Intervention de Florian Salazar-Martin

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 17 novembre 2016 : 1ère réunion
Table ronde sur l'incidence de la réforme territoriale sur la politique de décentralisation culturelle : quel rôle pour les collectivités ? quels enjeux dans les territoires

Florian Salazar-Martin, président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les Sénateurs, c'est avec grand plaisir que la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) participe à la table ronde de votre délégation.

Le contexte actuel est complexe. La décentralisation et la démocratisation culturelles constituent les deux facettes d'une politique culturelle qui, jusqu'à présent, a été assez exemplaire sur tous les plans, qu'il s'agisse du patrimoine ou du spectacle vivant. Aujourd'hui, on peut dire que nous disposons d'atouts indéniables. Cela étant, la situation inquiète les collectivités territoriales. Elle peut, dans le même temps, constituer une ambition nouvelle pour la France et le service public de la culture. C'est sur ce constat ambivalent, et peut-être contradictoire, qu'il nous faut débuter notre propos, et envisager la mise en oeuvre de la nouvelle donne législative dans les territoires.

De ce point de vue, je ne peux pas faire l'économie de rappeler ce que nous avons créé en France. Nous le devons bien sûr à un État qui est, depuis plusieurs siècles, investi dans la culture, et plus récemment, avec les lois de décentralisation, à l'implication des collectivités territoriales et des élus locaux. Derrière les collectivités, il ne faut pas oublier les « militants » que sont les maires, des femmes et des hommes qui s'investissent pour construire un bien commun, une humanité plus vivable et plus émancipatrice. Nous pouvons tirer une certaine fierté des nombreuses expériences menées dans le domaine de la culture. Cette logique d'expérimentation doit subsister avec la nouvelle donne législative. Nous ne pouvons pas imaginer que la réforme territoriale s'opère d'une manière techniciste. Elle exige de l'ingénierie humaine, de l'expérimentation et aussi de la prise de risque. Nous ne pouvons pas parler de culture sans parler de prise de risque. Les artistes, à travers leurs oeuvres, prennent des risques. Il en est de même pour les élus locaux, dans leurs propositions de politiques culturelles.

L'histoire s'est donc construite à partir de la décentralisation et de la démocratisation culturelles. Cela a nécessité une relation de confiance, non seulement entre l'État et les collectivités, mais aussi avec tous les acteurs des territoires : citoyens, artistes, associations... La confiance constitue l'une des grandes questions posées à la République, dans un contexte d'interrogation, voire de peur, chez nos concitoyens.

La culture, même si elle est convoquée partout, porte elle aussi les stigmates de la réduction des ambitions politiques et des moyens budgétaires. Sur ce point, je suis obligé d'évoquer les restrictions budgétaires drastiques à l'oeuvre dans un certain nombre de collectivités. Comme l'a rappelé le président Jean-Marie Bockel, les communes et les intercommunalités représentent la quasi-intégralité des dépenses culturelles, mais les départements en financent quand même 18,5 %... Or ces derniers votent parfois des budgets en lourde diminution. Il y a donc lieu de s'inquiéter, car les politiques culturelles reposent sur la coopération entre différents niveaux de collectivités. La culture reste une compétence partagée, et nous avons déjà eu l'occasion de faire valoir que personne n'était de trop. Or, lorsqu'un partenaire se retire, il n'est pas nécessairement remplacé par un autre, et l'édifice d'ensemble s'en trouve fragilisé. Les difficultés budgétaires, loin d'être de nature exclusivement comptable, menacent les relations nouées dans les territoires entre les communes, les départements et les régions.

La constitution de grandes régions implique une nouvelle organisation. Nous aurons l'occasion d'évoquer les CTAP, où l'absence de l'État fait cruellement défaut. À l'échelle nationale, le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), qui a été renforcé, constitue une instance de dialogue entre onze associations de collectivités et l'État sur la thématique culturelle. Or, ce dialogue n'a pas lieu au niveau local dans les CTAP, auxquelles l'État, en l'espèce les DRAC, ne sont pas présents. C'est, je le crois, une anomalie qui devrait être réparée. La présence de l'État nous paraît essentielle - à cet égard, ce n'est pas parce que la Bretagne a une culture spécifique qu'il est nécessairement souhaitable que l'État lui délègue ses compétences en matière culturelle -, et l'histoire nous enseigne qu'elle doit être maintenue pour approfondir à la fois la décentralisation et la démocratisation culturelles.

Récemment, nous évoquions, avec l'Association des maires ruraux de France (AMRF), la compétence culturelle, dans le contexte de la montée en puissance des métropoles et des intercommunalités, et la façon dont nous pouvons créer de la solidarité avec l'immense majorité de nos territoires, c'est-à-dire le monde rural. Nous avons, dans ce domaine, un certain nombre de propositions à formuler.

Enfin, les lois de réforme territoriale reposent la question du partenariat entre les collectivités et l'État. De ce point de vue, il me semble que lorsque nous parlons d'État et de collectivités, nous donnons l'impression que les collectivités ne font pas partie de la République, alors que nous devons tous oeuvrer sur un même espace, pour donner plus de lisibilité et plus de confiance aux acteurs.

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