Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en ma qualité de présidente du groupe d’amitié France-Allemagne, d’exprimer toute notre sympathie, notre solidarité et notre soutien au peuple allemand et aux familles des victimes.
La spécificité du modèle français de sécurité civile et sa force tiennent particulièrement à la dualité de la nature des sapeurs-pompiers, avec, d’une part, 40 800 professionnels relevant de la fonction publique territoriale et, d’autre part, 193 000 volontaires, les quatre cinquièmes des effectifs ayant souscrit un engagement bénévole au service du bien commun. Ceux-ci œuvrent au quotidien au service de nos concitoyens.
Leurs missions, en urgence, sont en croissance constante : on dénombrait, en 2014, 4, 3 millions d’interventions. Or on constate parallèlement une diminution significative des effectifs chez les volontaires, une tendance qui trouve quelques éléments d’explication dans la diminution du nombre de casernes. À ce titre, je vous invite à prendre connaissance de l’excellent rapport sur le maillage territorial de M. Bacquet, président du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, le CNSPV, présent dans les tribunes. Cette diminution est également liée à une insuffisance de reconnaissance et de valorisation des sapeurs-pompiers.
Je tiens également à vous signaler que nous fêtons cette année les quarante ans de l’intégration des femmes chez les sapeurs-pompiers. Mais elles ne représentent encore que 17 % de l’effectif et 27 % des jeunes sapeurs-pompiers.
Un plan national d’accompagnement des femmes qui souhaitent s’engager a été dévoilé voilà quelques semaines par le ministre de l’intérieur, et j’ai la faiblesse de penser que nos travaux de réflexion et nos propositions au sein du CNSPV y ont contribué.
Mais j’en viens à la proposition de loi soumise à notre examen, qui comporte deux volets.
Un volet est consacré aux sapeurs-pompiers volontaires : il s’agit de réformer le dispositif de cessation définitive de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires, la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, au terme d’une réflexion conduite par l’Assemblée des départements de France avec l’État et les pompiers.
Ce volet doit être impérativement adopté avant la fin de la présente année, pour une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier 2016, alors que le contrat d’assurance souscrit pour gérer ce dispositif est échu depuis le 31 décembre 2015.
Je rappelle que la PFR a remplacé au 1er janvier 2005 l’allocation de vétérance. Ce régime est cofinancé par l’État, les SDIS et les sapeurs-pompiers volontaires.
Alors que les contributions sont importantes, force est de constater qu’un décalage résulte mécaniquement du système de la capitalisation, entre les sommes provisionnées et le nombre de bénéficiaires, qui, certes, je vous l’accorde, devrait croître chaque année par la constitution de nouveaux droits.
Je voudrais également pointer le caractère onéreux de la gestion administrative et financière du dispositif, qui s’élève aujourd'hui annuellement à 6, 5 millions d’euros.
Dans leur globalité, ces coûts très importants ont conduit les représentants des SDIS à ouvrir, à l’automne 2012, un débat sur l’avenir de ce régime, dans la perspective de la conclusion d’un nouveau contrat d’assurance à compter du 1er janvier 2016. Une solution consensuelle a été formalisée par la signature d’un pacte le 6 avril 2016 entre les élus, l’État et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France : les modalités du régime de la PFR sont redéfinies, tout en préservant entièrement les droits des bénéficiaires.
Je retiendrai de cette réforme deux novations importantes.
Tout d’abord, le régime sera désormais assis sur un mécanisme de répartition, financé par flux budgétaires : le montant des contributions annuelles des SDIS sera fixé en fonction des besoins et donc du montant des prestations à verser.
Ensuite, l’APFR, l’association nationale chargée de la surveillance de la PFR, procédera à un contrôle renforcé. En effet, le ministre chargé de la sécurité civile sera de droit représenté aux séances du conseil d’administration de l’association. Le rapport annuel d’activité lui sera transmis, et il pourra exiger toute information nécessaire pour s’assurer de la bonne gestion des régimes, ce qui me semble très important.
Le second volet de la proposition de loi porte sur la réforme de l’encadrement supérieur des SDIS. Il s’articule avec un ensemble de décrets en préparation. La revalorisation de la carrière des officiers de sapeurs-pompiers de catégorie A, concrétisée par la création d’un cadre d’emplois de catégorie A+, mérite d’être approuvée. Elle ouvrira de meilleures perspectives de carrière aux pompiers professionnels, en leur permettant aussi d’exercer leurs fonctions dans l’État.
