Intervention de Louis Nègre

Réunion du 20 décembre 2016 à 14h30
Liaison ferroviaire paris-aéroport charles-de-gaulle — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Louis NègreLouis Nègre, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie le 30 novembre dernier pour examiner le projet de loi « Charles-de-Gaulle Express » est parvenue à un accord. Les débats ont permis d’aboutir à trois principaux constats.

Le premier est l’élan nouveau que donne ce texte à l’histoire chaotique du CDG Express. Lancé au début des années 2000, ce projet a en effet connu pendant près d’une décennie le sort réservé aux grands chantiers d’infrastructures dans notre pays : il s’est enlisé !

À force d’atermoiements, nous sommes aujourd’hui contraints d’agir dans l’urgence. La question n’est plus de savoir s’il faut construire ou non le CDG Express : il n’y a pas d’autre option crédible pour absorber la croissance à venir de l’aéroport, répondre aux besoins spécifiques des passagers aériens, s’inscrire dans une démarche de développement durable, ou encore se préparer aux jeux Olympiques et aux manifestations suivantes. Sans ambiguïté, le Sénat et l’Assemblée nationale se sont prononcés en faveur de ce projet d’intérêt général, dont les bénéfices s’apprécieront dans le temps long.

Le deuxième constat concerne la mise en œuvre du projet. S’agissant du montage juridique, qui sépare les missions de construction, d’une part, et d’exploitation, d’autre part, il n’y a pas eu de débat, d’autant, je le rappelle, qu’il a reçu l’aval des autorités européennes. Ce montage est globalement similaire à celui qui a été retenu pour la réalisation du Grand Paris Express. Vous le savez, je me félicite de la mise en concurrence de l’exploitation du service de transport ferroviaire, qui vient compenser l’attribution de gré à gré par l’État de la construction de l’infrastructure à une société de projet, filiale de SNCF Réseau et d’Aéroports de Paris.

Le Sénat a cherché à faciliter la mise en œuvre juridique de ce montage en sécurisant une éventuelle participation de la Caisse des dépôts et consignations au capital de la société de projet. Il a également repoussé le délai permettant de recourir à la procédure spéciale d’extrême urgence pour réaliser des expropriations, et ce afin de favoriser la recherche d’accords amiables, toujours souhaitables quand on cherche à éviter les contentieux. Ces deux évolutions favorables au projet ont été conservées par la commission mixte paritaire.

En ce qui concerne la mise en œuvre opérationnelle du projet, je vous rappelle que nous avions exprimé quelques inquiétudes au regard de son impact pour les usagers du RER B. En dépit de l’enveloppe de 125 millions d’euros destinée à financer les investissements nécessaires à la bonne gestion des situations dégradées, d’inévitables perturbations ne manqueront pas de se déclencher, soit pendant la phase de travaux, soit pendant la phase d’exploitation. Il faudra donc bien veiller les uns et les autres, notamment SNCF Réseau, à respecter les besoins des voyageurs du quotidien.

Le troisième constat a trait au plan de financement, qui est resté flou jusqu’à la dernière minute. Le coût de l’infrastructure est estimé à 1, 4 milliard d’euros hors taxe, aux conditions économiques de 2014. Le coût des équipements nécessaires, dont le matériel roulant, est évalué à environ 285 millions d’euros. Cependant, je crains que, pour un tel chantier, ce coût ne soit conduit à augmenter au fil du temps.

Sur la question de la constitution des fonds propres de la société de projet, je me suis personnellement opposé dès l’origine à la proposition de déroger à la règle d’or pour l’endettement de SNCF Réseau, règle que nous avions votée en 2014. Cette « exception exceptionnelle » me paraît inacceptable dans son principe même !

Le Sénat avait malgré tout décidé de conserver cette dérogation, en votant la disposition dans une rédaction la rendant inapplicable. Cette situation a conduit la commission mixte paritaire a adopté le texte proposé par le rapporteur de l’Assemblée nationale, Philippe Duron, qui comporte deux améliorations.

D’une part, le texte préserve l’avis préalable de l'ARAFER, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, sur chaque projet d’investissement supérieur à un seuil actuellement fixé par décret à 200 millions d’euros. En confirmant l’obligation dans laquelle se trouve le régulateur de se prononcer sur ces dossiers, nous sommes là encore en cohérence avec notre action.

D’autre part, il précise que la participation de SNCF Réseau doit être rémunérée en tenant compte des dépenses de toute nature supportées par la société pour l’exercice des missions qui lui sont confiées par la concession de travaux, ainsi que l’amortissement et la juste rémunération des capitaux investis. Ce dernier point reprend l’esprit de la « rentabilité suffisante », notion qui figurait dans le texte adopté par le Sénat.

Mes chers collègues, en tant que républicain, je ne peux que respecter cette décision même si, à mon sens, la rémunération des capitaux n’est pas au cœur du problème. Je regrette cependant que les annonces faites ces deux dernières semaines ne fassent que donner de la consistance aux inquiétudes que j’avais exprimées, monsieur le secrétaire d'État.

Tout d’abord, la constitution des fonds propres a été en partie précisée : vous avez annoncé un montant de 400 millions d’euros, répartis entre ADP, SNCF Réseau et « probablement la Caisse des dépôts et consignations », ainsi que 100 millions d’euros d’avances remboursables d’ADP.

Je me félicite que, dans l’urgence, cette solution d’avances remboursables, que j’avais suggérée, ait été retenue. Il est dommage que vous ne l’ayez pas arrêtée plus en amont, car elle confirme bien que d’autres mécanismes étaient techniquement envisageables. Cela aurait peut-être changé la vision d’un certain nombre d’entre nous sur l’impérieuse nécessité de déroger à la règle d’or, faute d’alternative.

Surtout, en ce qui concerne la contribution d’équilibre sur les passagers, jugée nécessaire pour lever la dette sur les marchés financiers, vous avez choisi une solution de facilité. Il était évidemment indispensable de la repousser à 2024. Dans le contexte actuel, il n’était pas imaginable de taxer davantage les compagnies aériennes, notamment Air France, pour financer une infrastructure dont elles ne tireraient des bénéfices que dans huit ans !

Néanmoins, je regrette que le montant de cette taxe ait été relevé de 1 euro à 1, 40 euro, soit une augmentation de 40 % ! Sur ce point aussi, vous avez obtenu gain de cause dans le cadre du collectif budgétaire. Vous n’avez pas souhaité entendre les appels répétés, y compris au sein de votre propre majorité, en faveur d’une remise à plat de la taxe de solidarité sur les billets d'avion ou a minima d’une affectation du surplus de recettes qui résulte de son écrêtement depuis 2015, et dont profite uniquement Bercy.

Pour conclure, je dirai qu’il est évident que nous aurions pu faire mieux et même beaucoup mieux sur le volet financier. Comme pour chaque grand projet d’infrastructure, vous l’avez compris, je m’inquiète du risque de dérive des coûts. Je redoute déjà le jour où SNCF Réseau sera éventuellement appelé à recapitaliser la société de projet. Maintenant que la dérogation à la règle d’or a été décidée, il n’y a plus de garde-fou. Il faudra donc rester plus que jamais vigilant quant à la dette de la SNCF. Pour autant, je me félicite que le CDG Express en tant que projet de développement économique pour Paris et la région parisienne avance positivement et que le Parlement, quant à lui, ait su œuvrer rapidement pour faciliter sa mise en œuvre.

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