Spécialisée en économie écologique et institutionnelle, je m'intéresse à l'effet de la mise en oeuvre des politiques publiques de protection de la nature sur leur effectivité et leur efficacité. En matière de compensation écologique, je me suis intéressée aux contextes français et américain, à travers les banques de compensation mises en place en Floride.
On aurait pu imaginer l'émergence, pour des raisons d'efficacité, d'un marché mondial et libéral de la compensation écologique, or tel n'a pas été le cas. Dans le cadre de la compensation par l'offre, des opérateurs mutualisent les mesures compensatoires mises en oeuvre par plusieurs aménageurs. C'est un système de l'offre parce que l'opérateur organise à l'avance des opérations de restauration écologique qu'il propose ensuite aux aménageurs. Les services instructeurs disposent ainsi de davantage de temps pour des mesures de compensation de plus grande envergure ; le contrôle et le suivi s'en trouvent améliorés. C'est donc un marché qui reste fortement régulé : ainsi, la compensation doit être mise en oeuvre dans la même zone que l'impact initial, et les services instructeurs continueront à instruire les dossiers de demande d'autorisation des aménageurs.
Les règles d'application diffèrent selon les pays. En France, des sites naturels de compensation, comme celui de Cossure, ont été mis en place dès avant la loi sur la biodiversité. Aux États-Unis et dans d'autres pays, la solution retenue a été celle des banques de compensation.
La compensation par l'offre et la compensation par la demande sont complémentaires, car tous les milieux ne sont pas adaptés à la première. La loi biodiversité et ses décrets d'application posent des bases intéressantes d'encadrement de la compensation par l'offre, mais des imprécisions et des incohérences demeurent et en limitent l'efficacité. Les États-Unis, où une loi détaille les mécanismes de compensation par l'offre et par la demande, nous offrent un retour d'expérience de trente ans susceptible de nous aider à éviter les erreurs.
Au-delà des quatre projets d'envergure auxquels s'intéresse votre commission d'enquête, je me suis attachée, pour ma part, à étudier des aménagements de dimensions plus modestes qui présentent des difficultés en matière de contrôle et de suivi : zones d'activité commerciale (ZAC), zones d'activité industrielle (ZAI), zones pavillonnaires. Les responsables de ces projets ne sont pas toujours conscients de leurs obligations réglementaires.
Il nous manque en France un état initial des projets qui nous permettrait de faire le point sur les mesures « ERC » et de mesurer les effets de la loi sur la biodiversité. Pourquoi ne pas commencer par un territoire ou un projet pilote ? Enfin, les travaux actuels sur la loi concernent essentiellement la France métropolitaine et oublient l'outre-mer et les milieux marins, pourtant riches en biodiversité.