Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 31 janvier 2006 à 10h00
Questions orales — Droit de vote des résidents étrangers extracommunautaires aux élections locales

Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur :

Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, et croyez bien que j'en transmettrai tant le fond que le ton au ministre auquel elle était adressée.

Vous exprimez le souhait de voir conférer aux résidents étrangers non communautaires le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales.

Comme vous le savez, la conception française de la souveraineté nationale associe intimement nationalité et citoyenneté. L'article 3 de la Constitution, qui subordonne le droit de vote à la nationalité française, en est l'expression.

Une exception à ce principe a été introduite à la suite de la signature du traité de Maastricht par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992. En vertu de l'article 88-3 de la Constitution, complété en 1998 par une loi organique, les ressortissants communautaires résidant en France disposent désormais du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales.

Faut-il aller plus loin et accorder le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non communautaires en situation régulière et résidant depuis une certaine période sur notre territoire ?

Comme le montre une récente étude du Sénat - car il me paraît utile de disposer d'éléments de comparaison avec d'autres pays européens confrontés au même problème -, la situation de nos voisins est assez contrastée sur ce point : en Allemagne, en Italie et en Autriche, le droit de vote des étrangers non communautaires lors des élections locales est inconnu ; l'Espagne et le Portugal ont développé des systèmes fondés sur des conditions de réciprocité absolue ; d'autres pays, comme la Belgique, les Pays-Bas ou la Suède, sont allés plus loin en accordant le droit de vote aux étrangers qui résident sur leur territoire depuis plusieurs années ; enfin, l'Irlande est allée plus loin encore en ne subordonnant ce droit à aucune durée minimale de résidence.

Il est légitime que ce débat puisse être ouvert en France. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire l'a souvent répété, notre politique d'immigration se doit d'être à la fois ferme et humaine : ferme, car il faut avoir le courage de dire qu'il est impossible d'accueillir sur notre sol tous ceux qui désireraient y venir, et lutter, bien évidemment, contre l'immigration clandestine ; humaine, par le renforcement des droits des immigrés en situation légale. À ce titre, l'octroi du droit de vote aux élections municipales peut être un signe fort en faveur du renforcement de l'intégration des étrangers qui respectent notre loi, qui vivent sur notre sol et qui contribuent à la valeur de notre pays.

C'est là, madame la sénatrice, une question extrêmement importante du point de vue tant de la politique de l'immigration que de notre conception de la citoyenneté et, plus largement, de la démocratie et de l'intégration.

Une telle évolution de nos institutions exige un large débat préalable qui associe les élus, les associations et les citoyens, et qui porte sur l'ensemble des droits et des devoirs des Français et des étrangers vivant dans notre pays. Elle suppose aussi que le travail législatif puisse se développer de manière sereine et réfléchie, et que le temps nécessaire lui soit consacré. Votre question, madame la sénatrice, contribue à ce débat, et je ne doute pas que celui-ci se poursuive.

Nous le savons tous, la France est riche de sa diversité. Laissons-la donc s'exprimer, laissons-lui le temps de le faire avant de légiférer dans la précipitation.

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