Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je monte à la tribune, ce soir, avec l’esprit chagrin et le sentiment d’une occasion manquée. Et si je donne ainsi l’impression de rompre le consensus – à la suite cependant de mon collègue du groupe du RDSE… –, c’est parce que, précisément, il n’existe plus de consensus sur le texte qui va être soumis à notre vote.
À l’issue des travaux législatifs sur ce projet de loi relatif à la montagne, nous exprimons une vive déception, partagée, au-delà des travées du groupe UDI-UC, en particulier avec Jean-Claude Carle et Michel Savin.
Trente et un ans après la grande loi Montagne du 9 janvier 1985, ce texte était attendu. Il était même présenté comme un acte II du droit de la montagne. Malheureusement, force est de reconnaître que le résultat final n’est pas à la hauteur des ambitions affichées.
Bien sûr, un certain nombre de dispositions finalement inscrites dans le projet de loi vont dans le bon sens. Nous ne le nions pas, mais elles sont bien peu de choses au regard de l’ampleur des défis que doivent aujourd’hui relever les territoires de montagne. D’ailleurs, on peine à voir comment elles amélioreront concrètement la vie au quotidien des populations montagnardes.
Nombre de ces dispositions sont purement déclaratives. Les articles 1er, 2 et 3 sont totalement dépourvus de portée normative. C’est un peu du droit à la mode de M. Jourdain…
En matière de financement des territoires de montagne, l’article 3 bis A aurait pu représenter un réel progrès. Il est effectivement fondamental que la dotation globale de fonctionnement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales tiennent compte des surcoûts spécifiques induits par les conditions montagnardes. Mais la portée de cet article se trouve singulièrement amoindrie du fait que cette adaptation ne sera réalisée qu’« en principe ». Nous proposions de supprimer cette mention, qui vide le texte de sa substance. Cela n’a malheureusement pas été fait. Qui plus est, la rédaction de la fin de l’article me semble ambiguë s’agissant des territoires frontaliers.
Il est bien évident que les amodiations de la gouvernance des zones de montagne ne vont pas en changer la face.
Bien sûr, nous soutenons l’article 4 A, introduit par le Sénat, qui permet le maintien du classement en zone de montagne des communes intégrant une commune nouvelle.
De même, nous ne nous sommes pas opposés aux évolutions prévues du Conseil national de la montagne et des comités de massifs. Tout cela est bel et bon, mais fera une belle jambe à la plupart de nos concitoyens montagnards…
Quid des dispositions relatives à l’école ? L’article 8 ter, consacré à l’école primaire, va incontestablement dans le bon sens. Mais que prévoit le texte après le CM2 ? Rien, l’article relatif au collège, suite logique du précédent, ayant été supprimé.
Au contraire, notre collègue Bernard Delcros avait proposé qu’il soit rétabli et que les modalités spécifiques d’organisation des collèges de montagne fassent l’objet de conventions d’objectifs et de moyens triennales conclues entre les départements et l’État. Rien de tout cela n’a survécu à la commission mixte paritaire !
Les dispositions relatives à la santé sont-elles plus convaincantes ? Hélas non ! Il y a bien quelques petites choses sur la propharmacie et une hypothétique expérimentation en matière d’accès aux services hospitaliers de première nécessité, mais ce n’est évidemment pas cela que les populations montagnardes attendaient.
Concernant l’ambulatoire, elles ont besoin que l’on pilote de manière plus coercitive une meilleure répartition des professionnels de santé, notamment des médecins, sur l’ensemble du territoire.
Concernant le secteur hospitalier, les établissements de montagne doivent pouvoir bénéficier de modalités spécifiques de financement, leur permettant de maintenir les plateaux techniques de qualité dont le système de la tarification à l’activité les prive mécaniquement. On ne trouve évidemment rien de tel dans le supposé acte II de la loi Montagne !
Toujours en suivant l’ordre du texte, j’en arrive maintenant à l’un des enjeux les plus importants en montagne : la couverture numérique. C’est sur cette question que se détermine le vote du groupe UDI-UC.
S’il est un domaine pour lequel, par définition, un acte II de la loi Montagne s’imposait, c’est bien celui-là, car la question de la couverture mobile ne se posait pas en 1985… Je ne reviendrai pas sur les enjeux : de la sécurité à l’attractivité touristique et économique, ils sont tout simplement vitaux.
Je me concentrerai sur la téléphonie. Soyons clairs : il y avait deux manières de traiter le sujet.
La première consistait à conserver le cadre existant, qui a déjà montré ses limites, comme le ministre vient de le dire clairement. Il repose sur un socle législatif déficient, qui confie à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, le soin de définir les zones blanches. Résultat : sont actuellement considérées comme ne relevant pas des zones blanches des communes où l’on capte dans un rayon de 500 mètres autour de la mairie. Nous aurions dû inventer le concept de « zone grise » pour désigner ces zones blanches que la régulation conduit à ne pas qualifier comme telles. Tout cela est d’une hypocrisie achevée !
Ce cadre général s’en remet à la bonne volonté des opérateurs pour améliorer la couverture mobile du territoire. Ce n’est un mystère pour personne : il a été conçu pour maximiser le produit de l’attribution des fréquences. Autrement dit, la couverture numérique du territoire a été sacrifiée pour que l’attribution des fréquences rapporte un maximum à l’État !