Intervention de Vincent Berjot

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 17 novembre 2016 : 1ère réunion
Table ronde sur l'incidence de la réforme territoriale sur la politique de décentralisation culturelle : quel rôle pour les collectivités ? quels enjeux dans les territoires

Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la communication :

J'ai la chance et l'honneur d'être à la tête d'une direction qui traite de politiques patrimoniales très territorialisées et partenariales avec 43 000 monuments historiques dispersés sur l'ensemble du territoire, dont 43 % appartenant à des communes, 1 200 musées de France et des archives départementales dans chaque département, sans parler des archives municipales et régionales. En matière patrimoniale, les politiques sont co-construites suivant des modèles différents selon le domaine concerné. Les archives ont été décentralisées en 1986, mais l'État continue de mettre à la disposition des départements des conservateurs du patrimoine pour la direction des archives départementales, voire d'autres conservateurs pour les services de grande taille. L'État contribue aussi à la politique d'investissement lors de la construction de bâtiments d'archives et exerce des fonctions de contrôle scientifique et technique. Pour les monuments historiques, la politique d'aide et de subvention est partagée entre l'État et les autres niveaux de collectivités territoriales et associe les propriétaires. Quant aux musées de France, l'État assure l'animation du réseau et apporte son aide pour les acquisitions et lors des travaux réalisés sur les bâtiments pour leur extension ou leur restauration.

Dans ce paysage, tout n'est pas idyllique. Il existe quelques motifs d'inquiétude. En matière de politique d'entretien et de restauration du patrimoine, nous constatons en effet le désengagement d'un certain nombre de collectivités territoriales, en particulier des départements qui constituaient des partenaires extrêmement importants en matière de cofinancement de la restauration des monuments historiques. Compte tenu des contraintes financières qui pèsent sur les départements en matière d'aide sociale, nous notons un net retrait depuis trois ou quatre ans. Vous évoquiez la montée en puissance de l'échelon régional. Ne faudrait-il pas justement faire entrer au tour de table de l'entretien et de la restauration des monuments historiques ce partenaire qui était resté peu présent jusqu'à aujourd'hui ?

Des inquiétudes pèsent aussi sur les musées de France. Ces 1 200 établissements constituent une charge importante pour les collectivités et l'État. Ils forment un réseau extrêmement étendu, important par sa proximité vis-à-vis de nos concitoyens, mais ils représentent aussi des frais particulièrement lourds pour nos collectivités. Là encore, nous devrons sans doute nous réinventer. Nous menons actuellement une réflexion sur les musées du XXIe siècle à la demande de la ministre de la Culture et de la communication. Nous avons souhaité que les groupes de travail soient pilotés par des directeurs de musée de France territoriaux pour ne pas mettre systématiquement en avant les musées nationaux et parisiens. Nous avons effectué des étapes territoriales, à Toulouse, Roubaix, Lens, Strasbourg, Lyon ou Marseille. Cela nous a donné l'occasion de réfléchir aux évolutions de la politique d'animation du réseau des musées de France.

Pour conclure, je vous livrerai quelques pistes de réflexion qui concernent autant l'État que nos partenaires collectivités territoriales. Il nous faudrait peut-être assurer une visibilité plus grande des axes d'action de l'État en matière de monuments historiques pour que nos partenaires connaissent les axes que nous choisissons en matière de financement de restauration et faire en sorte que les autres parties prenantes du tour de table financier puissent se positionner. Des expériences ont été menées avec le département du Lot, où nous avons réussi à mettre en place un guichet unique d'instruction sur l'entretien et la restauration des monuments historiques. Nous devrions généraliser ces expériences, car la possibilité pour le propriétaire d'un monument historique de s'adresser à un seul guichet constitue un élément de facilité et une manière d'instaurer un meilleur dialogue entre l'État et les collectivités qui financent cette politique.

Il conviendrait peut-être aussi de renforcer notre animation du réseau. L'État a eu la tentation de se recentrer un peu trop sur les grands musées nationaux et parisiens. Il s'agirait de mieux animer le réseau des 1 200 musées de France. Nous devons par ailleurs poursuivre la co-construction des politiques de matière de monuments historiques et d'espaces protégés. La récente loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) a rappelé la demande des parlementaires en faveur d'une concertation et d'une co-construction de ces politiques en matière de patrimoine mondial. Une labellisation « patrimoine mondial » représente, pour un territoire, un levier d'attraction économique et touristique extrêmement important.

Pour les espaces protégés, c'est-à-dire les anciens secteurs sauvegardés, aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP) et zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), qui sont devenus les « sites patrimoniaux remarquables », là encore, un dialogue étroit doit se nouer avec l'État, à travers les architectes de France (ABF). Cette figure importante en matière de politique patrimoniale doit mieux dialoguer avec les interlocuteurs. Enfin, la mission de l'État dans le domaine du contrôle scientifique et technique ne me semble pas être remise en cause. Les politiques patrimoniales reposent en effet sur des fondements scientifiques très importants. L'entretien et la restauration d'un tableau, d'un monument historique, d'une archive présentent une forte dimension scientifique. Or, les collectivités territoriales me semblent rester sensibles au rôle que peut continuer de jouer l'État en la matière.

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