Intervention de François Villeroy de Galhau

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 décembre 2016 à 10h05
Finalisation de l'accord international de « bâle iii » — Audition de M. François Villeroy de galhau gouverneur de la banque de france

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France :

Le système du crédit immobilier français est caractérisé par un financement très largement à taux fixes. Il y avait eu un débat avant la finalisation de Bâle III pour savoir s'il fallait obliger à augmenter le capital face au risque de remontée des taux. Il y a un an, ce point a été renvoyé au superviseur - ce qu'on appelle le pilier 2 - s'il estime qu'un risque important pèse sur un établissement. Le superviseur ne s'est pas empressé de demander des coussins de capital supplémentaires à ce titre : on maintient donc le financement à taux fixe dans les conditions actuelles. Dans certains pays comme les États-Unis, s'amorce une remontée des taux courts ; on verra alors que les taux variables n'ont pas que des avantages.

Nous devons considérer avec prudence les chiffres circulant actuellement sur l'impact des propositions discutées à Bâle. Les règles ne sont pas stabilisées sur l'output floor et certains chiffres peuvent être donnés par le secteur bancaire de manière imprécise.

L'effet de l'output floor dépend du taux et des règles d'assiette. Notre objectif est bien que, s'il devait y avoir un output floor - de nombreux pays le souhaitent -, il soit un garde-fou d'exception et non une contrainte en temps normal sur les banques françaises.

Les financements spécialisés sur les grandes infrastructures ou les avions sont très importants pour l'économie et constituent un secteur d'excellence pour les banques européennes. Nous avons obtenu que la méthode actuelle continue à s'appliquer, mais pas encore qu'elle soit considérée comme une règle durable. Cela ne nous suffit pas. Pour des financements de long terme, nous voulons stabiliser la règle du jeu.

Il devra y avoir une pause réglementaire après Bâle III. Ce n'est pas normal qu'il n'y ait pas de stabilisation, huit ans après la faillite de Lehman Brothers. Un accord de Bâle III, acceptable et équilibré, a une vraie valeur économique. Vu l'âpreté des négociations, aucun pays ne voudra précipitamment négocier un nouvel accord de Bâle.

Le risque souverain est un débat objectivement très difficile entre l'Allemagne et certains pays. Dans les règles de Bâle, le risque souverain est pondéré à zéro... L'Italie et le Japon notamment sont extrêmement attachés au maintien de la règle actuelle. Ce débat était très vif au sein de l'Union européenne lors de l'examen du projet de garantie européenne des dépôts. Ce débat a perdu de l'acuité en Europe, car la démarche choisie est progressive. La France a une position équilibrée. Les banques françaises sont exposées, mais elles ne seraient pas les plus gravement touchées par une pondération.

Il y a un point très important sur la réglementation - vous parliez de shadow banking tout à l'heure et des travaux de François Marc -, c'est que l'on puisse avancer sur le « hors-banque ». Cela relève non pas du comité de Bâle, mais du conseil de stabilité financière, présidé par le Gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney.

Pour schématiser, on a fait beaucoup de travail sur les banques, sur les assurances - en tout cas à l'échelle européenne, avec Solvabilité 2 -, mais il y a la fameuse question du shadow banking, c'est-à-dire des gestionnaires d'actifs, des fonds, etc. Il ne s'agit pas des mêmes règles, mais ce sujet doit être une des priorités fortes du conseil de stabilité financière dans les mois qui viennent.

Lors de la réunion du conseil de stabilité financière, à Londres, au mois de novembre, j'ai beaucoup insisté là-dessus, et je dois dire que Mark Carney est un allié fort. Les États-Unis, ou d'autres pays, peuvent montrer quelquefois un peu moins d'enthousiasme, mais nous maintenons une pression forte, notamment sur les tests de liquidité, qui sont très importants pour les gestionnaires de fonds.

Je termine par votre dernière question sur la valeur, le pouvoir et la place du comité de Bâle. Je suis conscient que c'est une question délicate. Il me paraît très important de redire que ce comité n'a pas de pouvoir normatif et que, comme il sied dans notre démocratie, le seul pouvoir normatif relève de la loi à l'échelle tant européenne que française.

Je souhaite avancer deux éléments de conviction personnelle à cet égard.

Tout d'abord, il me paraît utile, quand on regarde sur la période longue depuis 2008, de disposer d'une instance internationale qui essaye de contribuer à une harmonisation des règles.

Elle est composée de techniciens, c'est vrai, mais il s'agit de techniciens qui ne sont ni sourds ni aveugles au fonctionnement de la démocratie dans leur pays. C'est encore plus important face à l'incertitude que représente la nouvelle administration américaine. C'est un vrai progrès de la stabilité financière internationale et de l'équité de la concurrence, car nous savons tous que la crise financière de 2007-2008 est née en partie de phénomènes qui se sont propagés à travers les frontières, sans règles communes suffisantes.

En outre, à mon sens, dans ce travail de propositions techniques, les membres du comité de Bâle, à commencer par votre serviteur, doivent être à l'écoute. Nous avons eu l'occasion d'en parler régulièrement. La résolution que vous avez votée sur le crédit immobilier a évidemment joué un rôle dans notre position de négociation, et je suis heureux, à ce titre, des avancées qui ont pu être obtenues. Le rendez-vous d'aujourd'hui est important.

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