Je suis chercheur en économie écologique au Cired et professeur à AgroParisTech. Je travaille sur l'efficacité des mesures de compensation depuis plusieurs années en France et aux États-Unis. J'ai participé à un ouvrage collectif en 2015 sur le sujet. J'ai été l'animateur d'un groupe de travail sur la biodiversité au sein du comité pour l'économie verte, qui regroupe des associations, des élus, des syndicats, des économistes, des professionnels, etc. Il a publié un avis, qui identifie trois priorités : l'intégration, la planification et l'anticipation. Les cadres réglementaires, les formats de recommandations et les outils d'évaluation de l'équivalence sont très hétérogènes. Chaque bureau d'études utilise ses propres outils. On manque d'un cadre commun, ce qui génère des conflits et des contentieux. Il est urgent de définir l'équivalence, afin de tenir compte de tous les composants de la biodiversité : les végétaux, les animaux, mais aussi les fonctionnalités. Ce type d'outil existe déjà dans la loi sur la responsabilité environnementale. Dès lors que la loi fixe l'absence de perte nette de biodiversité comme objectif avec une obligation de résultat, une harmonisation s'impose. Il conviendrait aussi d'élaborer un outil cartographique pour faciliter la visualisation des enjeux et la planification. Enfin, il faut se doter d'outils pour veiller à la pérennité des mesures de compensation. La loi pose déjà le principe des obligations réelles environnementales. On pourrait envisager d'autres solutions, comme des cessions au Conservatoire du littoral ou aux conservatoires d'espaces naturels par exemple.
La bonne compensation dépend de la nature des atteintes au milieu. S'il s'agit d'une tourbière millénaire, aucune compensation n'est possible. S'il s'agit de terrains dégradés, il est possible d'agir. La question est de définir le seuil à partir duquel une compensation est acceptable ou non.
La compensation implique des coûts. Si parvenir à une absence de perte nette de biodiversité s'avère trop coûteux, il est pertinent de renoncer au projet. C'est ce qui se passe aux Etats-Unis. En Floride, les mesures de compensation pour le rechargement des plages étaient deux fois plus coûteuses que le projet, mais, comme celui-ci était jugé crucial, il a été maintenu.
Les sites naturels de compensation de la biodiversité facilitent la mutualisation et permettent une approche intégrée des mesures de compensation en visant de plus grandes surfaces, ce qui augmente leur efficacité. Il est aussi plus facile pour l'administration de procéder aux contrôles. Aux États-Unis, un agent est chargé en moyenne de suivre 200 dossiers, mais ceux qui s'occupent de banques de compensation suivent sept dossiers : les sites sont plus faciles à gérer et les coûts de transaction sont réduits. Toutefois, ces sites ne sont pertinents que pour des écosystèmes qui ne sont pas spécifiques. La plaine de la Crau est un écosystème très spécifique, ce qui explique l'échec, sur le plan économique, du plan de la Caisse des dépôts.