Intervention de Cédric Perrin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 décembre 2016 à 9h30
Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre la france et la suisse relative aux travaux et au cofinancement par la suisse de l'opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne belfort-delle ainsi qu'à l'exploitation de la ligne belfort-delle-delémont et projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre la france et la suisse concernant la modernisation et l'exploitation de la ligne ferroviaire d'annemasse à genève — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Cédric PerrinCédric Perrin, rapporteur :

Nous examinons aujourd'hui deux projets de loi autorisant l'approbation de deux conventions ferroviaires avec la Suisse - ce n'est pas l'Australie, mais ce pays est tout de même intéressant ! - concernant respectivement la ligne Belfort-Delle et la ligne Annemasse-Genève. La Commission européenne, sollicitée en application de la directive de 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, a autorisé la France à les conclure.

La première, a pour objet la réhabilitation des 22 kilomètres de la ligne Belfort-Delle, fermée aux trafics de voyageurs depuis 1992, en vue de son raccordement à la ligne Delle-Delémont, sur le territoire suisse. Elle s'inscrit dans le projet global de la France de raccorder son réseau à grande vitesse avec celui de ses principaux voisins, et plus particulièrement dans la continuité de la convention franco-suisse de 1999 relative au raccordement de la Suisse au réseau ferré français. Cette ligne desservira la zone de Belfort-Montbéliard (300 000 habitants) avec le site d'Alstom-General Electric, ainsi que les villes de Delémont (35 000 habitants), Bienne (89 000 habitants) et Soleure (73 000 habitants) dans le Jura suisse, canton qui emploie environ 33 000 personnes dans les secteurs de l'horlogerie et de la microtechnique. En 2014, l'INSEE y identifiait 7 185 travailleurs résidant en France, dont 5 833 Franc-comtois. Je me demande cependant, si ces salariés pourront véritablement se rendre sur leur lieu de travail sans voiture, compte tenu de la dispersion des entreprises dans ce canton très rural.

Cette nouvelle ligne permettra surtout une desserte ferroviaire de la gare TGV Belfort-Montbéliard. Les habitants des cantons suisses limitrophes et de l'aire urbaine de Belfort-Montbéliard auront ainsi, à terme, un accès sans rupture de charge, à la gare Belfort-Montbéliard TGV.

Les correspondances seront également optimisées entre les TER et les TGV en provenance de Paris. Selon les études réalisées, le trafic quotidien sur la ligne devrait être de 3 700 voyageurs. Je m'interroge sur la rentabilité de cette ligne, d'autant que, selon les informations transmises par les services du ministère en charge des transports que j'ai auditionnés, le taux de rentabilité interne résultant du bilan socio-économique réalisé par Réseau Ferré de France était nettement inférieur au seuil de 4 % à partir duquel un projet est considéré comme rentable.

Je crains que la décision, essentiellement politique, de réhabiliter cette ligne n'oblige à compenser financièrement un déficit récurrent, qui risque selon moi d'être important. Cette opération d'un coût total de 110,51 millions d'euros courants a fait l'objet d'une convention de financement signée en septembre 2014 entre la France et la Suisse, la Suisse s'engageant à hauteur de 27,9 millions d'euros. Actuellement, les travaux de génie civil ont atteint un stade d'avancement de plus de 70 %. L'opération connaît toutefois un retard de 4 à 6 mois, suite aux intempéries du printemps 2016. La date de mise en service est prévue pour la fin 2017 ou le premier trimestre 2018. Comme vous le voyez, les travaux sont bien avancés et il n'est plus question de faire machine arrière !

La seconde convention a pour objet la modernisation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève-Eaux-Vives, en vue de son raccordement à la gare de Genève-Cornavin, principale gare de Genève, comme le prévoyait déjà une convention en date de 1881.

Ce projet Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse, dit CEVA, se situe dans l'espace transfrontalier franco-suisse correspondant au canton de Genève et à son aire d'attraction proche - canton de Vaud et une partie des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie. La très forte dynamique économique du Grand-Genève et les salaires pratiqués côté suisse drainent de nombreux travailleurs transfrontaliers : le nombre de permis de travail transfrontaliers - plus de 100 000 actuellement - a doublé en dix ans, entraînant une augmentation très importante des déplacements domicile-travail et une saturation du réseau routier local aux heures de pointes.

Le bassin franco-genevois souffre actuellement d'un très fort déficit d'infrastructures et d'offres en matière de transport en commun transfrontalier. Moins de 16 % des personnes qui effectuent les 550 000 déplacements quotidiens enregistrés à la frontière du canton de Genève utilisent les transports en commun. Le projet CEVA est essentiellement suisse : l'investissement suisse représente 1,266 milliard d'euros pour un coût total de 1,5 milliard d'euros, la France ne construisant qu'1,8 kilomètre de double voie en tranchée couverte entre la frontière et la gare d'Annemasse, sur un total de 16 kilomètres. Ce projet assurera l'interconnexion, de part et d'autre de la frontière, de 230 kilomètres de lignes et de plus de 40 gares dans un rayon de 60 kilomètres autour de Genève, et permettra la mise en service d'un système de transport cadencé, rapide et concurrentiel à la voiture.

Les voyageurs suisses et français gagneront en temps de parcours - 20 minutes de train entre Annemasse et Genève-Cornavin, et davantage de trajets directs depuis la Haute-Savoie - et en fréquence de transport - un train toutes les 10 minutes entre Annemasse et Genève-Cornavin et un train toutes les 30 mn sur les autres branches de l'étoile ferroviaire d'Annemasse. Ce projet devrait ainsi permettre d'accroître le trafic transfrontalier de plus de 170 % et de 87 % sur les relations franco-françaises. Le trafic journalier sur l'ensemble des origines-destinations devrait passer de 5 400 voyageurs à 13 000 voyageurs à l'achèvement du projet. Le report de la route sur le train est évalué à environ 5 000 personnes par jour à la mise en service, dont 3 500 sur les relations avec Genève et 1 500 sur les relations franco-françaises. L'ensemble des travaux du projet CEVA seront achevés fin 2018, côté français, et fin 2019, côté suisse, pour une mise en service en 2020, et avec un taux de rentabilité parfait.

Ces deux conventions, bâties sur le même modèle, ont en commun de régler la répartition des compétences et des responsabilités, selon le principe de territorialité pour l'essentiel, entre les gestionnaires d'infrastructure et les organismes compétents en matière de capacités - SNCF Réseau et les Chemins de fer fédéraux (CFF) - concernant la construction, l'entretien et l'exploitation de l'infrastructure dans la durée. Elles définissent également les règles applicables en matière de contrôles et d'accords douaniers, de sécurité ferroviaire et de sécurité civile. À cet égard, il y aura un bureau à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) dans la gare de Delle, mais l'implantation d'un BCNJ dans la gare d'Annemasse rencontre actuellement quelques difficultés : surfaces insuffisantes pour l'implantation des locaux, problème de financement notamment, absence de discussion entre les autorités française et suisse.

En conclusion, je recommande l'adoption de ces deux projets de loi. Ces deux conventions amélioreront la connexion des réseaux ferroviaires français et suisse, et accroîtront ainsi l'offre de transport dans chacune des zones frontalières concernées. Elles participeront en outre au développement économique durable de ces régions, en permettant le désengorgement des axes routiers par le report modal induit.

L'examen en séance publique est prévu le mercredi 21 décembre 2016, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

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