Intervention de Emmanuelle Cosse

Réunion du 19 décembre 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Emmanuelle Cosse, ministre :

En première lecture, les débats ont été vifs et nos désaccords nombreux. Le texte que vous avez adopté revenait sur les principales dispositions du projet de loi initial. Il impliquait moins de transparence et moins d’obligations pour les collectivités territoriales, en termes de mixité sociale ou de production de logements sociaux, et contenait des mesures très peu équilibrées concernant l’accueil et l’habitat des gens du voyage.

Pourtant, ce qui fonde ce projet de loi, c’est le renforcement des ressorts du vivre ensemble, grâce à des logiques de solidarité qui doivent s’imposer à tous les acteurs du logement, car elles profiteront, en définitive, à toutes et à tous. Il cherche également à établir un équilibre entre droit au logement et mixité sociale, entre l’objectif d’intérêt général et la nécessaire adaptation aux situations locales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en supprimant la référence au taux de 25 % pour les attributions de logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui sont destinées aux 25 % des demandeurs les plus pauvres, vous avez fait disparaître le signal envoyé aux ménages les plus modestes.

En supprimant la possibilité laissée aux préfets d’attribuer certains logements de manière automatique si les collectivités territoriales, les bailleurs ou Action logement ne respectaient pas leurs objectifs en matière de mixité, vous avez limité la nécessaire pression nationale et la capacité d’intervention de l’État, qui en est l’indispensable moteur.

En supprimant enfin l’obligation faite aux bailleurs de publier leurs logements vacants, vous avez réduit la portée de l’objectif de transparence, qui visait à faire des candidats au logement social les acteurs de leur recherche de logement.

Finalement, à force de modifications portant sur l’article 55 de la loi SRU relative à la solidarité et au renouvellement urbains, c’est à sa disparition que vous avez œuvré.

Toutes ces suppressions montrent que nos deux visions, que ce soit sur les politiques du logement, les politiques de peuplement ou, plus généralement, le rôle du logement social, sont difficilement conciliables. Nous voulons ouvrir des portes et construire des ponts, alors que vous proposez de cloisonner les territoires.

Aussi, je comprends ce qui a poussé la commission spéciale du Sénat à déposer et à adopter le 6 décembre dernier une motion tendant à opposer la question préalable et ce qui la conduit, aujourd’hui, à déposer une nouvelle motion.

Pourtant, l’ambition du texte que nous examinons aujourd’hui est grande : il vise en effet une mobilisation générale pour le vivre ensemble, ce ciment indispensable du pacte républicain !

Nous devons tout faire pour redonner confiance à nos concitoyens. Nous avons l’immense responsabilité de ne pas nous laisser envahir par ce mouvement insidieux de défiance de tous à l’égard de tous, et de trouver des réponses pour renforcer la cohésion sociale dans notre pays.

Ce qui est au fondement de ce projet de loi et, en l’espèce, de son titre II, c’est la recherche de solutions face à cette tentation du repli et de l’entre-soi : la façon dont nous nous occupons et partageons espaces publics et logements symbolise tout particulièrement la manière dont nous faisons société.

Le défi qui nous est lancé est décisif. Le relever s’inscrit dans une perspective de reconquête, celle qui consiste à faire du logement social le pivot d’un nouveau pacte urbain. Je vous le rappelle, le logement social est destiné potentiellement à une grande majorité de Français : quelque 70 % d’entre eux ont un revenu inférieur au plafond de ressources requis pour y accéder.

Après la loi SRU, la loi Égalité et citoyenneté est une étape supplémentaire vers la constitution de bassins de vie équilibrés. Dans la lignée de la loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, qui a consacré la responsabilisation accrue des acteurs locaux, et de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public, le présent projet de loi vise à s’appuyer sur les points forts des territoires pour mettre en place des politiques de peuplement « en dentelle », fines et adaptées aux besoins spécifiques des habitants en fonction des besoins des collectivités.

Avec ce texte, le Gouvernement cherche à agir, non seulement sur l’offre de logements en veillant à leur bonne répartition spatiale et à leur diversité, mais aussi sur le parc social existant en réformant les modalités d’attribution des logements sociaux et en permettant aux bailleurs de mettre en œuvre de nouvelles politiques des loyers s’ils le jugent nécessaire.

Vous le savez, nous avons introduit un grand nombre de dispositions : c’est le cas à l’article 20 avec la réforme de l’attribution des logements sociaux, à l’article 26 au travers de la mise en place de la nouvelle politique des loyers, ou aux articles 30 et suivants qui renforcent la portée de loi SRU et en imposent une plus juste application – je pense notamment aux territoires qui ne font face à aucune demande en matière de logement social, aujourd’hui.

Je connais votre implication dans les territoires, mesdames, messieurs les sénateurs. Je connais également votre engagement en faveur des politiques du logement et sais combien vous vous battez pour des villes plus inclusives. C’est la raison pour laquelle, au-delà de nos différences, je tenais à vous remercier de la qualité des débats que nous avons eus ensemble, ainsi que du travail que vous avez réalisé, afin d’améliorer la rédaction d’un certain nombre de dispositions, notamment grâce à la rigueur de votre rapporteur, Mme Dominique Estrosi Sassone.

Je crois que nous partageons l’idée qu’il est de notre devoir d’insuffler un droit positif et un droit d’accès dans le logement social, et non un droit de séparation ou d’exclusion. Telle est la substance de ce titre II de ce texte. Nous ne pouvons pas renoncer au respect élémentaire du droit au logement. Nous devons favoriser la mixité sociale, afin qu’aucun ménage ne soit exclu. Avoir un chez-soi, au-delà d’un simple toit, c’est en effet une exigence pour des millions de concitoyens, auxquels nous devons toute notre mobilisation.

Comme Patrick Kanner l’a rappelé, je crois que nous pouvons consolider les valeurs républicaines d’égalité et d’émancipation malgré ce contexte difficile.

Aux exigences accrues en matière d’efficacité des politiques publiques, nous pouvons répondre par un pacte territorial renforcé entre l’État, les collectivités territoriales, les bailleurs et les usagers. En favorisant l’égal accès à un habitat mieux partagé, nous pouvons faire en sorte que les Françaises et les Français puissent retrouver à la fois confiance en l’autre et confiance en l’avenir !

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