Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames les rapporteurs, monsieur le président de la commission spéciale, je vais essayer de vous rendre compte, aussi fidèlement que possible, de la position du groupe du RDSE sur ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Malgré l’existence d’un secrétariat d’État à la simplification, nous sommes confrontés, encore et toujours, à une avalanche législative. En dépit des annonces-chocs sur la simplification des normes, ce quinquennat aura été marqué, comme les précédents, par la complexification et l’instabilité du droit, ce que le président Jacques Mézard a qualifié ici même de « bougisme ».
Nous avons connu des cavaliers législatifs en tout genre, des revirements sur des textes à peine promulgués, des non-applications de dispositions votées, des corrections incessantes des effets de l’acte III de la décentralisation, etc., et ce malgré les nombreuses mises en garde adressées par la Haute Assemblée.
Le présent projet de loi n’a pas échappé à ces mises en garde, dans la mesure où il est un exemple flagrant de ce qu’il est convenu d’appeler un « fourre-tout » législatif. Aussi, à défaut de pouvoir m’exprimer sur l’ensemble du projet de loi – exercice impossible, même avec trois fois plus de temps de parole –, je m’attarderai sur quelques sujets contenus dans cette ultime version qui nous revient de l’Assemblée nationale.
S’agissant des mesures relatives à l’éducation, nous jugeons acceptable la réintroduction de l’habilitation à procéder par voie d’ordonnances pour l’instauration d’un régime d’autorisation d’ouverture des établissements privés, bien qu’il eût été préférable, selon nous, de l’inscrire directement dans la loi.
Toutefois, nous considérons que l’article 14 bis portant sur l’instruction à domicile ne va pas assez loin pour garantir le droit de l’enfant à l’éducation et un respect véritable des valeurs de la République. Dans tous les cas, il demeure urgent de renforcer les moyens de l’inspection de l’éducation nationale, sans quoi le contrôle de ces modalités d’enseignement restera lettre morte. Il s’agit d’un impératif d’intérêt général, qui doit permettre des entorses raisonnables et contrôlées à la liberté d’enseignement.
S’agissant des dispositions relatives au logement, en particulier des obligations de mixité sociale, le groupe du RDSE avait proposé une voie intermédiaire – un « compromis radical », pourrait-on dire – dans le système de contractualisation entre le préfet et les collectivités instauré par le Sénat, en fixant un plancher de 15 % minimum d’attributions de logements sociaux aux ménages les plus défavorisés, en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. La majorité sénatoriale a rejeté cette solution, préférant l’absence totale d’encadrement.
Pour l’application de la loi SRU, si nous soutenions la volonté d’adapter les obligations de construction de logements sociaux aux réalités locales, le dispositif voté au Sénat n’était en réalité qu’une manière d’exonérer au maximum les communes de leurs obligations. La volonté de gonfler artificiellement la liste des logements entrant dans le décompte de logements sociaux et la suppression de l’aggravation des sanctions à l’encontre des communes carencées le confirment.
L’Assemblée nationale est fort heureusement revenue sur ces dispositions. Toutefois, le rétablissement de la suppression de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, pour les communes carencées est préoccupant, car il pénalisera doublement les communes n’ayant pas les moyens.
Quant à l’article 33 du projet de loi, nous sommes totalement opposés à la version adoptée par les députés, qui écarte tout droit d’opposition des communes au transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière de plan local d’urbanisme, ou PLU, lors d’une fusion d’établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, mixtes.
Cette question, compliquée et sensible sur le terrain, concerne de nombreux élus : que la fusion soit voulue, soit, mais cela pose problème lorsque la fusion se réalise sous la contrainte. Cet article tire donc un trait sur le compromis de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, qui offrait la possibilité pour les communes de constituer une « minorité de blocage ». Le seuil fixé à 100 communes pour bénéficier du régime dérogatoire pour les EPCI dits « XXL » est bien trop élevé pour prendre en compte les réalités locales.
S’agissant du titre III, notamment des mesures proposées en matière de liberté de la presse, les députés n’ont pas retenu les adaptations de la loi du 29 juillet 1881. Le débat n’est pas clos et mérite de faire l’objet d’un examen ultérieur, afin de préserver efficacement l’équilibre entre droits de la victime et liberté d’expression à l’ère du numérique. Nous souhaitons que notre assemblée puisse étudier en profondeur cette question.
Enfin, nous regrettons l’adoption dans un texte fourre-tout de l’article 38 ter, tendant à créer un délit de négation, minoration ou banalisation des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, de réduction en esclavage ou des crimes de guerre.
Si notre sentiment sur ce présent projet de loi est plus que mitigé, à une exception près, les membres du groupe du RDSE voteront contre la motion tendant à opposer la question préalable, qui ne permet pas à notre Haute Assemblée d’exprimer sa position sur plusieurs points, bien loin d’être satisfaisants.