Estimant que le développement de l'enseignement supérieur est, à juste titre, un élément déterminant pour l'avenir de l'Union européenne et de ses États membres, le texte que nous examinons milite pour que les dépenses publiques y afférant ne soient pas prises en compte dans l'estimation par la Commission européenne du déficit public. Les signataires de la proposition considèrent qu'une telle disposition devrait permettre à l'Union européenne de parvenir à l'objectif de 2 % de dépenses publiques en faveur de l'enseignement supérieur.
Les dépenses publiques en faveur de l'enseignement supérieur peuvent relever de deux logiques : il s'agit en tout état de cause d'investissements et elles peuvent aussi participer de la mise en oeuvre de réformes structurelles. Aux termes de sa communication du 13 janvier 2015, la Commission considère qu'un État peut déroger, dans une certaine mesure, à ses objectifs budgétaires dès lors que les dépenses constatées concourent à des investissements ou à des réformes structurelles. La réforme italienne dite de la buona scola en faveur de l'enseignement a été intégrée par la Commission européenne dans son appréciation de la situation budgétaire de ce pays en 2015. L'Italie a ainsi été autorisée à s'écarter à ses objectifs budgétaires initiaux.
Aller plus loin aujourd'hui paraît peu réaliste et pourrait rajouter à la confusion actuelle entourant l'application du Pacte de stabilité et de croissance. Depuis la communication du 13 janvier 2015, la Commission européenne a en effet décidé de prendre en compte de nouveaux facteurs pouvant permettre aux États de s'affranchir partiellement des objectifs du Pacte de stabilité et de croissance. Je pense à l'accueil des réfugiés. Les dépenses destinées à faire face à la crise des migrants ne devraient donc pas ainsi être intégrées à l'évaluation des soldes budgétaires pour les années 2015 et 2016 dans le cadre de la procédure du semestre européen. Le président de la Commission européenne a estimé, de son côté, le 18 novembre 2015, que « les dépenses de sécurité de la France devraient être exclues des calculs entrant dans le champ des règles de l'Union européenne sur les déficits ». Plus récemment, la Commission européenne a pris en compte les dépenses liées aux tremblements de terre qui ont fragilisé l'Italie en octobre et en août derniers.
La multiplication de ces dérogations ne suscite pas l'adhésion unanime du Conseil. L'Allemagne s'était déjà montrée réservée sur l'absence de concertation préalable entre la Commission européenne et les États au moment de la parution de la communication en janvier 2015, la France ou l'Italie étant très favorables à ce nouveau dispositif. Des interrogations subsistent également quant à la façon d'évaluer les réformes structurelles ou sur les limites à apporter à l'application répétée des clauses de flexibilité. Dans ces conditions, le Conseil Ecofin a émis une position commune sur cette question le 8 décembre 2015. Les États ont ainsi décidé d'imposer des limites claires aux clauses de flexibilité. L'application de la clause d'investissement est plus encadrée : les gouvernements doivent désormais soumettre des informations détaillées sur les projets d'investissements au service de réformes structurelles. Ils doivent fournir, dans le même temps, une évaluation indépendante de ces investissements, en mettant notamment en avant l'impact estimé à long terme sur la situation budgétaire.
Dans ce contexte, il semble donc assez délicat de proposer une nouvelle dérogation. Il convient en outre de relever que plusieurs observateurs jugent que les clauses sont déjà, en l'état, trop nombreuses, inefficaces et opaques. Nos collègues Fabienne Keller et François Marc l'avaient déjà noté dans leur rapport sur la phase I de l'approfondissement de la gouvernance de l'Union économique et monétaire adopté début novembre par la commission des affaires européennes. La proposition de résolution européenne jointe au rapport, que nous avions alors adoptée à l'unanimité, relève « la multiplication, depuis 2015, des clauses de flexibilité au Pacte de stabilité et de croissance » et juge qu'« elle contribue, indirectement, à renforcer l'opacité autour de ce dispositif sans pour autant que ces clauses apparaissent toujours efficaces ». Le texte appelait à une « clarification politique dans ce domaine ». Approuver aujourd'hui la mise en place d'une nouvelle dérogation apparaît donc contradictoire avec le texte que nous avons voté.
Comme Mme Gonthier-Maurin, nous pensons que ce texte doit donner lieu à un débat au cours duquel il sera toujours temps de revenir sur certaines questions et procéder à un examen plus approfondi sur les dépenses de l'enseignement supérieur.
Compte tenu de nos réserves sur ces points du texte, le groupe Les Républicains vous recommande de ne pas adopter la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir.
Les membres du Groupe Les Républicains suivront l'avis du rapporteur et ne voteront pas cette proposition de résolution.