Je travaille au laboratoire d'économie Agrocampus Ouest de l'INRA, à Rennes, sur quatre thèmes principaux : la politique agro-environnementale et son évaluation, la politique foncière, en particulier la compensation écologique, la politique des structures agricoles et le paiement pour services environnementaux et les biens publics.
Il convient de relativiser l'impact de la compensation écologique sur l'activité agricole, à travers le télescopage entre la rareté de la ressource foncière et le développement de la compensation - ce que l'on appelle souvent la double peine. Le problème doit être abordé plus sereinement, en distinguant les cas où l'aménageur met en oeuvre lui-même les mesures de compensation, ceux où il les confie à un opérateur, ceux où il acquiert des unités de compensation.
Quatre problématiques se posent dans cette situation. D'abord, l'acceptabilité, c'est-à-dire l'intérêt, pour le propriétaire, de mettre en oeuvre des mesures de compensation. Celles-ci modifient la nature de la terre, ce qui peut engendrer une plus-value ou une moins-value selon que sa valeur agronomique est inférieure ou supérieure à sa valeur environnementale. De plus, le choix des cultures s'en trouve altéré, d'où des degrés d'acceptabilité très variables. On voit apparaître des alliances entre le paiement pour services environnementaux et la compensation écologique, dans l'idée de valoriser ce service par une rémunération de l'action de l'homme en faveur de la nature.
Deuxième problématique, l'anticipation. On peut mettre en réserves des parcelles en vue de la compensation par la mise en oeuvre du droit de préemption des collectivités, à travers les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) et, en dernier ressort, par l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Troisième élément, la gestion du parcellaire par les collectivités, les agriculteurs, les Safer et les conservatoires d'espaces naturels, en fonction des opérations menées. La gestion d'une restauration ou d'un entretien de terrains de compensation sera différente. La nature des contrats peut évoluer en fonction de ces opérations.
Enfin, la pérennisation de la compensation est un enjeu majeur. Ainsi, la compensation de la destruction d'un milieu détruit appelle naturellement des mesures permanentes.
Il convient également d'améliorer la gouvernance territoriale, en organisant la mise en relation entre les aménageurs, les propriétaires fonciers et leurs fermiers, et d'intégrer davantage les mesures de compensation dans les politiques locales, à travers les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d'urbanisme (PLU), les zones d'aménagement différé, la préemption des Safer, afin d'anticiper la mise en place de la compensation. Il faudrait aussi s'intéresser davantage à la production agricole : les friches, de valeur agronomique moindre que les parcelles agricoles, peuvent, elles aussi, être mobilisées pour la compensation. Des données factuelles sur la valorisation faciliteraient le calcul coût-bénéfice et, par-là, l'information des acteurs.
La relation entre l'offre et la demande en matière de compensation mérite une remise à plat. Nos études ont mis en évidence une préférence de la profession agricole pour la compensation par la demande, ce qui pose le problème de l'adéquation entre cette demande et l'offre.
Autre difficulté, le risque d'éloignement spatial entre les sites endommagés et les sites de compensation. Soit on met en place des banques de compensation à proximité des grands ouvrages à venir, soit on relativise la notion de proximité pour travailler sur les aspects éthiques de cette obligation, car la compensation a alors des effets marchands sur la valeur des terres. Là encore, l'anticipation s'impose.
Troisième point, la nature de l'implication des agriculteurs. Lorsque ceux-ci participent à une compensation par contrat, leur production dans ce cadre doit-elle être considérée comme agricole ou environnementale ? Quelle sera la nature de leur revenu ?
Enfin, si les mesures de compensation sont pérennisées, les biens concernés peuvent être considérés comme des biens publics et doivent alors recevoir une protection technique, spatiale et temporelle conforme à cette réalité.