Intervention de Ladislas Poniatowski

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 janvier 2017 à 9h30
Projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Ladislas PoniatowskiLadislas Poniatowski, rapporteur :

Le texte qui nous est soumis comporte quelques enjeux importants pour le fonctionnement de notre système électrique. Il ratifie deux ordonnances prises sur le fondement de la loi « Transition énergétique », l'une relative à un sujet en plein développement, l'autoconsommation, et l'autre à diverses mesures en faveur des énergies renouvelables. Il traite aussi de deux autres points structurants : la traçabilité de l'électricité verte - c'est-à-dire la façon dont les fournisseurs peuvent proposer aux consommateurs des offres d'électricité « 100 % verte » - et la prise en charge par la collectivité d'une partie du coût de raccordement des installations de production d'électricité renouvelable. Enfin, il est aussi question d'un sujet plus conjoncturel mais qui aura son importance pour un grand nombre de nos concitoyens du nord de la France, le changement de nature du gaz qui leur sera livré.

L'article 1er propose donc de ratifier deux ordonnances. La première se rapporte à l'autoconsommation d'électricité, qui se développe en raison d'une baisse marquée des coûts de production - en particulier du prix des panneaux solaires -, d'une forte demande sociale en faveur d'une électricité renouvelable et localisée, et des avancées technologiques qui en facilitent la mise en place, tels que le compteur Linky et les logiciels d'optimisation. Si de grands sites industriels la pratiquent déjà de longue date, par exemple dans les vallées alpines pour la métallurgie, l'autoconsommation se diffuse aujourd'hui à un rythme accéléré : en 2016, plus de 37 % des demandes de raccordement des producteurs sur le réseau d'Enedis concernaient des installations en autoconsommation.

Cette évolution est à la fois source d'opportunités et de risques pour le système électrique si elle n'est pas encadrée. L'autoconsommation permettrait en effet de réduire les coûts du réseau en le sollicitant moins, mais à plusieurs conditions : une bonne synchronisation de la production et de la consommation, un dimensionnement adéquat des installations et une localisation de la production à proximité des lieux de consommation. À l'inverse, un développement massif de l'autoconsommation pourrait conduire à des transferts de charges significatifs entre les autoconsommateurs et les autres utilisateurs ainsi qu'à des baisses de recettes fiscales.

L'ordonnance comporte plusieurs avancées majeures. Elle fixe, pour la première fois, un cadre légal à l'autoconsommation en définissant à la fois l'autoconsommation individuelle et collective. Cette dernière supposera que les participants soient liés par une personne morale et que les points de soutirage et d'injection soient proches sur le réseau. L'ordonnance prévoit aussi, entre autres, une garantie d'accès des opérations d'autoconsommation aux réseaux publics ; la possibilité de déroger, pour les plus petites installations, à l'obligation, trop contraignante, de devoir conclure un contrat de vente pour le surplus d'électricité non consommée - ce surplus sera cédé à titre gratuit au gestionnaire de réseau et affecté à ses pertes techniques ; enfin, la fixation par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), d'un tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) spécifique pour les installations d'une puissance inférieure à 100 kW.

Je me suis assuré que la fixation d'un tarif spécifique ne contrevenait pas au principe de péréquation tarifaire, à laquelle nous sommes tous très attachés. Rien n'interdit en effet qu'une tarification reflète des différences d'usage, pourvu qu'à un même usage soit appliqué le même tarif : or, je vous rassure, un autoconsommateur ardéchois bénéficiera exactement du même tarif qu'un autoconsommateur parisien. Je ne vous proposerai pas de revenir sur cette disposition mais je vous soumettrai toutefois plusieurs amendements pour assurer la meilleure synchronisation possible entre la production et la consommation et pour préciser certains points techniques ou fiscaux afin de faciliter le développement de l'autoconsommation.

Un dernier point a appelé mon attention, celui de la proximité géographique entre les lieux de production et de consommation. À cet égard, je m'interroge toujours sur la possibilité de circonscrire l'autoconsommation individuelle à un même site pour éviter les effets d'aubaine - un client résidentiel multisites pourrait, par exemple, produire de l'électricité dans sa résidence secondaire dans le sud et consommer dans sa résidence principale, sans gain pour le réseau - mais une telle précision présente sans doute d'autres inconvénients et, si vous en êtes d'accord, je déposerai un amendement d'appel en séance pour entendre la position du Gouvernement sur ce point.

En matière d'autoconsommation collective, en revanche, je vous proposerai d'aller un tout petit peu plus loin que le texte actuel, qui restreint l'opération aux points d'injection et de soutirage situés « sur un même départ basse tension », pour aller jusqu'à « un même poste de distribution ». Tout en préservant le caractère de proximité sur le réseau de l'opération, ce périmètre favorisera les échanges d'énergie entre deux bâtiments, à finalité éventuellement différente - tertiaire ou domestique -, ce qui n'est pas toujours possible depuis un même départ basse tension.

La seconde ordonnance comporte des mesures techniques ; je ne vous proposerai que quelques ajustements. Parmi les dispositions importantes, je signalerai la possibilité pour l'État de recourir à d'autres formes de mise en concurrence que le traditionnel appel d'offres pour développer les énergies renouvelables, le renforcement de la coordination entre les producteurs et les gestionnaires de réseaux pour mieux intégrer les énergies renouvelables au système électrique ou encore l'extension de la priorité d'appel à certaines installations d'électricité renouvelable hors obligation d'achat dans les zones non interconnectées (ZNI), que je vous proposerai de mieux encadrer.

Vous l'aurez compris, le sénateur Républicain que je suis est très favorable aux ordonnances du Gouvernement...

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