Intervention de Claude Malhuret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 janvier 2017 à 10h05
Politique étrangère américaine de l'administration trump — Audition conjointe de Mme Célia Belin chercheuse au centre d'analyse de prévision et de stratégie du ministère des affaires étrangères et au centre thucydide paris 2 et de Mme Maya Kandel chercheuse associée à l'institut du monde anglophone de l'université sorbonne nouvelle paris 3 ancienne responsable du programme etats-unis de l'institut de recherche stratégique de l'ecole militaire

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Merci, Mesdames, pour votre présentation très intéressante. J'en retiens l'improbabilité et l'incertitude. Pour moi, la situation actuelle recèle sans doute autant de certitudes que d'incertitudes ; les premières n'étant pas de bon augure. En revanche, je n'ai pas entendu le mot d'affaiblissement considérable des États-Unis et celui des démocraties ainsi que de leurs institutions. C'est déjà survenu, puisque l'élection présidentielle américaine s'est déroulée conformément aux souhaits de Vladimir Poutine, au point que le débat en Europe commence à se poser sur l'intervention de la Russie dans nos propres démocraties, lors des élections françaises et allemandes.

C'est une certitude désagréable. La seconde certitude concerne la poursuite de l'affaiblissement des États-Unis. Certes, le système des « Checks and Balances » évitera que le pire survienne. Dans ce contexte d'imprévisibilité, il est certain que les affrontements entre le Congrès, le Président et la presse, dont le rôle est considérable comme nous avons pu le constater il y a encore quelques heures, vont se produire et ne vont guère garantir le fonctionnement optimal de la démocratie. Les évènements des dernières vingt-quatre heures, quels que soient l'origine des rumeurs et les risques de manipulation, laissent planer le doute de la vraisemblance, du fait de la personnalité de Donald Trump. De telles pratiques vont ainsi perdurer et augurer d'une paralysie, source d'un affaiblissement, à l'instar de la situation provoquée par l'affaire Monika Lewinsky lors de la présidence de Bill Clinton.

Les certitudes de l'isolationnisme, du protectionnisme et du nationalisme ne sont pas bonnes pour nous et l'Europe, car ceux-ci vont entraîner un recul du multilatéralisme et du parapluie américain pour l'Europe, ainsi qu'un recul économique du fait de la remise en cause des accords de libre-échange et, enfin, un recul en matière de lutte contre le réchauffement climatique, où des progrès substantiels avaient pourtant été enregistrés ces dernières années. Au final, comme vous l'avez dit, une telle évolution va induire le recul de l'ordre libéral international hérité de la fin de la Seconde guerre mondiale pour aboutir à des rapports de force entre puissances. Même si les miracles sont toujours possibles, il s'agit là de certitudes. En outre, la question de se pose de savoir ce que l'Europe peut et doit faire. Elle est désormais confrontée à trois interlocuteurs qui lui sont soit indifférents ou hostiles, à savoir les États-Unis, pour la première fois, la Russie et la Chine, dont la montée en puissance est progressive et fait fi de l'Europe en tant que puissance. Par conséquent, comment la France et l'Europe, qui n'a jamais été aussi faible, peuvent-elles devenir un facteur de paix ? Il nous faudra ainsi choisir entre l'action unilatérale et le bilatéralisme. Le seul point positif que je vois dans l'élection de Donald Trump demeure la prise de conscience que le monde n'est plus celui du droit de l'hommisme que l'Europe promeut depuis un certain nombre d'années. Pour que l'Europe devienne un facteur de paix, encore faut-il qu'elle existe. Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui et c'est assez préoccupant.

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