Intervention de Bernard Chevassus-au-Louis

Commission d'enquête Atteintes à la biodiversité — Réunion du 22 décembre 2016 à 14h35
Audition des représentants de la fondation nicolas hulot pour la nature et l'homme fnh humanité et biodiversité la ligue pour la protection des oiseaux lpo world wildlife fund wwf union internationale pour la conservation de la nature uicn et france nature environnement fne

Bernard Chevassus-au-Louis, président d'Humanité et biodiversité :

La biodiversité se porte bien quand on s'en occupe sérieusement. Ainsi, le nombre d'oiseaux communs dans les milieux agricoles a régressé de 40 %, alors que celui des oiseaux protégés ayant fait l'objet de plans de restauration a crû de 20 %. Et le nombre d'espèces de poissons en aval de Paris est passé de 3 à 30 depuis 1964 grâce aux politiques de l'eau. Qu'il s'agisse d'oiseaux, de chauves-souris ou de papillons diurnes, il faut des politiques dédiées.

Nous devons hiérarchiser les facteurs d'érosion de la biodiversité. Chaque année, environ 15 000 hectares sont artificialisés. Les trois quarts de cette transformation résultent de l'urbanisation, et 20 % de la création de zones industrielles et commerciales. Les grandes infrastructures de transport ne représentent quant à elles que 2 000 hectares par an. Dans le même temps, 100 000 hectares de prairies sont retournés chaque année. Ne nous trompons pas de cible et prêtons attention à tous les usages des terrains. Or, tous ne sont pas visés par les mesures de compensation.

Même si la compensation existe depuis 1976, ce n'est qu'en 2016 que la loi a supprimé les mots « si possible » pour exiger l'absence de perte nette. Cette obligation de résultat est bien tardive, et résulte surtout des directives européennes.

Le verbe « éviter » est ambigu. Il peut aussi bien signifier « ne pas faire » que « faire en évitant l'impact ». Il faudrait un encadrement juridique plus clair, car on voit bien à Notre-Dame-des-Landes que les contre-expertises effectuées à la demande du Gouvernement se font selon des procédures décidées au cas par cas, et parfois contradictoires entre elles. La séquence éviter est beaucoup moins transparente que les suivantes.

Le critère de proximité géographique est intéressant, mais doit être nuancé selon que le lieu retenu relève, ou non, d'un schéma directeur. De plus, l'équivalence écologique ne suffit pas, il faut veiller à une compensation sociale en compensant de préférence à proximité de personnes ayant perdu l'accès à la biodiversité.

Je ne suis pas hostile à la compensation par augmentation du statut de protection d'un espace, même si ce n'est pas vraiment de la compensation. Quant à la compensation par l'offre, pourquoi pas ? Mais il faut bien distinguer les métiers. L'ordonnateur ne doit pas être le maître d'ouvrage, dont la responsabilité ne peut être transférée. C'est au maître d'ouvrage de garantir l'effectivité de la compensation, qu'il la réalise lui-même ou via un opérateur. Il doit bénéficier d'une assurance-qualité. Et un contrôleur doit s'assurer que la compensation est effective et durable.

Actuellement, le recours au Conseil national de la protection de la nature (CNPN) est trop tardif. Les citoyens doivent être mieux informés sur la manière dont la compensation au titre des espèces sera réalisée.

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