Intervention de Hervé Poher

Réunion du 7 décembre 2016 à 14h30
Généralisation des contrats de ressources — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Hervé PoherHervé Poher :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’aventurerai tout d’abord dans un essai de définition : un contrat de ressources est une démarche issue de la pratique, du terrain et de l’expérience suivant laquelle tous les consommateurs d’une eau participent à la protection de celle-ci. J’ai bien dit « tous les consommateurs » : pas seulement, donc, les gens qui habitent au-dessus ou près de la réserve en eau. Un contrat de ressources permet ainsi d’associer deux principes : celui du pollueur-payeur et celui du consommateur-demandeur-payeur.

Que tous les consommateurs participent, vous pourriez me dire : c’est bien souvent le cas. Cela est vrai, mais ce n’est pas toujours le cas ; je vous donnerai plusieurs exemples dans quelques instants.

« Contrat de ressources » : les mots, je le reconnais, sont sans doute mal choisis, car il ne s’agit pas uniquement d’une démarche technico-administrative à connotation comptable, mais avant tout d’un geste de solidarité territoriale, de l’affichage d’une vision environnementale partagée et de la coresponsabilité assumée de certaines dérives de notre société.

Quand je parle de solidarité territoriale, c’est une évidence, puisque des gens qui ne sont pas de la même commune, ni même peut-être du même établissement public de coopération intercommunale ou du même syndicat, participent tous à la protection d’une eau qui leur est indispensable. Souvent, cette solidarité s’exerce de l’urbain vers le rural.

Quand je dis « affichage d’une vision environnementale partagée », c’est aussi une évidence, car tous les citoyens, de territoires parfois différents, admettent et assument que l’eau, même quand on ne la voit pas, surtout quand on ne la voit pas, mérite d’être protégée et doit l’être.

Quand je parle de coresponsabilité assumée, il s’agit simplement de reconnaître que nous sommes tous un peu coresponsables de certaines dérives qui affectent l’environnement. Industriels, agriculteurs, citoyens, car nous sommes tous demandeurs, tous utilisateurs et tous consommateurs.

Devant cette proposition de résolution, mes chers collègues, vous pourriez me demander trois fois : pourquoi ?

Pourquoi, d’abord, cette préoccupation pour l’eau ? D’aucuns pourraient nous asséner : voilà une démarche de plus, attention aux usines à gaz ! Des processus et des programmes, on en a pléthore. Les agences de l’eau sont omniprésentes et les syndicats et délégataires font bien leur travail : arrêtons donc là les frais. Ces remarques sont pertinentes, mais, si tout était parfait, nous n’aurions pas pris autant de retard !

Si tout était parfait, nous aurions respecté en grande partie le terme de 2015 pour la directive-cadre sur l’eau. Or nous n’avons pas été bons, et l’échéance a été reportée à 2021 ; en réalité, nous le savons, ce sera probablement 2027…

Si tout était parfait, certains maîtres d’ouvrage ne se poseraient pas de question : ils interviendraient, ils agiraient, ils protégeraient.

En vérité, comme il a été rappelé dans notre hémicycle lors du débat sur l’eau, l’eau doit être, qualitativement comme quantitativement, protégée, réparée, respectée.

Pourquoi, ensuite, une proposition de résolution et non une proposition de loi ? Simplement parce que, je le reconnais volontiers, le sujet mérite d’être peaufiné, retravaillé et confronté aux multiples situations locales qui peuvent exister.

Cette proposition de résolution n’est que la formulation d’un principe d’égalité et de justice que personne ne peut contester.

Lorsqu’un syndicat ou un établissement public de coopération intercommunale s’occupe de l’eau et de l’assainissement, que son aire d’alimentation est à l’intérieur du périmètre syndical et que tous les consommateurs font partie de la structure, la démarche est simple : le coût des travaux est répercuté sur le prix du mètre cube d’eau, et tous les consommateurs paient. Aucun problème ne se pose : pas besoin de résolution, pas besoin de loi. Sinon que nos concitoyens savent rarement pourquoi ils subissent des augmentations du prix du mètre cube, et qu’une petite ligne explicative ne ferait pas de mal.

