Intervention de André Gattolin

Réunion du 10 janvier 2017 à 14h30
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes — Discussion en troisième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux textes que nous examinons aujourd’hui en troisième lecture traitent d’une question, à notre sens majeure, mais trop longtemps évacuée sous le tapis de l’organisation contemporaine de notre démocratie : les contours et modes de fonctionnement des fameuses autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, qui n’ont cessé de se multiplier en France au cours des quatre dernières décennies.

Je tiens tout d’abord à saluer le climat transpartisan et très constructif dans lequel les débats entourant l’élaboration de ces deux textes ont pu se dérouler depuis leur dépôt, le 7 décembre 2015. Le président Mézard a rappelé les difficultés qu’il a rencontrées, mais les délais ont tout de même été relativement courts entre le dépôt de ces textes et aujourd’hui.

Je veux, au nom du groupe écologiste, féliciter nos collègues Marie-Hélène Des Esgaulx et Jacques Mézard de la richesse, la finesse et la grande pertinence des travaux qu’ils ont conduits au sein de la commission d’enquête à l’origine de ces deux propositions de loi, qu’ils ont déposées avec Jean-Léonce Dupont.

Avec beaucoup de justesse, leur rapport parlementaire avait mis en lumière les nombreuses dérives qui pouvaient entourer la prolifération des autorités indépendantes depuis la création de la toute première d’entre elles, en 1978 : la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Il est vrai que les dérives n’ont pas manqué depuis cette date : d’abord, dans le caractère parfois anarchique de leur prolifération ; ensuite, au niveau du contrôle démocratique et parlementaire souvent faible, en dépit des prérogatives très significatives qui leur étaient déléguées ; enfin, en ce qui concerne leur recrutement, excessivement endogamique, et le déficit de stricte déontologie, qui frôle parfois la ligne rouge du conflit d’intérêts.

Il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que, en tant que législateur, nous avons souvent contribué à la multiplication, parfois désordonnée, de ces autorités et à la construction de ce que nos deux collègues ont qualifié, de manière certes un peu provocatrice, de sorte d’État dans l’État.

Nous l’avons parfois fait, parce que cela nous apparaissait comme une solution de repli face à un problème difficile que nous n’arrivions pas à résoudre autrement, mais sans que cela soit toujours aussi efficace que nous l’aurions souhaité, ni véritablement légitime d’un strict point de vue politique.

Sur le fond, le groupe écologiste soutient la présente démarche, qui vise à circonscrire plus efficacement les défauts entourant ce type de dispositifs et ainsi à gagner en cohérence, en transparence et en éthique démocratique.

C’est la voie à prendre pour répondre à la défiance croissante de nos concitoyens à l’endroit de nos institutions, comme à l’égard de notre administration, et renforcer les missions fondamentales principalement assignées à ces autorités, à savoir la protection des libertés publiques et la régulation de secteurs économiques ouverts à la concurrence.

Dès lors, nous saluons la compétence exclusive donnée au législateur de créer toute autorité administrative ou publique indépendante, tout comme l’élaboration – enfin ! – d’un statut commun pour ces autorités, avec un corpus déontologique et des principes fondamentaux communs encadrant leur fonctionnement et leur organisation.

Ainsi, une meilleure transparence est à présent exigée, notamment à travers un contrôle renforcé des obligations déclaratives de leurs membres auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. C’était d’autant plus nécessaire que, comme l’a souligné le rapport de la commission d’enquête du Sénat, pas moins de 102 des 571 membres devant déposer des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale n’avaient toujours pas satisfait à leurs obligations au 1er octobre 2015, malgré une information des présidents de leur autorité et une double relance.

Par ailleurs, le groupe écologiste se félicite de voir exaucé son souhait de maintenir le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, la Commission nationale du débat public et le Médiateur national de l’énergie dans la liste exhaustive et réduite des autorités administratives ou publiques indépendantes. C’est une bonne chose, eu égard au rôle essentiel que ces autorités assument dans le fonctionnement de notre société.

Toutefois, nous regrettons que le régime de non-renouvellement et de non-cumul des mandats des membres de ces autorités ait été atténué par rapport à la proposition sénatoriale initiale.

De même, l’ambition de soumettre toutes les nominations de présidence de ces autorités à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution a été revue à la baisse, et c’est bien dommage ! Ce mécanisme aurait eu l’avantage de permettre plus de transparence et un véritable contrôle parlementaire sur lesdites nominations.

Nous déplorons également que le régime des incompatibilités de ces mandats avec les fonctions de magistrat professionnel ou de membre du Conseil d’État ait dû être affaibli au profit d’un consensus.

Aujourd’hui, près de deux tiers des présidents d’autorités administratives indépendantes sont des conseillers d’État ou des magistrats de la Cour des comptes, comme s’il n’existait pas, dans notre pays, d’autres compétences que celles qui sont présentes dans ces deux grands corps de l’État… Cela nous amène à nous interroger sur l’institution progressive de ce regrettable « entre soi »…

Malgré ces quelques reculs qui résultent de divergences de vues entre nos deux assemblées ou avec le Gouvernement, ces deux textes constituent une grande avancée. Par conséquent, le groupe écologiste votera en faveur de ces deux propositions de loi.

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