J'ai reçu, quelques jours avant vous, une lettre des ministres me demandant, lors de la réunion du conseil d'administration, de faire adopter un certain nombre de conventions. Ces instructions des ministres me semblaient devoir être transmises au conseil d'administration par le représentant de l'État, ce qui a été fait au cours de la dernière réunion. Il a ainsi été procédé à la lecture de la lettre des ministres par le représentant de l'Etat, ce qui a suscité des interrogations des administrateurs quant aux missions concernées et au sort des personnels. Le représentant de l'État a indiqué en réponse que les textes de mandat de gestion et de mise à disposition des personnels étaient en cours de préparation et seraient, une fois finalisés, soumis à un prochain conseil d'administration de la Cades qui pourrait alors mandater son président pour leur signature.
Quelle est l'idée des ministres ? Elle a été initiée par l'AFT qui, en la personne de son directeur général qui siège au conseil d'administration de la Cades, considère, d'une part, que la fin de l'activité de la caisse est fixée en 2024 et qu'elle dispose de personnels compétents sur les emprunts en devises, notamment en dollars, qui lui font défaut. Elle considère, d'autre part, que l'AFT, qui appartient au ministère des finances, est soumise à de fortes contraintes en matière de recrutement qu'elle pense pouvoir desserrer en demandant à la Cades de lui envoyer son personnel. Pour que cette démarche aboutisse, il faudrait transférer au préalable les missions de la Cades à l'AFT.
Comme président d'un établissement public administratif, ma première réaction a été de considérer qu'il me paraissait difficile de signer une convention transférant l'ensemble de ses missions à une autre entité, même si cette autre entité est l'État, et de demander que l'ensemble de son personnel soit mis à disposition de l'État. La date du 31 décembre me paraît hors de question.
Pour le texte sur lequel se fonde le Gouvernement pour exiger le transfert des activités de la Cades à l'AFT, la direction des affaires juridiques du ministère a changé plusieurs fois d'avis. La position actuelle du ministère des finances est de fonder cette démarche sur un article de l'ordonnance de 1996 issu d'un amendement présenté par M. Philippe Marini, alors rapporteur général de la commission des finances, et adopté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, qui prévoit que le ministre des finances est autorisé à procéder à des opérations pour le compte de la Cades. Lorsque cet ancien sénateur, dont chacun reconnaît les qualités de stratège, avait souligné le caractère anodin et technique de la mesure qu'il proposait dans cet amendement, le compte rendu avait mentionné l'existence de sourires sur les travées !
Sur le moment, j'ai considéré qu'il s'agissait d'une mesure vexatoire à l'encontre de la Cades qui s'inscrivait dans la continuité des tentatives de fusion du PLFSS et du PLF, ainsi que des dettes de la sécurité sociale et de l'État.
Le ministère des finances fonde donc cette mutation de la Cades sur un article voté dans des circonstances discutables et pour lequel, conformément aux intentions du ministre du budget de l'époque, M. Éric Woerth, aucun décret d'application n'a jamais été pris. Aujourd'hui, le ministère des finances considère qu'il convient de l'appliquer. Si on lit ce texte, il prévoit que le ministre des finances est autorisé à émettre des emprunts pour le compte de la Cades. Le mandat de gestion et la convention de mise à disposition des personnels proposés par cette réforme reviendraient à ce que l'AFT émette au nom et pour le compte de la Cades, ce qui est différent du texte de loi. Ce point reste en débat avec la direction des affaires juridiques du ministère.
Sur le fond, je trouve tout à fait normal que les ministres s'intéressent à l'avenir de la Cades. Je trouve que c'est un peu tôt puisque 136 milliards d'euros de dettes doivent encore être amortis. Je viens de présenter à la presse notre programme d'émissions qui s'élève à quelque neuf milliards d'euros. L'Acoss porte toujours 30 milliards d'euros de dettes qui devraient être, selon la ministre, madame Marisol Touraine, progressivement absorbés par les excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Il est nécessaire, au préalable, de supprimer les articles de loi qui attribuent ces excédents à différents établissements. Dans le PLFSS pour 2017, un article a ainsi été adopté pour supprimer l'affectation des excédents de la Cnav au Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Les excédents de la Cnam sont toujours affectés à la Cades.
D'un point de vue juridique, je considère qu'il n'est pas possible pour un président d'établissement public, même avec l'accord de son conseil d'administration, d'abandonner l'ensemble des missions que lui confie la loi ainsi que l'ensemble du personnel qu'il a sous sa responsabilité. La lettre des ministres précise, à cet égard, que le prochain président n'aura aucune autorité hiérarchique sur son personnel.
Pourquoi choisir comme date butoir la fin décembre 2016 ? Une telle précipitation provient certainement du fait que je ne suis pas très loin de la fin de mon mandat et qu'il s'agit là, ainsi que l'évoque -avec beaucoup de tact- la lettre des ministres, de ma dernière mission.