Intervention de Rémy Pointereau

Réunion du 7 décembre 2016 à 14h30
Généralisation des contrats de ressources — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que notre chambre se saisisse à nouveau du sujet de l’eau, peu de temps après notre débat du 19 octobre dernier sur les conclusions du rapport d’information Eau : urgence déclarée de nos collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach, et sur les conclusions de mon rapport, réalisé à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, dans lequel je dresse le bilan, mitigé, de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la LEMA.

Nous devons tout mettre en œuvre pour préserver cette ressource, qui est – vous avez eu raison de le rappeler dans l’exposé des motifs, monsieur Poher – de moins en moins un cadeau de la nature.

J’avais moi-même mentionné un fait inquiétant : un milliard de mètres cubes de fuites d’eau par an dans les réseaux d’eau potable, soit la perte de 20 % de l’eau mise en distribution. Cette perte est essentiellement liée à l’âge et à la vétusté des installations et des canalisations, sans compter les évolutions et mouvements des sols et la pression élevée de l’eau dans les canalisations.

Ces problèmes s’expliquent principalement par le manque d’investissement dans la rénovation des réseaux d’eau potable dans les territoires, notamment ruraux.

Je vous rejoins donc, mon cher collègue, lorsque vous dites que les travaux indispensables à l’exploitation de l’eau nécessitent des investissements très importants, mais qu’ils représentent malheureusement une charge financière importante pour ceux qui doivent les entreprendre, en première ligne desquels les collectivités territoriales et plus particulièrement le bloc communal, à qui l’on a adossé la compétence GEMAPI depuis les lois MAPTAM – la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – et NOTRe.

Ainsi, vous proposez pour répondre à cette situation de généraliser les contrats de ressources afin que tous les usagers qui bénéficient des aménagements participent au financement d’une partie des travaux, travaux qui, jusqu’à présent, sont financés par les seuls contribuables de la collectivité ou du groupement concerné.

Je comprends votre objectif, qui est louable, et y souscris : l’eau, dont la gestion a un coût, ne doit plus être un bien « gratuit ». J’aurais cependant préféré que la définition du « contrat de ressource » soit plus claire. En effet, vous ne nous livrez que des indications parcellaires. Or, étant chargé de la simplification des normes au sein de notre assemblée, je me méfie beaucoup des notions énigmatiques et abstraites. Ce n’est toutefois pas la raison pour laquelle je ne voterai pas cette proposition de résolution.

Je ne la voterai pas, car je pense que vous ne vous posez pas les vraies questions. Pourtant, vous les évoquez dans votre exposé des motifs lorsque vous dites que « les aides accordées par les agences de l’eau ne suffisent pas à couvrir les coûts des travaux ».

La question est de savoir pourquoi les aides financières des agences de l’eau ne suffisent plus. La réponse est simple. Depuis la loi de finances pour 2015, l’État opère chaque année un prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau au profit de son budget. Et je vous épargne les attaques que ces agences ont subies avec la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, projet de l’ancienne ministre de l’environnement Dominique Voynet ! En effet, pour la troisième année consécutive, elles ont vu leur budget amputé de 175 millions d’euros en application de la loi de finances pour 2014, alors que le prélèvement devait être exceptionnel.

Au total, l’État a, depuis 2014, amputé le budget des agences de l’eau de plus de 500 millions d’euros. Imaginez le soutien financier que les agences auraient pu apporter aux collectivités territoriales si elles avaient conservé cette somme !

Un grand nombre d’agences se retrouvent dans une situation financière très difficile, ce qui représente un réel danger pour l’investissement des collectivités et donc pour l’emploi local.

De surcroît, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, que vous avez votée, a étendu les responsabilités des agences de l’eau à la biodiversité terrestre et, par conséquent, leur périmètre d’intervention. Désormais, ces agences financent, en plus de la biodiversité « humide » relative aux milieux aquatiques, la biodiversité dite « sèche », dans le cadre de conventions avec l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB. En somme, nous leur demandons de faire plus avec moins ! Cela n’est plus possible.

Je considère que « l’eau doit payer l’eau ». C’est pourquoi je plaide non seulement pour la suppression de l’extension des missions des agences de l’eau à la biodiversité terrestre, mais également pour la suppression de la ponction sur le budget des agences de l’eau au profit du budget de l’État.

Permettez-moi d’ajouter un élément sur ce point. Hier, les agences de l’eau et leurs personnels sont entrés en grève pour contester non seulement l’avenir réservé à ces agents, mais surtout pour manifester leur opposition à la ponction sur leur budget au profit de celui de l’État.

La deuxième raison qui me conduit à ne pas voter cette initiative parlementaire est liée à la compétence GEMAPI, nouvellement confiée aux collectivités territoriales, laquelle entraînera pour celles-ci des difficultés financières et des ponctions supplémentaires pour les contribuables. En effet, les collectivités auront le droit de créer une taxe nouvelle pour financer leurs travaux.

Je le disais dans mon rapport, le niveau intercommunal n’est pas le plus adapté pour prendre en charge cette compétence, dans la mesure où il ne correspond pas au bassin versant. Je proposais donc de transférer la compétence GEMAPI soit aux agences de l’eau, soit aux régions.

Par ailleurs, cette compétence risque de ne pas être mise en œuvre, faute de moyens à disposition des intercommunalités pour la financer. Cela est d’autant plus vrai que la loi NOTRe a ajouté à la charge des communautés de communes les compétences eau et assainissement, qu’elles auront à mettre en œuvre à partir de 2020. Encore des difficultés supplémentaires pour nos collectivités !

Avant de mettre en place un outil tel que la généralisation des contrats de ressources, qui entraînera la création de taxes supplémentaires pour les usagers, redonnons d’abord des marges de manœuvre financières aux agences de l’eau et libérons ensuite nos collectivités territoriales de ces compétences qu’elles n’auront pas les moyens de financer !

Je vais profiter de cette discussion pour inviter, à mon tour, le Gouvernement à veiller à ce que les normes applicables s’en tiennent au strict respect des directives européennes. Gardons en tête cette formule mathématique : plus de normes égalent plus de coûts !

Je l’invite, également, à fixer des objectifs réalistes, pragmatiques et stables, afin de pouvoir mesurer les progrès réels effectués en matière de politique de l’eau. Arrêtons de changer constamment de thermomètre ! À force de modifier sans cesse les normes, nous ne pourrons jamais les appliquer.

Je l’invite, enfin, à impliquer non seulement les élus locaux, mais aussi la société civile dans le processus de concertation, en mettant en avant le rôle déterminant des entreprises et de ceux qui y travaillent. Il faut en effet associer l’ensemble des intéressés à la gestion des instances des grands bassins français, les reconnaître comme des acteurs environnementaux et les impliquer dans la construction de solutions nouvelles.

Plutôt que de voir ponctionner encore une fois les contribuables, je préférerais que la péréquation se fasse au niveau de l’État, des agences de l’eau, des collectivités territoriales. Agissons de façon pragmatique et avec discernement !

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