Intervention de Michel Boutant

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 janvier 2017 à 10h05
71e session de l'assemblée générale des nations unies — Forum transatlantique - communications

Photo de Michel BoutantMichel Boutant :

L'ONU est à un tournant de son histoire ; le multilatéralisme semble menacé. Avec, au Conseil de sécurité, Poutine et Trump d'un côté, Xi Jinping de l'autre, nous assistons au retour des États-puissance.

Nous l'avons mesuré sur la Syrie, dont l'ONU a été incapable d'enrayer la descente aux enfers, guerre atroce occasionnant 300 000 morts, 5 millions de réfugiés, 7 millions de déplacés, 13,5 millions de personnes en urgence humanitaire.

Nos entretiens à New York début décembre nous ont d'ailleurs convaincus que ce dossier, bloqué depuis des années au Conseil de sécurité par des vétos russes successifs, allait connaitre une accélération brutale début janvier.

Les discours croisés des Américains et des Russes ont montré que les Russes souhaitent « régler » - à leur façon - cette question avant l'installation de Donald Trump. Du point de vue russe, il fallait que Bachar el-Assad, l'Iran et la Russie soient vainqueurs au 20 janvier prochain, pour pouvoir bâtir une nouvelle stratégie russo-américaine avec le nouveau Président américain. La Russie a su s'imposer, avec brutalité, comme le maitre de la solution syrienne, avec un sens aigu du tempo.

Lors de l'entretien -marquant- que nous avons eu avec le représentant russe Vitaly Churkin, nous avons compris que la situation d'Alep, déjà tragique, deviendrait encore plus préoccupante, avec d'importants massacres à venir : il fallait qu'Alep tombe pour dégager la voie à un accord avec Donald Trump. Vitaly Churkin nous a d'ailleurs annoncé comme une « bonne nouvelle » la reprise prochaine d'Alep par le régime syrien... C'est bien ce qui s'est passé, en effet... Alep, Guernica des temps modernes...

Sur cette question, la France n'a pas été inactive au Conseil de sécurité, dénonçant l'usage d'armes chimiques, convoquant des réunions d'urgence sur Alep, prônant une renonciation au véto en cas de crimes de masse, initiative qui a le soutien de près de 100 États-membres et qui a mis une pression politique sur la Russie.

Force est de constater que nos initiatives n'ont globalement pas abouti. Nous sommes aujourd'hui à l'aube d'un règlement de la crise sous parrainage russo-irano-turc à Astana. Toute l'action de notre diplomatie ces derniers temps a été de « remettre dans la boucle », à l'occasion de la résolution russe sur la fin des hostilités, adoptée à l'unanimité au Conseil de sécurité fin décembre, le processus de Genève, qui inclut, lui, l'opposition syrienne, et d'appuyer l'action de l'envoyé spécial de l'ONU Stefan de Mistura, qui est menacé de marginalisation -tout comme les Européens d'ailleurs-.

Lors du vote de cette résolution russe le 31 décembre, la France a donc souligné que la reprise des négociations se ferait sous l'égide de Staffan de Mistura le 8 février prochain, et a rappelé son attachement à la précédente résolution 2254 et au communiqué de Genève, qui prévoient une transition politique effective en Syrie.

Dans notre esprit, la réunion d'Astana peut constituer une première étape, mais ne doit pas se substituer aux négociations du processus de Genève. En outre, le processus de désignation des représentants de l'opposition à la réunion d'Astana devra être transparent, inclure le Haut Comité des Négociations, qui est à nos yeux le représentant légitime de l'opposition dans les négociations inter-syriennes. Ce n'est pas acquis à ce stade.

Pour conclure sur le dossier syrien, je dirais que l'ONU n'a pu agir que dans la mesure où la Russie l'a consenti...

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