Seulement, tous les établissements publics de coopération intercommunale n’ont pas pris la compétence « eau et assainissement », et toutes les communes ne font pas partie d’un syndicat. Les situations sont en effet multiples et variées. Permettez-moi de vous donner deux exemples.

Guînes, ville de 5 000 habitants située sur un champ captant irremplaçable, devait protéger cette ressource en eau, qui alimentait plus de 100 000 habitants. Or Guînes n’est propriétaire de rien, ne tire aucun avantage de sa situation et n’en subit que les inconvénients et les contraintes. Quand elle a accepté de réaliser d’importants travaux pour protéger ce champ captant, la question s’est imposée : est-il normal que 5 000 Guînois paient pour 100 000 consommateurs ? Bien sûr, il y avait 80 % de subventions, mais 20 % restaient à la charge des Guînois. Du coup, en discutant avec les communes de l’agglomération voisine, communes consommatrices de cette eau, nous avons imaginé un contrat de ressources.

Je pense également à la grosse communauté urbaine de Dunkerque, qui doit aller chercher à 40 kilomètres, dans un village de 1 000 habitants, de l’eau pour toute sa population et toutes ses industries, dont certaines sont grosses consommatrices d’eau, y compris pour fabriquer du coca-cola. Eh bien, la communauté urbaine de Dunkerque a eu l’intelligence et l’honnêteté de dire à cette commune : puisque j’ai besoin de votre eau, je vais vous aider à la protéger.

Dans les deux cas, ce geste a servi de déclencheur : les états d’âme ont été dissipés et tous les travaux ont été réalisés.

Pourquoi, enfin, aider et inciter les collectivités territoriales à agir ? Simplement parce que protéger un champ captant ou une alimentation en eau potable est une démarche environnementale et sanitaire, mais aussi une démarche bien souvent coûteuse. Or la démarche environnementale n’est pas un réflexe chez les élus, surtout quand ça ne se voit pas, et la démarche sanitaire est souvent synonyme d’obligations et d’interdictions, donc de complications. Quant au coût d’une telle démarche, il est bien souvent élevé, très élevé ; or, vous le savez, en gestion publique, le financement est bien souvent le pire ennemi des bonnes volontés.

Alors, on en revient toujours au principe des participations et des subventions, avec une évidence : entre 60 % et 80 % de subventions, on ne réfléchit pas trop, on fait. Or, avec une dynamique État-agence de l’eau-collectivités territoriales-contrat de ressources, on peut parfois monter très haut.

Telles sont, mes chers collègues, exposées succinctement, les motivations et la finalité de cette proposition de résolution.

Concrètement, me demanderez-vous, comment fonctionne un contrat de ressources ? Eh bien, c’est très simple : on y met ce que l’on veut, parce qu’il est négocié.

On y met le montant de la participation au mètre cube : quelques centimes, voire des fractions de centime. Cela semble peu, mais, quand les quantités d’eau pompée se mesurent en dizaines de millions de mètres cubes, cela permet de rembourser les emprunts. On y met, bien entendu, la durée du contrat ; la fin du remboursement des emprunts est souvent un terme logique, car le but n’est pas d’enrichir le maître d’ouvrage. On peut y mettre aussi la liste des entités ou entreprises qui peuvent être exonérées, pour telles ou telles raisons.

J’entends déjà certains m’objecter : les gens en ont marre de payer ! Ce discours, je veux bien l’entendre et je puis le comprendre. Mais soyons réalistes : la solidarité ne peut pas être à sens unique, et je ne vois pas pourquoi certains, surtout s’ils ne polluent pas, paieraient pour protéger de l’eau utilisée en grande partie par d’autres.

Mettons les choses au clair. J’ai sous les yeux une facture d’eau datée du 10 novembre dernier. C’est une facture classique, avec un prix du mètre cube, assainissement et abonnement compris, un peu plus haute que la moyenne française puisque l’on est dans le nord de la France…

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