Intervention de Michel Vaspart

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 21 décembre 2016 à 9h30
Proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel VaspartMichel Vaspart, rapporteur :

C'est un doux euphémisme de dire que j'ai eu peu de temps pour travailler.

Il me revient de vous présenter cette proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique et je vous remercie de cette marque de confiance. Ce texte marque une nouvelle étape en matière de gestion du trait de côte dans notre pays.

Pour rappel, le trait de côte symbolise la limite entre la terre et la mer. Sa longueur est d'environ 5 800 kilomètres en France métropolitaine, 4 500 kilomètres en Polynésie, 3 300 kilomètres en Nouvelle-Calédonie, 1 380 kilomètres pour les Antilles et la Guyane, et 460 kilomètres pour La Réunion. Le trait de côte est loin d'être un trait fixe. Son profil évolue au gré des aléas naturels dus à la proximité de la mer, que sont les submersions marines et l'érosion côtière.

Les submersions marines sont des inondations temporaires de la zone côtière par les eaux marines. Leur origine est liée à une élévation temporaire du niveau de la mer et à son état d'agitation. L'érosion des côtes est un phénomène permanent que l'on observe partout dans le monde. En France, près d'un quart du littoral, soit 1 720 km, s'érode et il s'agit aux deux tiers de côtes sableuses.

Ces deux aléas, submersions marines et érosion côtière, sont amplifiés par le changement climatique, qui entraîne une élévation du niveau moyen des océans. Deux phénomènes se conjuguent : d'une part, l'augmentation de la température moyenne des océans entraîne une dilatation des masses d'eau concernées ; d'autre part, la hausse de la température sur les terres émergées provoque une augmentation des apports d'eau douce dans les océans, principalement du fait de la fonte des glaciers de montagne et des calottes glaciaires dans les zones polaires.

Aujourd'hui, en dépit des incertitudes sur l'ampleur et le rythme de ce phénomène, toutes les prévisions s'accordent à dire que l'élévation du niveau moyen des eaux devrait atteindre, à l'horizon 2100, la fourchette de 0,2 à 0,6 mètre, sous réserve d'une accélération de la fonte des glaces dans les régions polaires. Ainsi, le cinquième et dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), publié en 2013-2014, estime que l'élévation probable du niveau moyen de la mer entre 1986-2005 et 2081-2100 sera comprise entre 26 et 82 centimètres, avec une forte variabilité géographique.

Cette élévation aura des conséquences sur les risques de submersion et d'érosion du littoral, en métropole comme en outre-mer. Certes, la France n'est pas dans la situation des Pays-Bas, pour lesquels un relèvement mineur du niveau de la mer peut entraîner la disparition d'une part conséquente de son territoire. Néanmoins, dans certaines de nos régions, les conséquences de la montée des eaux et des risques associés sont vitales.

Ainsi, la politique de gestion du trait de côte a progressivement évolué au cours des dernières années. L'approche historique consistait à tenter de maîtriser la nature par la construction d'ouvrages de défense contre la mer tels que digues et brise-lames : ces ouvrages, qui recouvrent 20 % du linéaire côtier, sont coûteux et souvent peu efficaces, voire contre-productifs en aggravant l'érosion à long terme. Depuis les années 1990, on est progressivement passé à une approche plus environnementale, qui tente de gérer les causes de l'érosion plutôt que ses effets, en privilégiant l'anticipation : rechargement ou drainage de plages, accompagnement de la mobilité des dunes.

En 2009, le Grenelle de la Mer a recommandé que la France se dote d'une stratégie nationale et d'une méthodologie de gestion du trait de côte, du recul stratégique et de la défense contre la mer. Un groupe de travail présidé par Alain Cousin, député de la Manche, et composé de cinq collèges (État, collectivités territoriales, organisations non gouvernementales, syndicats, professionnels) a été mis en place en décembre 2010. Ce groupe a remis son rapport le 2 novembre 2011 et la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte a été adoptée par le ministre en charge de l'environnement le 2 mars 2012.

Cette stratégie constitue une feuille de route qui engage l'État et les collectivités dans une démarche de connaissance et de stratégies locales partagées afin de prendre en compte l'érosion côtière dans les politiques publiques. Elle fixe des principes communs et des recommandations stratégiques de gestion intégrée du trait de côte. Elle est mise en oeuvre à travers un premier plan d'actions 2012-2015 qui se décline en quatre axes et neuf actions. Elle est notamment à l'origine de l'appel à projets sur la relocalisation des activités lancé en 2012 dans cinq territoires fortement menacés par les risques littoraux.

Depuis le 22 janvier 2015, la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte fait l'objet d'un suivi par un comité national présidé par deux députées, Pascale Got, députée de Gironde, et Chantal Berthelot, députée de Guyane, qui sont également co-auteures de cette proposition de loi, dont Pascale Got est la rapporteure à l'Assemblée.

Le 18 octobre 2015, le comité national de suivi a remis à la ministre Ségolène Royal un rapport contenant « 40 mesures pour l'adaptation des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion intégrée du trait de côte », réparties en deux volets. Le premier, revenant à Chantal Berthelot, porte sur l'amélioration de la connaissance de l'évolution du phénomène d'érosion et les dynamiques hydro-sédimentaires. Ce volet s'est en partie traduit dans la loi Biodiversité du 8 août 2016 et a fait l'objet d'actions prioritaires. Elles ont abouti à l'élaboration de la première cartographie nationale de l'évolution du trait de côte - une seconde carte, enrichie de données plus récentes, sera bientôt publiée - et à la mise en place progressive d'un réseau national des observatoires du trait de côte, qui affinera la connaissance des données relatives à l'aléa. Le second volet, confié à Pascale Got, a pour but de faciliter l'élaboration de stratégies territoriales de gestion intégrée du trait de côte, sur la base d'outils de planification et d'aménagement du territoire adaptés pour anticiper au mieux son évolution. Les travaux ont porté sur le recensement des bonnes pratiques et des difficultés en matière de gestion du trait de côte par les collectivités, en s'inspirant notamment des expérimentations conduites en matière de relocalisation des activités. Cette proposition de loi est le fruit de ce second volet. Elle met en place un cadre juridique et des outils d'aménagement du territoire qui prennent en compte la temporalité propre au phénomène de recul de trait de côte.

Le chapitre Ier, composé d'un article unique, fixe un cadre juridique aux politiques publiques d'anticipation et d'adaptation du littoral au changement climatique. L'article premier consacre ainsi l'existence d'une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, révisée tous les six ans. Cette stratégie sera déclinée dans les stratégies territoriales élaborées par les collectivités compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), dans une logique de gestion globale des risques liés à l'érosion côtière, à la submersion marine et à l'élévation du niveau de la mer. En d'autres termes, la gestion du trait de côte repose sur une responsabilité partagée entre l'État et les collectivités territoriales.

Le chapitre II, qui comprend les articles 2 à 8 bis, vise à mieux identifier les risques liés au recul du trait de côte dans les politiques d'aménagement et à apporter une meilleure information dans les documents d'urbanisme ou contractuels.

L'article 2 propose une définition du recul du trait de côte en droit positif, en consacrant explicitement les notions d'érosion et d'élévation du niveau de la mer. Il convient de remarquer que cette définition ne distingue pas l'origine anthropique ou naturelle du phénomène, mais couvre bien les différentes variantes géologiques (côtes sableuses ou falaises).

L'article 2 bis, introduit par les députés, établit un mécanisme spécifique d'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer, en Gironde. Cet immeuble de quatre étages et 78 logements a été construit en 1967 et se situait à l'époque à 200 mètres du rivage. En raison d'un recul continu du trait de côte, il se trouve aujourd'hui au bord d'une dune sableuse qui menace de s'effondrer, à seulement 20 mètres de l'eau. À l'hiver 2014, le préfet a signé un arrêté de péril imminent, qui a conduit à évacuer l'immeuble, sans pour autant qu'un arrêté d'expropriation ne soit pris, ce qui a conduit à une situation juridique complexe. L'affaire est actuellement pendante devant le Conseil d'État, et cet article ouvre le bénéficie du fonds de prévention des risques naturels majeurs - le fonds Barnier - aux copropriétaires de l'immeuble, en plafonnant l'indemnisation à 75 % de la valeur du bien estimée sans prendre en compte le risque.

L'article 3 crée un zonage spécifique favorisant des opérations d'aménagement adapté à la temporalité du recul du trait de côte, susceptible de s'étendre de vingt à cent ans. Il distingue, d'une part, des zones d'activité résiliente et temporaire (ZART) au sein desquelles des constructions, des aménagements et des exploitations pourront être implantés, utilisés et déplacés en fonction du risque, et d'autre part, des zones de mobilité du trait de côte sur lesquelles toute construction, ouvrage ou aménagement sera interdite, à l'exception des ouvrages de défense contre la mer, afin de permettre aux écosystèmes côtiers de s'adapter.

Ces deux nouveaux types de zones seront délimités dans le cadre des plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) prescrits par les préfets, dont elles complètent l'arsenal juridique. À l'heure actuelle, les PPRN peuvent définir des zones de précaution (zones bleues), qui ne sont pas directement exposées aux risques, ainsi que des zones de danger (zones rouges), dans lesquelles les constructions et aménagements peuvent être interdits, mais ces deux instruments ne sont pas adaptés à la spécificité du recul du trait de côte qui nécessite des mesures conservatoires temporaires.

L'article 3 bis, ajouté par les députés, prévoit que les préfets peuvent décider de réviser les PPRN en vigueur pour prendre en compte les propositions de création ou de modification de ZART formulées par les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte. Une disposition similaire a été insérée à l'article 3 s'agissant des PPRN qui n'ont pas encore été établis ou qui sont en cours d'élaboration, et qui devront également prendre en compte les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte existantes.

L'article 4 impose de prendre en compte l'indicateur de recul du trait de côte dans les documents d'urbanisme en l'absence de PPRN. Il a été supprimé par les députés au bénéfice d'une disposition de portée plus générale, que l'on retrouve à l'article 7.

L'article 5 prévoit qu'un document unique récapitulant les connaissances relatives aux risques naturels prévisibles soit transmis aux collectivités dans le cadre du « porter à connaissance » du préfet. Il convient de remarquer que tous les risques naturels majeurs sont visés, c'est-à-dire le recul du trait de côte, les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les feux de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les cyclones et tempêtes. Cette obligation n'impose pas à l'État de produire de nouvelles études techniques, mais simplement de transmettre celles dont il dispose.

L'article 5 bis, inséré par les députés, prévoit que les acquéreurs ou les locataires d'un bien situé dans une ZART doivent être informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence et de la durée de réalisation du risque de recul du trait de côte.

L'article 6 rend les servitudes résultant d'un PPRN directement opposables lorsqu'elles ne sont pas annexées au plan local d'urbanisme (PLU). Il a été supprimé par les députés à l'initiative du Gouvernement, au motif que l'annexion du PPRN au PLU est une obligation, que le préfet doit exécuter d'office en cas de défaillance de la collectivité.

L'article 7 prévoit qu'en l'absence de dispositions spécifiques dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) ou dans le schéma d'aménagement régional (SAR), les objectifs de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte doivent être pris en compte dans le schéma de cohérence territoriale (SCoT). L'objectif est de faire en sorte qu'en l'absence de stratégie régionale, la stratégie nationale de gestion du trait de côte soit prise en compte dans l'ensemble des documents d'urbanisme par le mécanisme du « SCoT intégrateur ».

L'article 8 prévoit la mise en compatibilité des PLU avec les objectifs de la stratégie nationale ou régionale de gestion intégrée du trait de côte. Les députés ont supprimé cet article jugé redondant avec le dispositif de l'article 7.

L'article 8 bis, inséré par les députés, prévoit une obligation pour les professionnels de l'immobilier d'informer les acquéreurs, locataires et bailleurs du risque de recul du trait de côte lorsque le bien est situé sur une ZART.

Le chapitre III, composé des articles 9 à 14, met de nouveaux outils à la disposition des collectivités pour aménager le littoral en réponse aux problématiques spécifiques liées au recul du trait de côte et à l'élévation du niveau de la mer.

L'article 9 intègre explicitement les risques naturels prévisibles, dont le risque de recul du trait de côte, dans les documents d'étude d'impact environnemental.

L'article 9 bis, inséré par les députés, étend le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles, hors des zones urbanisées, au profit des établissements publics nationaux et non seulement des établissements publics locaux comme c'est le cas actuellement.

L'article 10 interdit à l'État, aux collectivités locales et à leurs groupements d'aliéner les immeubles de leur domaine privé situés dans une zone d'un plan de prévention des risques littoraux identifiant un risque de recul du trait de côte. Le recul du trait de côte justifie cette dérogation aux règles habituelles de gestion du domaine privé des personnes publiques. En effet, compte tenu de la montée des eaux, les biens menacés seront à terme physiquement incorporés au domaine public maritime, qui est lui-même inaliénable et imprescriptible. Leur régime actuel étant temporaire et précaire, il serait illogique que les personnes publiques puissent les aliéner aujourd'hui, comme d'autres biens du domaine privé.

L'article 11 organise les modalités de préemption et de délaissement des biens dans les ZART. Il est notamment prévu un mécanisme de décote : en l'absence d'accord sur le prix, le juge de l'expropriation tiendra compte du risque de recul du trait de côte dans la détermination du prix. L'acquisition de biens par la puissance publique est ainsi facilitée afin d'éviter les friches ou la désertification de ces zones.

L'article 12 crée un nouveau type de bail, le bail réel immobilier littoral (BRILi), destiné à maintenir logements et activités dans les ZART. Grâce à ce mécanisme, les collectivités pourront céder la propriété temporaire d'un bien menacé à un preneur, lui concédant ainsi un droit réel portant à la fois sur le terrain et sur la construction. Le preneur pourra en disposer librement comme s'il en était propriétaire, en le louant avec un bail d'habitation, en l'exploitant par un bail commercial, en l'hypothéquant ou en cédant son droit. En contrepartie, il paiera un loyer à la collectivité et s'acquittera des impôts et taxes comme un propriétaire.

La spécificité de ce contrat réside dans la mention du risque de recul du trait de côte et des obligations de démolition du bien en cas de réalisation de ce risque avant le terme du bail. Celui-ci est conclu pour une durée comprise entre 5 et 99 ans, cette durée ne pouvant être supérieure à la durée fixée par le PPRN en fonction du risque de recul du trait de côte. En revanche, le dispositif proposé ne précise pas qui prend en charge les frais de démolition si le recul du trait de côte se réalise après le terme du bail. Il me semble qu'ils reviennent à l'ancien bailleur, devenu propriétaire des constructions nouvelles érigées par le preneur, mais ce point mérite d'être exposé clairement aux collectivités volontaires.

L'article 12 bis, inséré par les députés, étend les exonérations fiscales prévues dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) aux entreprises qui s'implantent dans les ZART au moyen d'un BRILi.

L'article 13 précise les modalités d'intervention du fonds Barnier. En l'état actuel du droit, l'intervention de ce fonds ne peut concerner que les côtes à falaise soumises à l'imprévisibilité du risque, mais pas les côtes sableuses car le phénomène d'érosion y est jugé lent et prévisible. Son usage est donc élargi à l'ensemble des mouvements de terrains côtiers pour indemniser les expropriations au plus tard jusqu'en 2022. Passée cette date, l'indemnisation ne sera possible qu'en l'absence de PPRN prescrit, afin d'éviter les stratégies attentistes. Le but est au contraire d'inciter à l'anticipation par le biais des acquisitions foncières menées par les collectivités. Pour cette raison, le financement par le fonds Barnier est étendu aux opérations d'aménagement ayant pour but de réduire la vulnérabilité des territoires au risque de recul du trait de côte, dès lors que la réalisation estimée de ce risque est inférieure à dix ans. Il finance également les démolitions dans les ZART et l'indemnisation des pertes en cas de réalisation anticipée du risque dans le cadre d'un BRILi.

En séance publique, les députés ont adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui substitue un nouveau fonds d'adaptation au recul du trait de côte à l'intervention du fonds Barnier.

Enfin, l'article 14 est un article de gage, qui a été supprimé par les députés.

Que penser de ce texte ? Les personnes auditionnées ont toutes dit qu'il était attendu. Il apporte de premières réponses aux collectivités volontaires qui sont aujourd'hui désarmées face au risque de recul du trait de côte. Je vous proposerai donc une série d'amendements techniques rendant encore plus opérationnels les mécanismes des ZART et des BRILi.

Je suis en revanche plus dubitatif en ce qui concerne le volet financier. Je regrette d'ailleurs que le calendrier d'examen du texte conduise le législateur à se prononcer sur le financement d'un dispositif dont il ne mesure pas réellement l'ampleur.

Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) a déterminé un premier ordre de grandeur pour le bâti susceptible d'être affecté à différents horizons temporels (2026, 2040 et 2100). Les estimations seraient ainsi de l'ordre de 800 bâtiments impactés en 2040, soit environ 1 500 logements et 400 locaux d'activités, et 4 000 bâtiments impactés à horizon 2100, soit 10 000 logements et 1 000 locaux d'activité. Ces premiers résultats doivent encore être affinés et je déplore que l'examen de cette proposition de loi ait lieu avant que les évaluations soient achevées.

Je m'interroge également sur la création du Fonds d'adaptation au recul du trait de côte, proposée par le Gouvernement. Le problème ne vient pas tant de la logique consistant à vouloir réserver le fonds Barnier à des situations d'urgence causées par des risques naturels majeurs plutôt qu'au financement de mesures d'aménagement du littoral. Il porte davantage sur l'absence de précisions quant aux modalités de constitution de ce nouveau fonds, à quelques mois des prochaines échéances électorales. Tout au plus le Gouvernement a-t-il précisé que ce fonds serait « alimenté par trois sources importantes de financement en provenance de l'État, des collectivités territoriales et des assureurs ». Mais aucun détail n'est fourni sur le niveau et l'assiette de son financement, sa gestion quotidienne, son entrée en vigueur ou les critères d'éligibilité.

Je vous proposerai donc d'en revenir au fonds Barnier, qui présente l'avantage d'exister et dont la situation financière garantit la prise en charge des dépenses induites par la gestion du risque lié au recul du trait de côte. Je m'étonne d'ailleurs du double discours du Gouvernement qui, d'un côté, souhaite limiter le recours au fonds Barnier s'agissant pourtant de la gestion d'un risque naturel, et de l'autre, prélève 125 millions sur ce fonds afin de tenir ses objectifs de déficit public : le projet de loi de finances pour 2017 prévoit aussi un prélèvement de 70 millions sur les ressources du fonds Barnier au profit du budget général, et le projet de loi de finances rectificative pour 2016 prévoit à son tour un prélèvement supplémentaire de 55 millions.

S'agissant du calendrier d'examen de cette proposition de loi, je regrette également qu'il ne nous laisse pas le temps d'expertiser la situation outre-mer. Le BRILi est un dispositif potentiellement intéressant pour accompagner la régularisation foncière dans la zone des cinquante pas géométriques. En Guadeloupe et en Martinique, il reste toujours plusieurs milliers d'occupations sans titre de cette zone, s'agissant de populations installées depuis parfois plus d'un siècle. Pour résoudre cette situation, la durée d'activité des agences des cinquante pas, qui avaient été créées en 1996 pour dix ans, a été prolongée à quatre reprises. La loi du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer prévoit leur liquidation au 1er janvier 2021 et le transfert aux collectivités régionales tant des terrains privés de la zone que des compétences de régularisation et d'aménagement. La zone des cinquante pas étant par définition la plus menacée par l'élévation du niveau de la mer, il faudra voir à l'avenir comment ces collectivités pourront utiliser le BRILi à des fins de gestion du trait de côte et de régularisation foncière.

Enfin, cette proposition de loi ne saurait être complète sans évoquer la question de la loi Littoral. Vieille de plus de trente ans, celle-ci a été rédigée à une époque où les risques liés au changement climatique n'étaient pas pris en compte. Elle constitue aujourd'hui un frein à la relocalisation des activités menacées par le recul du trait de côte. On se retrouve dans la situation paradoxale où des collectivités ayant élaboré des stratégies locales pour faire face à l'érosion côtière sont actuellement bloquées pour les mettre en oeuvre, alors qu'elles ont répondu aux appels à projet du Gouvernement sur la relocalisation. C'est notamment le cas à Lacanau. Je vous proposerai donc un amendement dérogeant à la règle d'urbanisation en continuité afin de permettre le recul stratégique des activités en autorisant notamment l'urbanisation des dents creuses dans les hameaux, la création de ZART en discontinuité, ou le recul des installations agricoles, forestières et de cultures marines. Je propose également un alignement sur le projet de loi Montagne afin d'autoriser la construction d'annexes de taille limitée. Toutes ces dérogations sont encadrées par de nombreux garde-fous. Elles ne sont pas applicables dans les espaces proches du rivage, c'est-à-dire en covisibilité avec la mer. Il ne s'agit donc pas de remettre en cause la loi Littoral, mais de l'adapter aux nouveaux enjeux des espaces littoraux.

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