Intervention de André Gattolin

Réunion du 21 décembre 2016 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2016 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que durant cette séquence budgétaire la majorité sénatoriale a beaucoup taxé…. Elle a beaucoup taxé le Gouvernement d’insincérité, lui reprochant un budget de campagne électorale, avec des mesures à impact immédiat, mais à financement décalé.

Si une chose est sûre, et si électoralisme il y a, l’électorat ciblé n’est sûrement pas l’électorat écologiste, car le projet de loi finances pour 2017 – le dernier de ce quinquennat – restera comme celui de l’abrogation définitive de l’écotaxe sur les poids lourds.

En effet, tout à sa fermeté à l’encontre des occupants du site de Notre-Dame-des-Landes, le Gouvernement n’avait plus que mansuétude à l’égard des Bonnets rouges, en particulier lorsqu’ils ont détruit les portiques pour la modique somme de 900 millions d’euros. Symbole affligeant lorsque, dans le même temps, le Commissariat général au développement durable nous apprend que les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports en France ont augmenté de 0, 9 % en 2015, après avoir pourtant baissé pendant presque dix années !

La chute du cours du pétrole, aussi importante qu’artificielle, y est pour beaucoup. Malheureusement, au lieu d’en profiter pour installer le principe d’une véritable fiscalité écologique des transports, le Gouvernement a préféré constater, pour s’en féliciter, l’augmentation du trafic routier et le petit regain de croissance qui en a découlé. Évidemment, cela se paiera cher, que ce soit sur le plan des multiples conséquences du dérèglement climatique ou sur celui des dépenses de santé consécutives à la pollution, laquelle, rappelons-le, ne se limite pas – tant s’en faut ! – aux fameux « pics » de pollution.

Malgré l’autosatisfaction autour de l’accord de Paris, le fameux accord de la COP 21, nous restons englués dans un vieux modèle mortifère de développement. Ce projet de loi de finances rectificative n’est pas en reste, en prévoyant l’annulation de 609 millions d’euros de crédits de l’écologie, éparpillés entre le texte lui-même et trois décrets d’avance en cours d’année.

Systématiquement, le ministère de l’écologie figure chaque année parmi les principaux contributeurs nets à l’effort de gestion, ce qui jette d’ailleurs la suspicion sur les chiffres présentés en loi de finances initiale.

La discussion des articles du projet de loi de finances rectificative aura également apporté son petit lot de surprises écologiques.

D’abord, dans un amendement porté par le groupe socialiste, le Gouvernement a souhaité réduire la taxe sur les installations nucléaires de base, lors de leur mise à l’arrêt définitif.

L’exposé des motifs de l’amendement évoque de manière fort cocasse la « dangerosité » de ces installations, ainsi que les « risques » qu’elles font peser sur « l’environnement et les personnes ». Rappelons que personne, sinon l’État, ne veut assurer le risque industriel et que l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, évalue le coût d’un accident modéré à 70 milliards d’euros et celui d’un accident très grave entre 600 milliards et 1 000 milliards d’euros. Une paille !

Compte tenu de ces sommes, il est vrai que la taxe sur les centrales à l’arrêt est quelque peu dérisoire. Cependant, la diminution de cette taxe laisse perplexe, alors que la radioactivité persiste pendant des décennies et que le coût du démantèlement, pour l’instant singulièrement sous-évalué par EDF à 31, 9 milliards d’euros, n’est pas du tout provisionné.

Une autre surprise fut le sort réservé à l’amendement de notre collègue Ronan Dantec – des amendements similaires étaient présentés par des collègues de presque tous les groupes – qui vise à instituer une dotation climat pour les intercommunalités et les régions. En matière de protection du climat, l’accord de Paris a consacré le rôle incontournable des collectivités territoriales, rôle qu’avait déjà établi la loi de transition énergétique. Toutefois, mettre en œuvre des politiques pour atteindre des objectifs ambitieux nécessite un financement.

Tel était l’objet de cet amendement, qui aurait permis de donner un contenu réel à l’accord de papier signé par la France à Paris, entraînant nos collectivités territoriales dans une spirale vertueuse d’investissement et d’activités. Las… J’emploie l’imparfait, car, si cet amendement avait bien été adopté la semaine dernière au Sénat, l’Assemblée nationale l’a rejeté cette nuit par 17 voix contre 11, à la demande du Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que vous avez trouvé 40 milliards d’euros pour les entreprises, pourquoi semble-t-il à ce point hérétique de demander, à partir de 2018 seulement, 300 millions d’euros pour le climat et pour nos collectivités locales, dont l’investissement recule ? Surtout lorsqu’on sait que la nouvelle contribution climat-énergie, la CCE, génère environ 1, 5 milliard de recettes supplémentaires chaque année.

Ne me dites pas, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement a déjà beaucoup fait.

Jusqu’en 2017, nous avons certes les programmes « territoires à énergie positive pour la croissance verte ». Mais après ?

Quant à l’affectation d’une part de la CCE au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », dont vous vous prévalez, cela ne constitue pas un progrès ! En effet, elle ne s’est pas accompagnée de mesures nouvelles en faveur de la transition ou de l’environnement. Vous avez simplement cherché à éponger le déficit et la dette de compensation de plus de 6 milliards d’euros que l’État avait contractée à l’égard d’EDF. En réalité, la fiscalité énergétique vous sert bel et bien à financer le pacte de responsabilité.

De tout cela, monsieur le secrétaire d’État, le groupe écologiste aurait souhaité débattre avec vous. Malheureusement, la motion tendant à opposer la question préalable va nous l’interdire de nouveau, et c’est pour cette raison que le groupe écologiste s’y opposera résolument.

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