Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 19 décembre 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Discussion générale

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Néanmoins, nous avons tenté de faire preuve d’ouverture.

En première lecture, le Sénat a voté conforme 54 articles. Il a par exemple su reconnaître le bien-fondé des mesures en faveur de l’engagement de la jeunesse, qu’il s’agisse de l’extension du service civique ou de la création d’une réserve citoyenne généraliste et pérenne. Nous ne sommes cependant pas allés jusqu’à approuver les dérives conduisant à une certaine professionnalisation de l’engagement associatif.

Nous avons également dû mener, en première lecture, un travail important pour cantonner ce texte fourre-tout dans les limites du raisonnable. Le présent projet de loi comportait, en particulier, d’inquiétantes remises en cause des formes d’autorité, alors même que, en cette période troublée, notre société, et singulièrement la jeunesse, est en demande de repères.

Il s’agit, en premier lieu, de l’autorité parentale. Sous couvert d’émancipation des jeunes, ce texte affiche une irresponsabilité patente en matière d’éducation, associée à une ingérence éducative qui nous a paru dangereuse.

Nous nous opposons donc aux dispositions assez démagogiques affaiblissant l’autorité parentale et restreignant la liberté des parents en matière d’éducation. Je pense notamment aux mesures qui affaiblissent la protection des mineurs en tendant à établir la majorité à seize ans, ou aux propositions imposant des contraintes inutiles en matière de contrôle de l’instruction dispensée en famille. Bien sûr, il faut assurer un contrôle. Encore faut-il déterminer comment le faire.

Dans le même esprit, nous refusons de soumettre l’ouverture des établissements scolaires privés hors contrat à un régime d’autorisation qui serait contraire au principe constitutionnel de liberté de l’enseignement – nous attendrons de voir ce qu’en dira le Conseil constitutionnel. Nous avons préféré renforcer l’encadrement du dispositif déclaratif.

Il s’agit, en second lieu, de l’autorité municipale. J’ai déjà évoqué la remise en cause de la capacité de décision des maires en matière de logement social.

Alors que les maires sont la seule catégorie d’élus échappant encore peu ou prou à la défiance généralisée des Français vis-à-vis du politique, ils sont aujourd’hui mis en cause par les prérogatives accordées aux conseils citoyens. Nous ne pouvons que marquer notre ferme opposition à cette dilution de l’autorité et de la légitimité des élus locaux, qui demeurent la colonne vertébrale de notre démocratie représentative.

Il s’agit, troisièmement et enfin, de l’autorité policière. Ces derniers temps, les forces de l’ordre sont particulièrement sollicitées et éprouvées. Les messages de défiance adressés à leur encontre via les récépissés obligatoires sont on ne peut plus malvenus. À nos yeux, ils sont même inacceptables.

Ce projet de loi ne va pas non plus dans le sens de l’apaisement, tant le renforcement de la capacité des associations de toute nature à se porter partie civile risque de judiciariser à l’extrême les relations sociales.

La chasse aux discriminations est nécessaire. Mais faut-il la déployer sur tous les pans de la vie publique ? On va jusqu’à vouloir traquer les discriminations lors de la passation des marchés publics ou dans l’exercice du droit de préemption. Selon nous, cette attitude va trop loin.

Il nous a donc paru essentiel de supprimer les dispositifs proposés ou de les ramener à plus de mesure, pour contrer la menace de multiplication de contentieux sans réel fondement, qui ne font qu’attiser inutilement les tensions et créer un climat de suspicion délétère.

Malheureusement, sur ce point comme sur les précédents, il n’a pas été possible d’engager un réel dialogue avec l’Assemblée nationale. Les apports du Sénat ont, pour la plupart, été rayés d’un trait de plume.

Monsieur le ministre, madame la ministre, pour renforcer la République et ses valeurs, il faut avant tout être en prise directe avec le réel et comprendre la nature des fractures sociales et culturelles qui minent l’unité de notre pays. À l’inverse, c’est faire fausse route que vouloir régenter à tout prix les rapports sociaux.

Par ses travaux, la Haute Assemblée a, me semble-t-il, envoyé un message essentiel, en effaçant en partie le fossé qui existait entre la vision développée par ce projet de loi et la réalité vécue au quotidien par nos concitoyens.

La voix du Sénat n’a pas été entendue par la majorité socialiste et par le Gouvernement. Dans ces conditions, les sénateurs du groupe Les Républicains voteront en faveur de la question préalable déposée sur ce projet de loi.

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