Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe CRC d’avoir inscrit ce débat extrêmement important pour nos concitoyens à l’ordre du jour de notre assemblée.
Représentatif d’un système de santé fondé sur la solidarité et l’universalité de l’accès aux soins, l’hôpital public présente trois caractéristiques, toutes fondamentales : il est accessible à tous, y compris les plus modestes et les plus fragiles ; il s’agit d’un lieu de formation reconnu pour ses compétences ; enfin, il s’agit également d’un lieu de recherche tout à fait indispensable pour garantir un niveau de soin le plus élevé et le plus innovant possible.
Au travers de ces trois dimensions, l’hôpital symbolise bien ce que signifie le service public dans notre pays.
Toutefois, nous le savons bien – il n’est qu’à voir les propos des personnels hospitaliers, dont les revendications sont récurrentes –, la situation est problématique aujourd'hui. Elle exige que l’on s’y penche et que l’on trouve des solutions.
Nombreux sont les hôpitaux publics endettés qui doivent négocier des emprunts auprès des banques, année après année, pour payer leurs charges, et qui doivent réduire leurs coûts en supprimant leurs dépenses comme ils le peuvent.
Dans le même temps, les conditions de travail des personnels soignants, dont l’engagement est malgré tout sans faille et tout à fait remarquable, se dégradent. Travaillant à une cadence infernale, ces personnels estiment ne plus avoir le temps de s’occuper correctement de leurs patients, ce qui est pourtant tout le sens de leur métier. En sous-effectifs, surchargés de travail, souvent épuisés, ils se sentent isolés, parfois même méprisés. Cette situation entraîne de nombreux burn-out et des drames. On se souvient notamment du suicide de cinq infirmiers en quelques semaines au cours de l’été dernier.
Comme l’a rappelé le Président de la République le 22 décembre dernier à l’occasion de l’inauguration de l’hôpital de Chambéry, l’hôpital ne peut fonctionner sans personnel, même avec les plus beaux équipements du monde. Madame la secrétaire d'État, les personnels hospitaliers manifestent leur mécontentement depuis des mois. Une prochaine manifestation est prévue en mars. Que comptez-vous faire pour répondre à leur appel à l’aide ?
Bien souvent, l’exemple utilisé pour montrer l’urgence de la situation est l’engorgement des services d’urgence de l’hôpital public. Ce problème est systématiquement dénoncé, non seulement par les personnels hospitaliers, dépassés par l’afflux de patients, mais aussi par les patients eux-mêmes, qui attendent de pouvoir être pris en charge pendant des heures.
Cette saturation a plusieurs causes plus ou moins directes.
Première explication : l’afflux aux urgences est lié au manque de médecins généralistes dans certains territoires, zones rurales comme quartiers urbains ; je pense notamment à la Seine-Saint-Denis. La saturation s’explique également par la longueur des délais nécessaires pour obtenir une consultation chez un spécialiste, ce qui oblige les malades à se rendre à l’hôpital pour être soignés. Elle résulte, enfin, du manque de gardes le soir, la nuit et le week-end. Il y a en la matière de grandes inégalités entre territoires. Il s’agit là d’un véritable problème dont il faudrait que les pouvoirs publics se saisissent.
Deuxième explication : le non-recours aux droits est une cause indirecte du nombre important des consultations aux urgences. Par manque d’information sur leurs droits, par découragement, parce qu’il manque toujours une pièce différente aux dossiers, nombre de nos concitoyens abandonnent et renoncent à bénéficier de leurs droits, notamment en matière de couverture santé. Pour ne prendre qu’un chiffre très représentatif, quelque 20 % des personnes légalement éligibles à la CMU complémentaire, soit un million de personnes, n’avaient pas demandé l’ouverture de leurs droits en 2013 ! Certaines personnes modestes viennent donc aux urgences parce qu’il n’y est pas obligatoire d’avancer les frais et parce que l’on y est soigné quoi qu’il arrive !
Troisième raison, le système des paiements à l’acte, dont le nombre détermine trop souvent le montant des financements versés à l’hôpital, peut inciter certains médecins – ils nous l’ont dit – à prescrire ou prodiguer des soins qui ne sont pas forcément indispensables, mais qui rapportent davantage qu’ils ne coûtent à la structure hospitalière. Il s’agit là d’une forme de pression extrêmement artificielle.
Le risque, mis en avant par d’autres collègues avant moi, est le suivant : le secteur privé se développe toujours plus, alors qu’il ne prend en charge ni les frais de recherche, ni les frais de formation, ni l’accueil des personnes les plus modestes, ces dernières nécessitant parfois, on le sait, une attention et un accompagnement plus importants.
En d’autres termes, l’hôpital public s’occupe de tout ce qui relève de l’intérêt général, et nous devons en être fiers, mais nous courrons le risque de voir le secteur privé, qui n’assume pas tous les efforts devant être consentis, notamment en termes d’investissement, se développer à son détriment. Or les investissements sont indispensables si nous voulons éviter d’avoir une médecine hospitalière à deux vitesses.
Je conclurai en évoquant l’étymologie du mot « hôpital » et son lien avec le terme « hospitalité ».
L’histoire de l’hôpital en France, longue de plusieurs siècles, s’est construite à partir de la notion d’hospitalité. Nous formulons donc le vœu que cette notion, qui est fondamentale, soit toujours présente dans nos réflexions, et nous proposons de travailler, ici, tous ensemble, avec cette préoccupation en tête.
Nous devons protéger et développer l’hôpital public, mais aussi trouver des solutions au malaise profond qu’il connaît actuellement, afin que ses trois missions – l’accueil de tous, y compris des plus pauvres, la recherche et une formation de haut niveau – puissent se perpétuer. Cela ferait sens, je crois, et honorerait notre République.