Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 21 décembre 2016 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2016 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous rassurer : le Sénat a également travaillé dans une certaine sérénité. Je n’établirai pas, quant à moi, de testament, car je pense que le présent projet de loi de finances rectificative ne sera pas le dernier de ce mandat sénatorial, lequel s’achèvera pour certains d’entre nous au mois de septembre prochain.

La présentation d’un nouveau projet de loi de finances rectificative, par un autre gouvernement, figure en effet parmi les hypothèses possibles. Il ne faut préjuger de rien en la matière. Je m’en tiendrai donc au texte qui est soumis à notre examen aujourd’hui : le projet de loi de finances rectificative pour 2016.

La commission mixte paritaire qui s’est réunie cette semaine n’est pas parvenue – ce n’est pas une surprise ! – à établir un texte commun, en raison de points de désaccord qui sont résumés dans la motion tendant à opposer la question préalable que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat en nouvelle lecture.

D’un point de vue général, tout d’abord, l’exécution du budget de 2016 se caractérise par les nombreuses mesures nouvelles annoncées au cours de l’année et par l’ampleur des sous-budgétisations de la loi de finances initiale qui ont conduit le Gouvernement à prendre des décrets d’avance pour un montant sans précédent, malgré – c’est assez inédit – les avis défavorables de la commission des finances du Sénat.

Ensuite, l’année 2016 est marquée par des dérapages en termes de dépenses concernant notamment la masse salariale de l’État, même si des économies de constatation permettent à celui-ci d’afficher une maîtrise du déficit public : il s’agit essentiellement de la révision à la baisse à hauteur de 800 millions d’euros des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales en raison du fort ralentissement de l’investissement local – Philippe Dallier et d’autres collègues de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation l’avaient dénoncé –, de la réduction à hauteur de 1, 2 milliard d’euros du prélèvement au profit de l’Union européenne et de la réduction de 2, 9 milliards d’euros de la charge de la dette qui s’explique par la diminution des taux d’intérêt. Au total, ces économies de constatation s’élèvent à 4, 9 milliards d’euros.

Enfin, nous prenons acte de l’annonce par le Gouvernement que la révision à la baisse de la croissance en 2016 n’aura pas d’effet sur l’exécution des comptes publics en fin d’année, tout en observant qu’elle fragilise encore davantage l’optimisme affiché pour 2017.

Après ces éléments de cadrage, j’en viens maintenant aux articles du présent texte.

Sur 138 articles restant en discussion, l’Assemblée nationale en a adopté 40 conformes et modifié 33, dont 29 avec des accords partiels, mais elle a rétabli son texte de première lecture pour ce qui concerne 19 articles et supprimé 46 articles introduits ou modifiés par le Sénat.

Plusieurs articles, auxquels nous étions fortement opposés, ont été malheureusement rétablis en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale. J’en citerai quelques-uns : l’article 12 procédant à la ratification des trois décrets d’avance sur lesquels la commission des finances avait émis des avis défavorables au cours de l’année écoulée ; l’article 34 créant un nouvel acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S – non seulement cette contribution n’a pas été supprimée, mais un nouvel acompte a été instauré ! ; l’article 35 créant une contribution pour l’accès au droit et à la justice, afin d’alimenter un fonds interprofessionnel dont ne veulent pas les professionnels concernés ; l’article 51 procédant à la ratification d’un avenant à la convention entre la France et le Portugal, alors même que, selon notre analyse, tant l’article 53 de la Constitution que la loi organique relative aux lois de finances ne permettent pas de ratifier une convention fiscale par le biais d’une loi de finances – nous verrons ce que le Conseil constitutionnel en dira.

On peut ainsi regretter que l’Assemblée nationale ait refusé des modifications introduites par le Sénat qui nous semblaient pourtant particulièrement utiles. Je donnerai quelques exemples.

À l’article 13 bis, nous avions souhaité supprimer la dématérialisation des avis de sommes à payer des produits locaux, pour offrir des garanties aux contribuables, mais cette disposition a été rétablie par un amendement du Gouvernement.

À l’article 19 ter, nous avions souhaité que la déclaration automatique par les plateformes en ligne des revenus de leurs utilisateurs – M. le secrétaire d’État l’a évoquée à propos de l’économie collaborative – soit mise en œuvre dès 2018, mais l’Assemblée nationale a conservé l’échéance plus lointaine de 2019. C’est dommage, car notre proposition aurait permis de faire entrer l’économie collaborative dans le droit commun.

