Dans ce cas particulier, la plus-value écologique que la gestion de cette forêt pourrait apporter devrait être évaluée.
Plus généralement, je voulais insister sur le principe d'additionnalité. S'il n'apparaît pas directement dans la loi, ce principe est vraiment fondamental pour que l'argent de la compensation ne se substitue pas à de l'argent qui était normalement dédié à des mesures de conservation et de gestion de la biodiversité.
Monsieur Trillard, j'ai dû mal m'exprimer lorsque j'ai évoqué l'état initial. Je ne parlais pas de l'état initial qui figure dans les études d'impact ou les diagnostics environnementaux qui doivent être réalisés pour chaque projet. Je souhaitais plutôt évoquer la façon dont les services instructeurs, à une échelle donnée, vont instruire la séquence « éviter-réduire-compenser » (ERC). Celle-ci est-elle effectivement réalisée ? Est-elle déjà effective ? Quels en sont les résultats ? Y a-t-il un bon suivi ? Comment le contrôle est-il exercé ? Les agents vont-ils sur le terrain ? J'avais en tête ces petites enquêtes à l'échelle locale pour étudier l'application réelle et le réalisme de la séquence ERC en France, en partant d'un exemple.
Madame Jouanno, effectivement, si la biodiversité ordinaire n'est pas directement protégée, ce que prend en compte l'étude d'impact - l'ensemble des milieux, le sol, les continuités écologiques - est vraiment très large. Par ce biais, il arrive que des zones de biodiversité ordinaire soient prises en compte pour dimensionner des mesures de compensation. Quand on s'intéresse à une espèce protégée, quand on restaure un milieu, tout un cortège d'espèces, relevant parfois de la biodiversité ordinaire, est aussi pris en compte. Dire que la biodiversité ordinaire n'est pas prise en compte était donc un peu schématique.
Je ne suis pas sûre que la biodiversité ordinaire soit prise en compte plus ou moins fortement selon que l'on compense par la demande ou par l'offre.
Pour ce qui concerne l'implication des acteurs agricoles dans les compensations écologiques, j'ai eu l'occasion de réaliser une étude, en partenariat avec les chambres d'agriculture de Picardie, sur la perception qu'avaient les agriculteurs de la mise en place de mesures de compensation sur les terres qu'ils cultivent. De façon générale, les agriculteurs n'étaient pas partants pour mettre en place ces mesures, mais quelques-uns l'étaient. Nous avons pu déterminer que, dans les raisons de l'acceptation ou du refus, la durée était l'un des facteurs les plus importants. Ce n'est pas très étonnant quand on sait que le taux de fermage atteint presque 60 % en France. Les agriculteurs ne vont pas forcément pouvoir s'engager sur des mesures compensatoires très longues. Cela nécessite de penser une articulation.
Dans ces conditions, l'obligation environnementale réelle peut être intéressante, à condition, bien évidemment, comme cela est indiqué dans la loi, que le preneur à bail et le propriétaire se soient mis d'accord et que, sur ce terrain, les producteurs successifs puissent conserver ce plan de gestion des compensations.
Je souhaite éclairer le débat avec l'expérience américaine. Aux États-Unis, les agriculteurs sont bien plus souvent propriétaires des terrains. Nous avons pu constater que, dans la plupart des banques de compensation de Floride, les opérateurs de compensation sont d'anciens producteurs agricoles, qui ont changé de métier. Cela dit, les échelles sont totalement différentes et la culture n'est pas la même.