Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 janvier 2017 à 10h05
Suivi quinquennal de l'application des lois — Communication

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président :

Le président du Sénat et notre collègue Bérit-Débat, en charge du suivi de l'application des lois, ont souhaité faire un bilan quinquennal de l'application des lois particulièrement emblématiques examinées par notre commission, au cours des cinq dernières années. Mon choix s'est donc porté, tout naturellement sur la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 (loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale), adoptée en juillet 2013, ainsi que sur la loi d'actualisation de juillet 2015.

Nous avons déjà, chaque année, suivi sa mise en application, qui est satisfaisante, aussi je ne vous apprendrai pas grand-chose ce matin.

La LPM de 2013 correspond à la mise en oeuvre des orientations de la politique de défense française pour les années 2014 à 2019, telles qu'elles avaient été notamment définies dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013. Depuis sa promulgation, 21 mesures d'application ont été publiées, dont 15 au cours de l'année 2014 et 6 au cours de l'année 2015. Au 31 décembre 2016, la commission se réjouit donc de constater que cette loi est quasiment totalement applicable, à hauteur de 94% pour être précis ! Toutes les mesures d'application ont en effet été prises, à l'exception d'un arrêté fixant la liste des écoles dont les élèves ont le statut de militaires en formation.

En revanche, la commission regrette de ne pas avoir reçu le fameux « bilan annuel politique, opérationnel et financier » des opérations extérieures en cours, que le Gouvernement aurait dû lui transmettre, chaque année, en application de l'article 4 de cette loi. Sur les 4 rapports demandés par la LPM, c'est le seul qui n'a pas encore été déposé ; or, c'est un de ceux qui revêt le plus grand intérêt, car il a pour objet d'éclairer un débat qui doit théoriquement se tenir chaque année au Parlement. Pourquoi avoir demandé un tel rapport et un tel débat annuel ? Pour équilibrer la rédaction de l'article 35 de la Constitution, qui prévoit que nous votions une autorisation pour les OPEX au-delà de 4 mois, autorisation qui est « éternelle » : il fallait donc introduire un peu de contrôle parlementaire. L'an dernier, la commission a donc décidé de faire elle-même le bilan des OPEX et a publié, le 13 juillet 2016, un rapport d'information intitulé « Interventions extérieures de la France : renforcer l'efficacité militaire par une approche globale coordonnée » qui palliait l'absence de rapport du Gouvernement. Chacun se rappelle que le Gouvernement a finalement décidé, sur la suggestion du Président de la République, de tenir ce débat pour la première fois, trois ans après l'entrée en vigueur de la LPM, le 19 octobre dernier. Enfin, pour être exhaustif, je vous indique que le rapport de l'article 67 de la loi de 2004 de simplification du droit - qui présente la mise en application de toute loi dans un délai de six mois suivant sa date d'entrée en vigueur - nous a été transmis, avec un mois de retard « seulement ».

La loi d'actualisation de 2015 est venue apporter une réponse à l'accroissement des menaces sur le territoire national ainsi qu'aux tensions sur l'outil de défense créées par les engagements sur les théâtres extérieurs - bande sahélo-saharienne et Levant. Cette actualisation, nous l'avions réclamée notamment dans un débat en séance publique en avril 2015. Elle a été réalisée en juillet 2015. Depuis sa promulgation, 15 mesures réglementaires ont été prises, dont 9 en 2015 et 6 en 2016. La commission a reçu 2 rapports sur les 5 attendus, respectivement en mars et en décembre 2016. Le premier prévu par l'article 7 sur les « Conditions d'emploi des armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population », qui a fait l'objet, à notre demande, d'une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, le 15 mars 2016 et le second prévu par l'article 22, intitulé « Le service militaire volontaire : bilan et perspectives » qui vous a été adressé toute fin 2016. Pour clore le chapitre des rapports, je vous signale que la commission a également reçu le rapport de l'article 67, là encore avec quatre mois de retard.

En conclusion, en votre nom, j'indiquerai lors de la séance réunissant le président du Sénat, les présidents de commission et le ministre des relations avec le parlement, que la commission est globalement satisfaite de l'application de ces deux lois. Cette séance devrait avoir lieu le 21, le 22 ou le 23 février prochain.

Si on sort de l'aspect purement quantitatif pour aller vers une appréciation plus politique, je dirais toutefois que notre demande d'une nouvelle actualisation, à l'issue des annonces au Congrès du 16 novembre 2015 qui ont fait suite à la deuxième vague d'attentats du 13 novembre 2015, et des décisions du Conseil de défense du 6 avril 2016, est restée sans réponse et que de fait, cette actualisation a été réalisée par l'exécutif, en gestion, sans recourir au législateur et surtout sans inscription dans la programmation qui est donc en quelque sorte obsolète. Les décisions adoptées en Conseil de défense du 6 avril 2016 ont d'ailleurs fait l'objet d'un rapport au Parlement relatif à la programmation militaire pour les années 2017-2019 en date du 18 octobre 2016, qui a lui-même chiffré les dépenses non inscrites dans la programmation. Ces mesures, vous vous en souvenez, se sont concrétisées par une hausse du budget 2017 du ministère de la défense de 417 millions d'euros par rapport à ce que prévoyait la loi de programmation militaire actualisée de 2015. Cette actualisation par l'exécutif ne porte cependant que sur 2017. Pour 2018 et 2019, qui sont pourtant des annuités couvertes par la programmation actuelle, il appartiendra aux projets de loi de finances futurs de définir les ressources. C'est pourquoi je ne manquerai pas de rappeler que la commission juge indispensable une nouvelle actualisation de la loi de programmation militaire, en vue de permettre l'adaptation des contrats opérationnels à la réalité des engagements, de combler les lacunes capacitaires et de moderniser le dispositif de dissuasion nucléaire. Elle l'estime d'autant plus nécessaire qu'une troisième vague d'attentats a eu lieu à l'été 2016. C'est donc avec impatience que nous attendons le rapport d'évaluation des dispositions de la loi de programmation, prévu par l'article 5 de la loi de 2015, qui doit être remis au Parlement, par le Gouvernement, le 31 mars 2017 au plus tard, en vue expressément, le cas échéant, d'une nouvelle actualisation. Ce sera l'occasion pour nous de faire le point.

Voici mes quelques observations ; toutes les commissions dressent en ce moment leur bilan quinquennal d'application des lois ; un document d'ensemble sera publié pour en rendre compte.

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