Le cœur de la réforme réside dans la fonctionnalisation, par l’article 7 de la proposition de loi, des emplois de directeur et directeur adjoint de SDIS.
Le détachement sur un emploi fonctionnel sera prononcé pour une durée de cinq ans au plus, renouvelables une fois, ce qui permettra une plus grande rotation des titulaires de ces postes. Ce dispositif, qui sera profitable aux professionnels comme aux services, est aussi conçu pour remédier aux difficultés rencontrées dans les nominations aux emplois de direction des SDIS, avec de très longues et trop fréquentes vacances de ces postes.
L’article 6 de la proposition de loi met ainsi en place un système de contribution financière à la charge des SDIS qui n’auraient pas pourvu l’un des postes de direction à l’issue d’une double période de trois mois chacune et le rejet de six candidatures.
J’évoquerai maintenant deux autres dispositions de la proposition de loi qui me tiennent à cœur.
Permettez-moi tout d’abord de me réjouir, avec le colonel Faure, très préoccupé par ce sujet, également présent, de la suppression, par l’article 4 de la proposition de loi, de l’interdiction, pour les anciens militaires bénéficiaires d’une pension afférente au grade supérieur, de souscrire un engagement de sapeur-pompier volontaire, ce qui apparaissait, à tout le moins, curieux, puisque celui-ci n’exerce pas une activité professionnelle. Cette question, dont les conséquences sont particulièrement injustes pour un volontaire au service du bien commun, sera donc réglée.
Par ailleurs, l’article 14 concrétise un nouveau fonds d’aide de l’État aux SDIS, alors que le FAI, le Fonds d’aide à l’investissement, a été mis en extinction en 2013.
Il crée une dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS, qui devrait être crédité de 20 millions d’euros pour 2017.
Comme je l’ai souligné dans mon avis budgétaire sur les crédits de la sécurité civile, cette enveloppe financière ne signifie pas un effort supplémentaire de l’État. Elle correspond au montant des économies attendues de la réforme de la PFR.
Par ailleurs, j’ai relevé avec intérêt le fléchage de ce nouveau fonds vers la mise en place d’un système de gestion opérationnelle unifié au niveau national pour uniformiser les logiciels équipant les centres de traitement des appels et les centres opérationnels des SDIS. Mais, à mon sens, ce projet ne doit qu’être une première étape vers une mutualisation physique des plateformes d’appel « 15/18 », comme nous l’avons proposé avec mon collègue Pierre-Yves Collombat dans notre récent rapport d’information consacré à l’évolution croissante du secours à personne dans l’activité des SDIS.
Pour préparer mon rapport, j’ai procédé à une large consultation, et compte tenu de l’urgence de l’adoption de cette proposition de loi, j’ai également excellemment travaillé, bien en amont du débat à l’Assemblée nationale, avec l’auteur du texte, Jean-Paul Bacquet, ainsi qu’avec Laurent Prévost, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, qui, je souhaite le souligner, est un homme d’une grande qualité d’écoute : son expérience et sa grande compétence font de lui un soutien incontestable à la bonne organisation de la sécurité civile. Je tiens à les remercier tous, ainsi que le colonel Éric Faure, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.
Je tiens également à remercier tous mes collègues sénateurs, auteurs de propositions de loi relatives aux sapeurs-pompiers : Roland Courteau, Olivier Cigolotti, et aussi notre défunt collègue, Louis Pinton, à qui je rends hommage, ainsi que le député Pierre Morel-A-Lhuissier. Tous ces collègues ont accepté que nous ouvrions l’année prochaine un nouveau chantier législatif plus large pour compléter plus globalement les mesures en faveur de la promotion du volontariat notamment. Merci à eux pour leur compréhension.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, en raison de la nécessité de réformer la PFR avant la fin de cette présente année, je vous propose, au nom de la commission des lois, d’adopter sans modification cette proposition de loi. Cela ne signifie nullement que le Sénat se résume à une chambre d’enregistrement. Non ! Au regard de mes propos, le Sénat saura faire preuve de grande sagesse, dépassant tout clivage politique pour servir la grande et noble cause de nos sapeurs-pompiers, à qui je rends un hommage vibrant, au nom de tous les sénateurs.