À l’article 20, concernant la notion de bien professionnel au titre de l’ISF, l’Assemblée nationale n’a pas retenu non plus nos amendements tendant à apporter des améliorations, amendements qui reprenaient pourtant la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Elle a aussi rétabli des dispositions concernant l’imposition des plus-values pour les cessions de logements de particuliers à des organismes d’HLM à l’article 21 bis, et les droits d’enregistrement au titre du transfert de certains logements à l’article 21 sexies, deux articles que nous souhaitions supprimer, car ils nous semblent créer des effets d’aubaine ou n’être pas justifiés. Elle n’a pas élargi, comme le désiraient pourtant Michel Bouvard et Vincent Éblé, le dispositif Malraux pour certains sites patrimoniaux remarquables qui figure à l’article 22.

L’Assemblée nationale n’a pas souhaité baisser les impôts, comme nous le proposions, puisqu’elle a refusé de diminuer le taux de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, à l’article 24 decies, ou de la taxe sur les spectacles, à l’article 3 bis, dont elle a même relevé le plafond de 30 à 50 millions d’euros.

Elle n’a pas non plus souhaité prolonger, comme nous le proposions à l’article 31 bis, le suramortissement des investissements productifs jusqu’à la fin de l’année 2017, mesure pourtant annoncée par le Président de la République au mois de juin dernier.

Par ailleurs, je ne pourrai citer tous les articles additionnels qu’elle n’a pas voulu reprendre, qui sont nombreux et qui visent différents sujets : il s’agit, par exemple, des informations pour les contribuables locaux souhaitées par Michel Bouvard, de la prorogation du régime Censi-Bouvard pour des opérations engagées avant le 31 décembre 2016 sur l’initiative de Claude Raynal, des exonérations de taxe foncière pour les bâtiments ruraux à usage agricole, pour la saliculture, pour les golfs ruraux sur l’initiative d’Alain Houpert, de mesures en faveur des entreprises ou des agriculteurs. Il en est de même concernant les aménagements au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, sur l’initiative de Charles Guené, ou l’extension du périmètre du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, aux prestations de raccordement à un réseau de chaleur, souhaitée par des collègues de différents groupes – François Marc, Vincent Capo-Canellas et Jean-François Husson –, ou encore nos propositions concernant la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, à l’article 24.

Enfin, l’Assemblée nationale a supprimé l’article 35 quater B, introduit sur l’initiative de Charles Guené et relatif à l’aménagement de l’imposition des élus locaux qui fait l’objet d’une réforme dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, et l’article 23 septies relatif aux modifications des modalités de calcul de la valeur locative de certains établissements industriels. Sur ces deux sujets, les problèmes sont réels, et restent donc non résolus.

Cela étant, l’Assemblée nationale a tout de même conservé certains apports du Sénat.

Parmi ceux-ci, je remarque qu’elle a repris des améliorations que la commission des finances avait introduites pour rendre plus attractif le nouveau compte PME innovation, à l’article 21, ainsi que des dispositions renforçant l’information du Parlement. Ainsi en est-il de l’information sur les appels en garantie à l’article 36 A, introduit sur notre initiative.

L’Assemblée nationale a également repris des dispositions qui nous paraissent utiles, comme la conservation au format électronique des factures établies au format papier, à l’article 13 ter, l’application de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, à Wallis et Futuna, à l’article 24 bis D, l’attribution aux métropoles d’une fraction du produit des amendes radar à proportion de la voirie départementale transférée, à l’article 26 nonies, la mise en conformité de la redevance sur les paris hippiques en ligne, à l’article 31 bis C, et le nouveau régime fiscal des casinos flottants, à l’article 31 bis D, ainsi que divers articles dont certains avaient pour objet de se mettre en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Plusieurs articles relatifs à l’outre-mer ont également été repris, anticipant ainsi le volet fiscal du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, et, en matière agricole, une disposition améliorant le régime micro-BA qui avait été invalidée dans la loi dite « Sapin II ».

Enfin, nous notons avec satisfaction que l’Assemblée nationale a confirmé le report à 2018 des nouvelles modalités de répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, des groupes de sociétés, prévues à l’article 23 octies, en apportant des précisions sur le contenu du rapport que devra remettre le Gouvernement. Les effets de cette réforme ne sont pas, à l’heure actuelle, pleinement mesurés.

En conclusion, je souhaite exprimer des regrets. L’Assemblée nationale a terminé vers deux heures du matin cette nuit l’examen du présent texte, sur lequel la commission des finances du Sénat s’est penchée, à son tour, à neuf heures. Le délai imparti pour le travail sur le texte définitif et le dépôt des amendements était donc des plus réduits. Par ailleurs, les députés n’ont retenu que très peu de dispositions proposées par le Sénat.

La commission des finances a estimé qu’un examen complet en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2016 ne serait pas de nature à faire évoluer la position de l’Assemblée nationale, en particulier sur les points de désaccord majeurs. Aussi vous propose-t-elle d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable.

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