Intervention de Yannick Vaugrenard

Réunion du 19 décembre 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Discussion générale

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Avec la motion qui sera vraisemblablement adoptée dans l’après-midi, le Sénat, une nouvelle fois, ne pourra pas faire entendre sa voix sur cette question, ce qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, est assez regrettable.

J’en viens maintenant à un point très important, et qui a vu naître, au sein de notre Haute Assemblée, des divergences irréconciliables. Je veux parler de votre volonté, chers collègues de la majorité sénatoriale, de supprimer l’une des mesures phares du projet de loi, tendant à réserver un quart des logements sociaux pour les ménages les plus modestes, hors des quartiers de la politique de la ville.

Au reste, vous avez posé vos premiers marqueurs. Ainsi l’une des rapporteurs a-t-elle pu dire : « Loger des personnes défavorisées dans des quartiers riches, ce n’est pas leur rendre service » !

Pourtant, les chiffres d’attribution de logements montrent une augmentation toujours constante des ménages les plus pauvres dans les quartiers les plus pauvres. Les ghettos de riches, comme les ghettos de pauvres, n’ont plus lieu d’être dans une société ouverte et apaisée, une ambition que tout le monde, me semble-t-il, devrait partager.

Le texte tend également à poser les bases d’une réflexion intercommunale des attributions, pour éviter les situations de blocage de certaines communes. Il implique tous les acteurs du logement, ainsi que les collectivités. Il donne à l’État des moyens forts et concrets pour que les objectifs de mixité soient appliqués par tous, et sur tous les territoires.

Votre refus de ces évolutions, chers collègues de la majorité sénatoriale, avait fait perdre au texte son ambition de progresser vers davantage de mixité sociale. Ces évolutions sont pourtant essentielles pour l’avenir, car elles agiront non seulement sur la mixité dans l’habitat et dans les quartiers, mais également sur d’autres leviers de mixité, comme l’école, le sport ou encore la culture.

Concernant l’effort de construction de logements sociaux, le projet de loi vise à recentrer le dispositif SRU dans les territoires enregistrant une forte pression sur la demande de logement social. Il répond ainsi à une exigence forte des élus.

En revanche, sur les territoires en tension, le projet de loi tend à organiser une contribution rigoureuse à l’effort de construction de logements sociaux. En supprimant le taux obligatoire de 25 % de réalisation de logements locatifs sociaux, le Sénat a considérablement réduit l’impact de la loi SRU, et vous avez donc, en première lecture, vidé cette loi de son objectif essentiel. La simple contractualisation entre l’État et les communes sur cet enjeu de solidarité nationale ne nous paraît pas à même de satisfaire aux demandes de logements à des prix abordables.

C’est la réponse que vous apportez aux 2 millions, ou presque, de demandeurs en attente ; ce n’est pas la nôtre ! Pour notre part, nous soutenons une application forte du dispositif de la loi SRU, qui permet depuis quinze ans la construction de logements sociaux sur tous les territoires. L’effort national de solidarité ne peut être à géométrie variable. Il doit être porté par tous, sans exception.

Il fallait renforcer les moyens opposables aux communes plus que récalcitrantes, et cela, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous l’avez refusé.

Dans chacune de nos régions, il existe malheureusement des quartiers enclavés, avec des habitants qui se considèrent comme les grands oubliés de notre République. L’« apartheid » qu’évoquait Manuel Valls après les attentats est malheureusement une triste réalité.

Pourtant, vous avez déposé, en première lecture, de nombreux amendements visant à réduire la part de logements sociaux prévus par la loi SRU, ou encore à rendre plus difficile la mise en place d’un certain nombre de dispositions. Globalement, donc, sur les questions de mixité sociale et de construction de logements sociaux, nous sommes très satisfaits que l’Assemblée nationale ait rétabli les mesures que vous aviez supprimées, ici, au Sénat.

Enfin, s’agissant du titre III, nous avons quelques motifs de satisfaction, que je livre rapidement. Je pense en particulier à l’accord que nos deux assemblées ont pu trouver sur la consécration, dans la loi, du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et sur la délivrance automatique du titre de séjour pour les femmes victimes de violences conjugales dont le mari a été condamné.

Il est heureux que sur ces sujets aussi sensibles et douloureux, l’esprit de responsabilité l’emporte, et ceci de manière transpartisane. Je regrette toutefois qu’aucun accord n’ait pu aboutir sur les dispositions tendant à améliorer la répression des délits de provocation, diffamation et injure racistes ou discriminatoires, ainsi que sur la généralisation des circonstances aggravantes de racisme, d’homophobie et de sexisme à tous les crimes et délits.

Avant de conclure, je voudrais remercier Mmes Françoise Gatel et Dominique Estrosi Sassone, malgré nos divergences, du travail qu’elles ont accompli, en outre durant la période estivale.

Je suis persuadé, mes chers collègues, que cette nouvelle lecture nous aurait permis d’améliorer encore ce projet de loi, grâce aux échanges et au respect dont chacun d’entre nous est capable ici. Je regrette donc le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable, qui nous privera de notre travail de parlementaire et qui affaiblira le Sénat le bicamérisme et d’une certaine manière, aussi, notre fonctionnement démocratique.

C’est, une fois de plus, un mauvais coup porté à nos pratiques institutionnelles ! (

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