Intervention de Michel Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 21 décembre 2016 à 9h15
Proposition de loi relative à la composition de la cour d'assises de l'article 698-6 du code de procédure pénale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur :

Cette proposition de loi, qui émane de M. Philippe Bas et plusieurs de ses collègues, poursuit un seul objectif : améliorer l'administration de la justice en matière de terrorisme. Elle est fidèle à une position unanime et constante de notre commission, qui veut que si le droit du terrorisme est dérogatoire au droit commun, c'est néanmoins au juge de droit commun qu'il revient de l'appliquer. Si l'on veut éviter d'être amenés, un jour ou l'autre, à recréer des juridictions d'exception, il faut que les formations de droit commun, fussent-elles aménagées, fonctionnent bien. Là est l'enjeu de ce texte.

La cour d'assises prévue à l'article 698-6 du code de procédure pénale était initialement compétente en matière de crimes militaires commis en temps de paix - à la suite de la suppression des tribunaux militaires -, et d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. La loi du 9 septembre 1986 a étendu sa compétence aux crimes terroristes. Puis le législateur a étendu sa compétence aux crimes de trafic de stupéfiants - un chef de compétence que les magistrats que nous avons entendus estiment indispensable de maintenir, tant l'argent de la drogue et celui du terrorisme ont partie liée -, et aux crimes de prolifération d'armes de destruction massive.

Cette cour d'assises, pour la formation de laquelle la juridiction parisienne est particulièrement sollicitée, est composée d'un président et de six assesseurs en premier ressort, d'un président et de huit assesseurs en appel. Si bien que la recrudescence des procédures criminelles en matière terroriste pose problème. En 2017, le nombre de journées d'audience devrait être de 1244, contre 132 en 2016, soit une progression de 842 %.

Pour composer cette formation, tous les magistrats du tribunal de grande instance de Paris sont sollicités, depuis les juges aux affaires familiales jusqu'aux juges de l'application des peines. Pour s'assurer de la présence des huit magistrats requis, il faut prélever 24 magistrats sur un vivier qui n'en compte que 200.

En 2017, s'ouvriront notamment deux grands procès, l'un lié à l'affaire Merah, l'autre à la cellule de Cannes-Torcy, soupçonnée d'être responsable de l'attentat de Sarcelles. De telles affaires, qui peuvent engager plusieurs dizaines de parties civiles, sont très lourdes à traiter. Au-delà, le flux des audiences devant cette formation est destiné à croître, d'autant que le parquet de Paris, avec l'aval de la Cour de cassation, a infléchi sa politique pénale, pour recourir plus fréquemment à la qualification criminelle d'association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes d'atteinte aux personnes, dans le cadre du djihad irako-syrien - des affaires qui donneront certes lieu à beaucoup de jugements par défaut, mis qui n'en requerront pas moins trois jours d'audience dans chaque cas.

Se pose, dès lors, un problème d'organisation. La proposition de loi qui vous est soumise vise à apporter des améliorations au fonctionnement des juridictions parisiennes sans rien perdre du principe de collégialité. La cour d'assises spécialement composée compterait, outre un président, quatre assesseurs au lieu de six en premier ressort, et six au lieu de huit en appel. J'indique au passage, sachant que les juridictions parisiennes ne comptent que trois cours d'assises permanentes, que la première présidente envisage d'en créer une quatrième.

Cette nouvelle composition permettrait de juger davantage d'affaires tout en pesant moins sur le fonctionnement des services des juridictions parisiennes.

Tel est l'objet de cette proposition de loi, qui vise à aménager une formation de droit commun pour l'application du droit dérogatoire de l'antiterrorisme. La grande majorité de magistrats et tous les chefs de juridiction et de cour que nous avons entendus y sont favorables et nous demandent de légiférer sans délai. L'Union syndicale des magistrats, majoritaire, l'est également, seul ne l'est pas le Syndicat de la magistrature - qui est dans son rôle...

Parce qu'il importe, pour une bonne administration de la justice, de réduire la pression que subissent les juridictions parisiennes - du fait, cela vaut d'être salué, du succès de la lutte antiterroriste -, je vous invite à adopter cette proposition de loi, et à demander au Gouvernement de l'inscrire le plus vite possible à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

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