Je vous remercie, Monsieur le président. Je m'exprime ce matin au nom des FRAC. Il en existe aujourd'hui 23, extrêmement différents, à l'image des régions françaises, et très autonomes. Les FRAC constituent un lieu privilégié où se rejoignent la décentralisation et la politique culturelle. Depuis trente ans, ils représentent finalement un exemple assez réussi de décentralisation culturelle à la française. L'État et les régions y ont été réunis autour des missions de démocratisation et de décentralisation culturelles.
Je crois que nous pouvons considérer sur plusieurs critères que ces petites structures ont réussi.
Premièrement, elles se sont inscrites très fortement dans le paysage français. La quasi-totalité des régions ont investi dans des locaux. Elles se sont approprié leur FRAC et disposent aujourd'hui d'un patrimoine contemporain extrêmement important, les collections étant présentées partout dans le monde. Naturellement, les FRAC sont contestés, car ils représentent l'art contemporain. Ces critiques font néanmoins partie du jeu normal de la politique culturelle. Les FRAC portent des oeuvres d'art dans des endroits nouveaux, où nous avons peu l'occasion d'en voir. Lorsque nous avons célébré nos trente ans d'existence, voilà trois ans, un de nos interlocuteurs a fait remarquer que nous proposions le musée d'art moderne de New-York à trois kilomètres de n'importe quel village français. Nous exposons en effet au plus près du public des oeuvres de renommée internationale, grâce aux 500 manifestations que nous organisons tous les ans dans la France entière.
Le soutien à l'art contemporain représente le deuxième critère de succès des FRAC. Lorsque vous créez une entreprise, lorsque vous commencez une carrière d'artiste, les difficultés sont toujours au début. Pour une entreprise, il s'agit de trouver le capital-risque. Les artistes que l'on dit aujourd'hui « émergents » soulignent presque tous que les premières collections publiques qui ont acquis leurs oeuvres sont celles des FRAC. 75 % des acquisitions des FRAC représentent des primo-acquisitions et les oeuvres sont généralement acquises moins de deux ans après leur production. Nous jouons un peu, parmi d'autres, le rôle de business angels de l'art et il me paraît extrêmement important de mettre le pied à l'étrier des jeunes artistes.
Troisième critère de succès, dans un paysage français très tourné vers les grosses structures et la bureaucratie, les FRAC ont été créés par une circulaire. Les deux tiers des FRAC sont des associations. Structures légères employant entre 7 et 24 personnes et dotées d'un budget moyen d'un million d'euros, les FRAC sont parvenus à s'adapter à un paysage particulièrement changeant depuis plus de trente ans. Ils doivent conserver ce caractère de petite structure souple et réactive qui a fait leur succès.
Nos défis se révèlent nombreux aujourd'hui.
Le premier défi concerne notre mission principale de soutien à la création. Dans ce domaine, nous ne devons pas nous endormir. Nous devons rester des petites « têtes chercheuses ». Or nous ne pouvons le faire qu'en disposant de bons réseaux. Les comités d'achat des FRAC s'avèrent extrêmement diversifiés. Tous les directeurs des grandes institutions mondiales y ont participé au cours des trente dernières années. De nombreuses oeuvres intéressantes ont ainsi pu être acquises.
Le deuxième défi qui se pose à nous consiste à réinventer la régionalisation culturelle. Les grandes régions doivent conserver leur vitalité dans la création artistique. En Allemagne, si le paysage de l'art contemporain est aussi actif, c'est parce qu'il existe plus de 200 associations d'art, les Kunstverein. Cette diversité offre plus d'occasions de trouver des artistes et des solutions intéressantes et originales pour les promouvoir et leur faire rencontrer le public. Réinventer la démocratisation et la décentralisation culturelles impose de préserver cette diversité. Les services administratifs et financiers de certaines régions pourraient avoir tendance à nous inciter à fusionner. Nous pensons au contraire qu'il ne faut pas recentraliser, mais développer plutôt des coopérations entre les FRAC, car nous pouvons gagner en efficacité en coopérant davantage. La diversité constitue aussi une condition pour préserver la proximité géographique avec nos publics et nos réseaux. Un FRAC tire sa richesse du réseau de petites associations et de musées qui lui accordent sa confiance et qu'il rencontre régulièrement. Entre Strasbourg et Reims, entre Bordeaux et Limoges ou Poitiers, les distances se mesurent en centaines de kilomètres. Il faut conserver dans les territoires des institutions diverses et proches.
Nous travaillons à ces défis. Nous avons envoyé plusieurs documents aux présidents de région et à la ministre de la Culture et de la communication. Nous pensons que les FRAC doivent se concentrer sur leurs missions de service public et rester au coeur de la politique culturelle d'aujourd'hui.