Intervention de Michel Boutant

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 janvier 2017 à 10h05
71e session de l'assemblée générale des nations unies — Forum transatlantique - communications

Photo de Michel BoutantMichel Boutant :

La relation à la Russie pourrait être en rupture par rapport à l'ère Obama. Le Président Trump trouve une relation américano-russe au plus bas depuis la fin de la guerre froide. Malgré la volonté de nouveau départ, ou « reset », de la première présidence Obama, la dégradation est manifeste depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012. Elle s'est aggravée avec l'annexion par la Russie de la Crimée et la déstabilisation du Donbass. La tension a franchi un nouveau cap avec les interférences russes dans la campagne électorale américaine.

Donald Trump s'est exprimé en termes favorables à la fois sur le Président Poutine, à l'égard duquel il ne cache pas une certaine admiration, et sur le besoin de recréer une relation bilatérale plus sereine. La Russie a occupé une place à part dans la campagne électorale, et il ne fait pas de doute qu'elle jouera un rôle particulier dans la politique étrangère du Président Trump. D'ailleurs plusieurs membres de son équipe se caractérisent par des liens personnels forts avec la Russie : en particulier le général Flynn, conseiller à la sécurité nationale, et le secrétaire d'Etat Rex Tillerson, décoré par Vladimir Poutine de l'ordre de l'amitié en 2013.

Les Russes l'ont compris et anticipé, accélérant la manoeuvre militaire en Syrie, comme je l'ai déjà dit, pour que la voie d'un accord avec le nouveau président américain soit libre à compter du 20 janvier.

Cette nouvelle approche pourrait susciter un profond désaccord entre le président et le Congrès républicain. On l'a vu sur l'affaire des cyberattaques. Donald Trump a désavoué les services américains de renseignement qui ont conclu à une interférence de la Russie dans la présidentielle, et apporté au contraire du crédit au site Wikileaks qui prétend que Moscou n'est pas à l'origine des piratages informatiques. A l'inverse, le sénateur John McCain, républicain, a organisé une grande audition jeudi dernier sur le sujet, mettant en évidence le rôle de la Russie.

Pour nous Européens, le danger sera celui d'un marchandage, d'un « deal » russo-américain, qui pourrait d'une part nous marginaliser sur la scène internationale et d'autre part se faire à nos dépends, par exemple pour les sanctions relatives à l'Ukraine.

Sur la Chine, le Président Trump a critiqué le fait que la Chine a facilement accès au marché américain, alors qu'elle ferme son marché aux investissements étrangers, qu'elle rejette la réciprocité et « profiterait » ainsi des États-Unis, auxquels elle a fait perdre « des millions d'emplois ».

Donald Trump souhaite donc remédier à ce déséquilibre commercial, tout en veillant à conserver une bonne relation avec la Chine. C'est dans ce contexte qu'il a évoqué l'instauration de droits de douane prohibitifs, voire le déclenchement d'une « guerre commerciale », ou qu'il a pris le risque de froisser la Chine en conversant avec la présidente de Taïwan. Pour ceux qui connaissent le président élu, c'est sans doute le point de départ d'une négociation, plutôt que des mesures unilatérales inamovibles. D'ailleurs le futur ambassadeur américain en Chine Terry Branstad a été en partie choisi car il connait personnellement le Président Xi Jinping.

Reste à savoir comment les propos de campagne seront mis en actes. Pour l'instant, le retrait des Etats-Unis du partenariat transpacifique offre plutôt un boulevard à la Chine pour étendre son influence en Asie : nous avons pu constater que le camp républicain ne semble guère préoccupé par cette situation.

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