La supervision est extrêmement importante.
Le renforcement des règles en capital est une composante de la prévention des risques. En effet, si, sur une activité risquée telle que celle que vous avez évoquée, vous imposez des besoins en capitaux plus importants, vous freinez la prise de risque sur ladite activité. Par exemple, l'augmentation du capital nécessaire pour financer certaines activités de marché a été significative. Dans les premières estimations que nous avons reçues, la moitié de l'augmentation en capital des banques françaises répond aux risques de marché. Il s'agit d'une première vertu des règles en capital.
La seconde vertu joue si une crise survient : il est alors essentiel qu'il y ait suffisamment de fonds propres pour la couvrir. Nous n'aurions pas eu tous ces phénomènes de contagion, avec la contestation politique qui s'en est suivie, si les banques américaines et européennes avaient été suffisamment capitalisées. Le fait de doubler le capital a freiné certaines activités à risques ; en cas de difficultés, la sécurité de la carrosserie est beaucoup plus grande.
Monsieur Emorine, sachez que je vais justement aujourd'hui voir Jean-Claude Juncker à Bruxelles, donc votre question ne pouvait pas mieux tomber. Je compte bien lui redire qu'il nous paraît souhaitable d'avancer sur ce point. Comme vous le savez peut-être, j'ai eu l'occasion de proposer d'inclure l'union des marchés de capitaux dans un objet plus large, que j'ai appelé union de financement et d'investissement, et qui consiste à mobiliser l'épargne européenne, en mettant en synergie le plan Juncker - des capitaux publics -, l'union des marchés de capitaux - privés - et l'union bancaire, c'est-à-dire les financements par crédit.
Je trouve regrettable que ces projets soient aujourd'hui menés de façon séparée. En Europe, nous avons un certain nombre de problèmes, mais nous avons un vrai actif, qui est l'épargne : 350 milliards d'euros par an d'excédent d'épargne sur l'investissement dans la zone euro. L'enjeu de l'union de financement et d'investissement est de mieux utiliser cette épargne pour des investissements d'avenir, tels que des infrastructures, la transition énergétique, le numérique, ainsi que les fonds propres des entreprises. Il faut resituer l'union des marchés de capitaux par rapport à son objectif économique et politique. S'il y a un risque aujourd'hui, c'est qu'elle soit un peu perdue dans un agenda technico-juridique.
Enfin, monsieur Vincent, vous m'interrogez sur les risques en général. Oui, il y a des risques qu'il faut suivre de très près dans le système financier international. Je suis toujours prudent pour les situer exactement, parce que, malheureusement, l'histoire récente nous a enseigné la modestie. En général, les crises ne se produisent pas là où on les attend.
Plus précisément, je ne suis pas spécialiste du risque sur les crédits étudiants aux États-Unis, donc je serai prudent. S'agissant du risque chinois, je vous rejoins. Outre le risque de bulle immobilière - j'emploie ces mots avec prudence -, il y a un problème de financement des entreprises par la dette. La dette des entreprises chinoises augmente vite, il faut constater que ce phénomène n'est pas circonscrit à la Chine. Ainsi, la dette des entreprises dans les économies émergentes en général a fortement crû. Il y a de bonnes raisons à cela : ces économies se développent ; les financements sont disponibles à un taux avantageux.
Cependant, il faut surveiller ce phénomène, d'autant que, comme vous le savez, une partie de cette dette est libellée en dollars. Aussi, la montée récente de cette monnaie est susceptible de poser un problème pour la stabilité de ces économies.
Cela n'est malheureusement pas le seul facteur de risques de l'économie mondiale. Pour autant, notre rôle n'est pas de faire disparaître les risques ou les incertitudes. Nous devons seulement essayer d'identifier où sont les plus grands risques pour y mettre une pondération en capital plus élevée. Par ailleurs, pour reprendre mon image de la carrosserie, il s'agit de faire en sorte que, lorsqu'un risque se matérialise, les établissements financiers, plus solides qu'avant, puissent mieux absorber les chocs, comme dans un accident automobile.
De ce point de vue, et je terminerai par une note prudemment optimiste, je rappelle que 2016 a été une année de chocs successifs ; on l'avait même présentée comme la répétition de 2008 : choc sur les marchés financiers en janvier et février, Brexit au mois de juin ; élection américaine au mois de novembre. Le moins que l'on puisse dire est que les choses ne se sont pas passées comme prévu. Or, face à chacun de ces trois chocs, le système financier - je m'exprime avec prudence, sans préjuger ce qui va se passer à l'avenir - a résisté mieux que prévu. C'est en partie lié au renforcement de la réglementation effectué depuis 2009.