Intervention de Christian Favier

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 21 octobre 2016 : 1ère réunion
Troisième table ronde : « faut-il réformer les politiques dites de la ville ? mixité sociale et mixité fonctionnelle »

Photo de Christian FavierChristian Favier, sénateur :

Je vous remercie, cher Jean-Pierre Sueur, de m'avoir convié à ce colloque. La politique de la ville issue de la loi Lamy renouvelle notre action en faveur des quartiers populaires. Création, au travers des conseils citoyens, d'un organe de concertation avec les habitants des quartiers concernés par les nouveaux contrats de ville, mise en place du tirage au sort pour la désignation de leurs membres : cette loi a été l'occasion de refondre les moyens de la géographie prioritaire en les resserrant sur 1 300 quartiers. J'ai soutenu cette initiative, convaincu qu'il valait mieux arrêter le saupoudrage et privilégier les besoins les plus importants. N'oublions pas pour autant les territoires qui ont été sortis de cette géographie prioritaire. Dans mon département, de 320 000 personnes concernées dans 78 quartiers, nous sommes passés à 140 000 dans 42 quartiers, soit 180 000 personnes exclues de la géographie prioritaire de la ville sans que leurs difficultés aient disparu pour autant. Des mesures doivent être prises pour garantir les besoins de ces quartiers dits « de veille active ».

J'étais favorable à un élargissement des moyens de l'Anru. Ils sont déjà significatifs, à 5 milliards d'euros, mais moindres qu'à l'époque du premier programme, alors que les besoins sont importants. Il faut également être attentif aux moyens dont disposent les collectivités concernées, car elles subissent uniformément la baisse de la DGF quelle que soit leur situation. Peut-être aurait-il fallu nuancer cette baisse en fonction des difficultés particulières auxquelles sont confrontées certaines communes. Le contrat de ville unique, associant collectivités et État, est un outil pertinent, qui semble bien fonctionner. Des évaluations sont en cours.

La question de la mixité sociale se pose dans les villes en général et pas seulement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. J'ai été choqué par le détricotage, au Sénat, de la loi SRU lors de l'examen en première lecture du projet de loi Égalité et citoyenneté, avec la remise en cause des obligations des collectivités locales en matière de construction. En région parisienne, où l'on dénombre plus de 600 000 demandeurs de logement, on ne peut pas s'exonérer de ce genre d'obligations. Je plaide également pour qu'on encourage les maires bâtisseurs. Certains, très volontaires pour créer l'offre de logement nécessaire, sont freinés par le manque de moyens en vue d'accompagner ces réalisations d'équipements publics adéquats. Les sommes allouées restent faibles : 2 000 euros par logement construit ; c'est peu par rapport au coût d'une école. De ce point de vue, la simple contractualisation proposée par la majorité sénatoriale dans le projet de loi Égalité et citoyenneté ne suffit pas. La situation est grave et appelle des règles plus contraignantes pour répondre aux besoins sociaux.

En matière de mixité sociale, ce n'est pas la population qui pose problème, ni même les quartiers. Ce qui importe, c'est de rendre ces derniers attractifs pour que les habitants y vivent mieux. Offre de soins, désenclavement, accès à l'emploi ou à la formation, tels sont les enjeux principaux, au premier chef desquels vient aussi l'éducation. Des efforts ont été déployés, avec par exemple la scolarisation à 100 % des enfants à partir de l'âge de deux ans. Il faut aller plus loin pour les faire aboutir. La qualité des établissements scolaires est également un enjeu de taille : comment créer des filières attractives pour les élèves ? On contiendrait les phénomènes d'évitement, particulièrement préjudiciables, en développant des filières de langue dans les établissements de ces quartiers plutôt que de créer un lycée international. Quant aux services de proximité, on les voit se déliter régulièrement : antennes de la caisse primaire d'assurance maladie, bureaux de poste, commissariats... Beaucoup reste à faire.

La décision de la région d'Île-de-France de ne plus verser de subventions aux communes qui ont plus de 30 % de logements sociaux pour éviter les ghettos est extrêmement pénalisante : elle risque, à l'inverse de l'objectif recherché, de favoriser la dégradation du patrimoine et des quartiers, et de créer ainsi des situations encore plus difficiles.

En tant que collectivité départementale, nous nous sommes saisis de cette réforme pour redéployer le service public dans les quartiers de la politique de la ville. Nous sommes signataires de tous les contrats de ville et nous menons des actions très concrètes : création de crèches supplémentaires, de centres de PMI, développement de grands projets de transport, avec 120 millions d'euros engagés pour le déploiement du tramway T9 prévu pour désengorger plusieurs sites entre Paris et Orly et dont le coût total s'élève à 400 millions d'euros. Il s'agit d'un effort considérable pour une collectivité qui n'a pas de compétence spécifique en matière de transport. À l'instar de ce qu'a fait la ville de Medellín, citée lors de la précédente table ronde, nous allons également créer le premier transport par câble en Île-de-France, un téléphérique urbain qui désenclavera Valenton et Villeneuve-Saint-Georges, en ouvrant l'accès au futur réseau du Grand Paris Express desservant Créteil.

En tout état de cause, rien n'aboutira sans un réel partenariat entre l'État, la région, le département, les collectivités locales et les communes.

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