Intervention de Luc Derepas

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 décembre 2016 à 9h05
Audition de M. Luc deRepas candidat la présidence du conseil d'administration de l'agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail

Luc Derepas, candidat à la présidence du conseil d'administration de l'Anses :

M. Cardoux m'a interrogé sur l'épisode de grippe aviaire. En tant que juriste, je comprends ses préoccupations : il est toujours difficile de rendre un document technique compréhensible par le plus grand nombre : pour qu'elles soient acceptées, les décisions doivent être intelligibles. En matière sanitaire, comme en domaine juridique, le défi est le même. L'Agence doit rester dans son rôle scientifique en élaborant des documents irréprochables mais il appartient aux pouvoirs publics qui sont responsables des décisions de les rendre compréhensibles. Le rôle de l'Agence n'est pas de faire de la vulgarisation.

En ce qui concerne les plans de protection en cas d'épizootie, je ne connais pas le détail de leur organisation au sein du ministère et des préfectures. Plutôt qu'une question de préparation, je pense qu'il faut bien informer en amont.

Mme Génisson m'a interrogé sur la position de l'Europe sur le bisphénol A. Nous sommes le seul pays à l'avoir interdit. Un travail d'identification des perturbateurs endocriniens est actuellement mené au niveau européen. Je demanderai à l'Anses de vous transmettre une réponse écrite sur le sujet.

Concernant l'étiquetage des produits, l'Anses n'est pas partie prenante du processus en cours et qui a suscité diverses difficultés. Les pouvoirs publics ont mené au niveau ministériel une concertation et une expérience grandeur réelle pour déterminer le meilleur système possible. L'Agence a été amenée à travailler sur le sujet en juin 2015 : l'étude portait sur le système mis en place au Royaume-Uni et la façon dont il pouvait être transposé dans notre pays. Elle mène aujourd'hui un travail plus large pour évaluer l'ensemble des systèmes possibles et ses conclusions devraient paraître en début d'année prochaine.

Mme Imbert m'a demandé quelles seraient mes orientations stratégiques : bien sûr, il faudra sécuriser l'existant. Ensuite, nous devrons nous concerter avec nos cinq tutelles pour élaborer un nouveau contrat d'objectifs et de performance, afin de sécuriser notre modèle économique. Notre budget et notre plafond d'emplois sont limités tandis que notre activité - rémunératrice - se développe. Si la place de l'Agence est amenée à se renforcer en Europe et si de nouvelles missions lui sont confiées, son travail d'instruction prendra plus d'ampleur alors que ses moyens seront plafonnés. Son modèle économique doit donc évoluer, dans le respect du droit budgétaire. Mon deuxième axe stratégique concernera l'Europe. Les ministères qui interviennent à Bruxelles et l'Agence doivent défendre la position française, souvent plus exigeante que la plupart des pays européens.

Le principe de précaution est désormais bien assis dans notre droit : il a trouvé des traductions juridiques claires. Dès lors que l'on a affaire non pas à un danger caractérisé mais à un risque, qui est une probabilité de danger, suffisamment étayé par divers indices, il appartient aux pouvoirs publics de prendre les mesures pour pallier ce risque. Reste bien sûr la question de la place du curseur pour chaque cas particulier. Face au niveau de risques, il faut déterminer les mesures à prendre pour le contrer. Des débats techniques ont alors lieu et le juge doit avoir beaucoup d'humilité à cet égard : le Conseil d'État exerce, quant à lui, un contrôle restreint car il ne veut pas se substituer aux scientifiques. Il se borne à dire si l'État a commis ou non une erreur flagrante dans l'appréciation des risques et dans la définition des mesures prises.

Je suis d'accord avec M. Savary : rien n'est pire dans un système normatif qu'un vide juridique. Si l'on édicte une interdiction, il faut en parallèle prévoir une mesure pour pallier cette interdiction afin que la société et l'économie puissent continuer à vivre normalement. La définition d'alternatives et l'évaluation de leurs risques potentiels font partie des mesures d'interdiction. Parfois, c'est impossible car les interdictions sont indispensables et soudaines. Pour l'interdiction des néonicotinoïdes, le schéma proposé est intéressant avec une mesure d'interdiction et une évaluation des alternatives possibles pour limiter les perturbations dans les champs économiques et sociaux concernés.

Concernant les mesures prises dans d'autres pays européens à l'égard de la grippe aviaire, je ne dispose pas d'informations précises. L'Anses vous transmettra une note sur le sujet. En outre, nous sommes le seul pays européen à avoir interdit l'utilisation des néonicotinoïdes, même si un moratoire a été décidé par la Commission européenne.

Comme l'a dit M. Tourenne, la présence des laboratoires de l'Anses en France est un facteur d'aménagement du territoire. Cela dit, je ne nie pas les réflexes de concentration dans un moment budgétaire difficile : cette question doit se résoudre par un dialogue avec les collectivités territoriales et les acteurs locaux concernés. Il faudra trouver les moyens d'assurer le maintien de ce maillage sur tout le territoire.

L'échelon européen est majeur, madame Schillinger. Les questions les plus sensibles doivent y être traitées. En tant que président du conseil d'administration, je n'aurai pas de rôle à jouer à ce niveau, mais j'encouragerai la direction générale et les services de l'Agence à porter haut et fort la parole française au sein des instances européennes. Notre message de protection doit être perçu comme précurseur afin d'entraîner les autres pays européens.

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