Nous avons d'abord tenté de mieux cerner la personnalité de Donald Trump, par une rencontre avec Anthony Schwartz, journaliste, qui a rédigé le livre de Donald Trump «The Art of the Deal ». Ayant passé 18 mois auprès de Donald Trump pour écrire ce livre, Tony Schwartz a pu l'observer dans son intimité et dans la conduite de son empire immobilier. Il s'est livré à une analyse au vitriol de la personnalité du futur président, jugé incapable de se concentrer pendant une longue durée, impulsif voire inculte. Ce caractère impulsif, « épidermique », le mettrait, selon cet interlocuteur, à la merci d'influences extérieures et le rendrait susceptible de commettre des erreurs grossières. Donald Trump étant imprévisible, il n'est pas exclu non plus qu'il revienne sur la plupart de ses promesses de campagne.
L'ensemble de nos interlocuteurs a souligné l'absence de connaissance du futur président sur les dossiers internationaux. Il est notoire que Donald Trump ne reçoit aucun briefing pour ses entretiens avec des leaders étrangers, et qu'il a longtemps délaissé les briefings des services secrets.
Son style de gouvernement suscite donc de nombreuses questions. La vingtaine de nominations effectuée a surpris, avec des profils inexpérimentés, incohérents avec son positionnement de campagne (plusieurs milliardaires alors qu'il se présentait comme le candidat de l'Amérique défavorisée) et surtout un manque de cohérence globale d'une équipe qui a parfois des positions divergentes. Il a coutume de contourner toutes les institutions, les partis, pour s'adresser directement au peuple américain, sans intermédiaire : c'est plus qu'un nouveau style de communication, c'est aussi l'expression d'une défiance vis-à-vis de l'« establishment ».
Le Congrès, élu en novembre, en même temps que le prochain président, a pris ses fonctions le 3 janvier, et devra confirmer à leurs postes l'équipe gouvernementale : au total 1 000 nominations doivent passer par le Sénat. Les auditions commencent cette semaine au Sénat où les Républicains n'ont que deux voix de majorité : aujourd'hui même pour Rex Tillerson, PDG d'ExxonMobil, nommé à la tête de la diplomatie, le département d'État, et demain pour le général Mattis, ministre de la défense, qui devrait être confirmé sans problème. Cela pourrait être plus serré pour au moins huit candidats, dont Rex Tillerson -premier ministre des affaires étrangères depuis 1945 à n'avoir eu aucune expérience dans l'administration.
Reste à savoir si Donald Trump exercera réellement ses nouvelles fonctions ou s'il déléguera une grande partie de ses dossiers, maintenant un rôle de représentation et de communication : ce serait la « présidence Twitter », où il se contenterait de dialoguer avec ses 18 millions d'abonnés. C'est d'ailleurs via Twitter que Donald Trump a critiqué la réforme du comité d'éthique parlementaire adoptée « à la sauvette » par les Républicains du nouveau Congrès le 2 janvier, et abandonnée quelques heures après, face à la controverse.
Nous avons des craintes, mais pas encore de certitude, sur la remise en cause de l'accord de Paris. Pour l'instant, cela ne semble pas constituer un sujet prioritaire au Congrès, qui n'a pas, à ce stade, de stratégie arrêtée. Toutefois, certaines réglementations fédérales comme le « clean air act » pourraient être ciblées. Les entreprises et les milieux d'affaires américains seraient favorables à l'accord de Paris, tout comme les villes et certains états fédérés : cela pourrait peser favorablement.
L'administration Obama avait pris le soin de déposer sa « stratégie de long terme à bas carbone » à l'occasion de la COP 22 de Marrakech, visant à réduire les émissions américaines de CO2 de 80% en 2050. Cette stratégie n'engage évidemment pas la future administration, mais elle pèsera dans le débat. Il faudra suivre attentivement les développements dans les mois à venir.