elles traversent pour les culpabiliser. De nombreux tests, qui en témoignent, ont été réalisés.

Le risque de délit d’entrave à l’IVG par voie numérique existe donc bel et bien.

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes soulignait déjà en 2013 que 57 % des femmes âgées de quinze à trente ans utilisaient internet pour s’informer sur leur santé. En outre, 80 % des jeunes ayant recours à internet pour des questions de santé estimaient que les informations qu’ils y avaient trouvées étaient crédibles.

Il s’agit donc bien de trouver une solution pour s’opposer à des atteintes à l’accès au droit et à la liberté de choix, pour s’opposer – ou essayer de le faire – à des tentatives de manipulation, d’abus de confiance à l’égard de personnes qui, à un moment de leur vie, sont particulièrement fragiles sur le plan psychologique.

Parce que, justement, ces personnes sont en état de fragilité et que la question est sensible, il nous semble être du devoir du législateur de prendre les mesures permettant de sanctionner cette diffusion masquée, faussement objective d’informations erronées d’un point de vue médical – donc de mensonges –, et ce, d’ailleurs, indépendamment du contenu de ces mensonges et de l’attitude à laquelle ils inciteraient.

Le législateur doit faire en sorte que des informations neutres, objectives, s’appuyant strictement sur les connaissances médicales puissent permettre aux femmes de choisir en toute liberté et ainsi leur garantir le droit de disposer librement de leur corps.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, si le texte n’est pas modifié à l’issue de nos débats, la grande majorité de mon groupe le votera.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion