Intervention de Makhtar Diop

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 décembre 2016 à 8h35
Audition de M. Makhtar Diop vice-président de la banque mondiale pour l'afrique

Makhtar Diop, vice-président Afrique de la Banque mondiale :

Tout d'abord, en tant qu'ancien fonctionnaire du Fonds monétaire international et ministre des finances de mon pays, j'ai été formé à ne pas répondre à la question sur le CFA, dont l'appréciation relève des pays qui en sont membres. Je ne dérogerai pas à cette habitude !

S'agissant de l'énergie, l'Afrique a la possibilité de connaître une révolution énergétique verte. Mon expérience professionnelle au Brésil m'a permis de comprendre le fonctionnement d'une matrice du développement qui soit verte et, en incluant l'hydroélectricité, l'Afrique a la possibilité d'adopter une démarche similaire. Il y a cinq ans de cela, il était admis que l'Etat devait contrôler le secteur énergétique, le transport et la distribution. Depuis, le secteur privé a investi dans la production énergétique en Afrique, notamment dans le solaire et l'hydroélectricité. Nous encourageons cette tendance où le secteur public doit apporter des garanties souveraines et ainsi apporter la confiance. Nous entendons désormais garantir un effet démultiplicateur en utilisant nos financements pour garantir l'investissement privé de manière continue et massive. En revanche, le transport est encore considéré comme relevant du secteur public dans le contexte africain. En outre, il nous faut porter nos efforts sur les sociétés de distribution qui se trouvent, dans le secteur de l'énergie, dans une situation difficile. La plupart de ces sociétés connaissent des pertes à la fois techniques et commerciales conséquentes. Agir sur cela permettra d'assurer la soutenabilité du secteur et de contribuer à son développement.

La gouvernance est aussi l'une de nos priorités. Loin de suivre une approche idéologique qui ne fonctionne pas en Afrique, il nous faut être pragmatique. Chaque secteur dispose de sa propre gouvernance et le reconnaître permet d'atteindre le consensus social pour assurer leur transformation efficace. Il nous faut parvenir à une plus grande transparence de la gestion des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées. D'ailleurs, la question de l'éventuelle privatisation des sociétés de distribution, qui faisait débat dans les années 80, n'est plus à l'ordre du jour car l'efficacité se trouve autant dans les acteurs publics que privés, à condition de la mesurer de manière pragmatique. A cet égard, l'accès au marché des capitaux fournit un gage de transparence et d'efficacité. Le public a alors confiance en la gestion de votre entreprise. Si ces critères peuvent être atteints par le secteur public, alors il n'y aucune raison de privatiser. La construction des barrages doit être soutenable pour l'environnement et ne pas induire de conséquences néfastes pour les populations. Nous avons ainsi révisé à la hausse nos clauses de sauvegarde sociale et environnementale afin de bien prendre en compte cet ensemble de facteurs. Ainsi, nous avons discuté avec le Gouvernement nigérien sur la hauteur du barrage de Kandadji pendant près d'un an et demi, puisque le nombre de personnes à déplacer dépendait de ce critère. Or, notre financement dépendait ainsi de la capacité du Niger à assurer la relocalisation des populations déplacées dans des conditions que nous estimions satisfaisantes. Ce type de dialogue est ainsi utile pour les pays concernés et dépasse le projet d'infrastructure pour concerner l'ensemble de son économie et de ses habitants. Nous nous sommes par ailleurs pour le moment retirés du projet Inga 3 qui vise à construire l'un des plus grands réservoirs du monde sur le fleuve Congo, puisqu'il nous faut nous assurer que les conditions de transparence et d'appel d'offres sont bel et bien réunies. Notre appui budgétaire auprès des Etats implique notamment le respect de la transparence dans la gestion des entreprises publiques et parapubliques dans le secteur de l'eau, ainsi que la prévention de l'accumulation de dettes ; cette exigence concernant également les collectivités locales.

Le micro-crédit a beaucoup évolué suite à la diffusion de la technologie cellulaire. Désormais, au Kenya, l'accès au crédit est possible via le téléphone portable, sans même disposer d'un compte physique. Une start-up, que j'ai visitée récemment, a lancé une application permettant d'acheter des chèvres. La créativité dans ce domaine est extraordinaire ! Le paysan, qui se trouve sur le Mont Kenya, peut désormais avoir accès aux cours du thé et décider de vendre sa production. Cependant, un problème demeure pour le financement des Petites et moyennes entreprises (PME) qui n'ont pas accès aux crédits du secteur bancaire traditionnel qui accompagnent en revanche le développement des grandes sociétés. C'est un obstacle essentiel pour l'accroissement de l'offre et de la croissance.

Nous avons lancé une initiative pour la démographie avec le Fonds des Nations Unies pour la population au Niger, dont le taux de fécondité est le plus élevé au monde. Ce projet représente 200 millions de dollars pour l'Afrique de l'Ouest. Dans certains pays comme le Sénégal, le dialogue est plus aisé, mais la croissance démographique reste la plus importante dans les pays du Sahel. Le niveau d'éducation des femmes est la clé du niveau de la fécondité et il nous faut investir massivement dans ce domaine pour réduire la fécondité.

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