Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 7 décembre 2016 à 14h30
Extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Laurence Rossignol, ministre :

J’en viens à la constitutionnalité, que certains remettent en cause, de cette proposition de loi. Je vous rappelle que l’article unique de ce texte vise à modifier un article du code de la santé publique lui-même déjà conforme à la Constitution. Pour ma part, je suis infiniment plus prudente que vous, mesdames, messieurs les sénateurs : il n’est pas rare que Conseil constitutionnel prenne des décisions divergentes. Et le Conseil accepte les restrictions à la liberté d’expression dans un certain nombre de cas.

Cet article ne serait pas non plus conforme à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or le comportement qui manifeste une volonté de faire obstacle à la liberté des femmes de subir une IVG constitue, pour nous, une infraction dont la pénalisation est compatible avec les articles X et XI de la Déclaration.

Le Conseil constitutionnel a pris bon nombre de décisions au sujet d’infractions considérées comme des délits d’expression et relevant du code pénal : la provocation au génocide, la provocation au suicide, les atteintes à la vie privée, l’atteinte à la représentation d’une personne, les provocations à l’égard des mineurs, la provocation à un attroupement armé, à la rébellion, au terrorisme, y compris le discrédit jeté sur une décision de justice. En ma qualité de ministre chargée des droits des femmes et de la protection de l’enfance, je pense que l’infraction que constitue le discrédit jeté sur une décision de justice est nécessaire pour le respect de la justice et la séparation des pouvoirs, même si elle porte atteinte à l’intime liberté d’opinion.

Pour toutes ces raisons, la disposition qui vous est proposée ne me paraît pas, contrairement à vous, inconstitutionnelle.

Quant à l’intelligibilité, le Conseil constitutionnel exige que les lois pénales soient précises. Or cet article tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale est extrêmement précis, sans pour autant être moins intelligible, puisqu’il vise « des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse ». Il pose beaucoup de conditions pour être conforme aux exigences du Conseil constitutionnel à l’égard de la loi pénale.

En résumé, pour ma part, je n’aurais pas la même assurance que vous pour me prononcer à la place du Conseil constitutionnel. Néanmoins, à mon sens, toutes les conditions sont réunies dans l’article tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale pour que le Conseil considère qu’il n’est pas porté atteinte à la liberté d’expression.

En outre, je le dis depuis quinze jours, toute personne opposée à l’IVG, toute association, tout groupuscule, qu’il s’agisse des Survivants, d’AfterBaiz ou autres, pourra continuer de clamer haut et fort que l’IVG est un crime, que la conception commence dès que le spermatozoïde entame son trajet et qu’il est hostile à l’IVG philosophiquement.

(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Je ne sais pas comment on peut encore soutenir aujourd’hui ces sites et favoriser leurs manœuvres toxiques et délétères, tout en se disant attaché au droit des femmes à disposer de leur corps.

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