Intervention de Laurence Monnoyer-Smith

Commission d'enquête Atteintes à la biodiversité — Réunion du 22 décembre 2016 à 11h05
Audition de Mme Laurence Monnoyer-smith commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable du ministère de l'environnement et de la mer

Laurence Monnoyer-Smith :

S'agissant de la façon dont les services de l'État travaillent, ceux-ci disposent d'un outil d'intégration à travers l'étude d'impact, qui leur offre une vue d'ensemble, allant, d'ailleurs, bien au-delà des questions liées à la biodiversité. Le travail que les services déconcentrés mènent, avec la maîtrise d'ouvrage, sur l'ensemble de la séquence est donc de nature à leur permettre d'avoir un regard complet sur le dossier.

En outre, les réformes de l'évaluation environnementale, de l'autorisation environnementale unique et de l'étude d'impact des projets mettent en avant une approche par projet, au détriment d'une approche par autorisation qui avait tendance à encourager un travail en silo. Nous avions parfaitement conscience que cette approche par projet, en particulier dans le cadre du permis unique, permettrait une meilleure organisation du travail.

Autre point intéressant, les demandes que, du coup, les services déconcentrés formulent concernant les outils de remontée de l'ensemble des données des études d'impact ou de géolocalisation des mesures compensatoires vont également dans le sens d'une meilleure intégration.

Par conséquent, nous progressons. Je ne nie pas l'existence d'une certaine culture - certains services travaillant sur l'autorisation « espèces protégées » ou sur d'autres types d'autorisations ont pu, de par l'organisation même du système, développer une vue quelque peu focalisée -, mais nous sommes aujourd'hui beaucoup mieux armés pour « dé-siloter » le travail.

L'action de formation que j'évoquais précédemment visait aussi à attirer l'attention, au niveau des acteurs des collectivités locales, sur la nécessité de ce travail transversal.

Au moment de la définition des mesures ERC, lorsque le maître d'ouvrage dépose son dossier, le balayage se fait désormais de manière beaucoup plus approfondie. Voilà pourquoi je suis assez confiante sur le fait que nous progressons.

S'agissant du rôle du préfet, celui-ci dispose désormais, au titre de la loi, d'importants pouvoirs de contrôle, notamment d'une possibilité, radicale, d'arrêter le projet si les atteintes sont de très grande ampleur.

Sont prévues des procédures administratives et, éventuellement, en cas de manquements graves, des procédures judiciaires. Je citerai les mises en demeure, les consignations de sommes, les suspensions de travaux, les fermetures ou suppressions d'installations et d'ouvrages, et les amendes. En particulier, la circulaire du 12 novembre 2010 relative à l'organisation et la pratique du contrôle par les services et établissements chargés de mission de police de l'eau et de la nature mentionne très clairement l'existence de procédures d'envoi de courriers de rappel, de rédaction de procès-verbaux et de mises en demeure.

La législation ayant été clairement renforcée, il est maintenant important que le suivi soit effectivement réalisé - annuellement dans les cinq premières années, puis tous les cinq ans -, mais les services de l'État font état de la quantité de travail que cela représente.

En tout cas, la législation est en place pour que ce suivi puisse être assuré.

Je vais maintenant aborder les quatre opérations qui vous intéressent. Je précise que le Commissariat général au développement durable ne joue pas de rôle opérationnel dans ces projets, puisque la définition des mesures d'évitement et de compensation est réalisée localement par les services déconcentrés de l'État. Nous jouons simplement un rôle d'appui ou de conseil, notamment en ce qui concerne la méthodologie.

En ce qui concerne l'autoroute A65, les impacts « résiduels » - ce terme doit être compris littéralement - ne sont pas négligeables : traversées de cours d'eau, l'un d'eux étant notamment bordé d'une aulnaie-frênaie particulièrement riche en biodiversité, de secteurs humides en bon état ; 5 espèces végétales et 48 espèces animales sont impactées, dont le vison d'Europe ; rupture d'un corridor de déplacement des chiroptères.

Les arrêtés ministériels d'autorisation ont défini les mesures de compensation, avec la restauration de 1 372 hectares et la gestion conservatoire de ces terrains sur toute la durée de la concession, soit 52 ans, ce qui représente un suivi très important pour les services de l'État. Le délai de mise en oeuvre était fixé à 4 ans. Un comité de suivi a été créé pour accompagner la mise en place des mesures compensatoires et attribuer des enveloppes financières pour l'application de certains plans d'action nationaux ou régionaux en faveur des espaces impactés.

Nous savons que le concessionnaire a rencontré un certain nombre de difficultés pour la mise en oeuvre des mesures de compensation, notamment la sécurisation de l'ensemble des surfaces de compensation. Le dossier du porteur de projet demandait la recherche d'une superficie de sites de compensation de près de 6 000 hectares cartographiés le long de l'infrastructure. Le concessionnaire a fait appel à CDC Biodiversité comme prestataire. Nous n'intervenons pas directement, mais mettons en place les outils nécessaires au suivi sur 52 ans, avec toute la problématique de l'archivage.

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