Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 12 janvier 2017 à 15h00
« faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ? » — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ? La réponse est : « Oui, mais ».

L’Europe va mal, et, comme nous l’avons souvent souligné ces derniers mois dans notre hémicycle, l’Union européenne est à la croisée des chemins. Il existe bien un risque majeur de désintégration du projet européen si rien n’est rapidement entrepris dans plusieurs domaines.

Il y a le terrorisme islamiste, la pression migratoire et les tensions fortes avec la Russie, sans compter les inquiétudes concernant la situation en Turquie. N’oublions pas cependant ce qui fut la tragique actualité de l’Union européenne pendant des mois : la crise de la zone euro. À l’heure de l’information en continu, une crise chasse l’autre dans les médias…

L’avenir de la zone euro suscite toujours l’inquiétude, et les conditions du sauvetage in extremis de la Grèce ont laissé des traces dans les opinions nationales : des impressions de panique et d’improvisation qui, d’ailleurs, tranchent avec la formidable machine à produire de la norme juridique et des institutions qu’est devenue l’Union européenne. Au sein de celle-ci, pensions-nous collectivement, tous les cas de figure étaient prévus et anticipés. Las, cette cacophonie a fait le lit des populismes et mis à mal le principe de solidarité.

À cette occasion, certains Européens se sont interrogés sur les raisons de la présence de la Grèce dans la zone euro au regard de son économie, minée depuis longtemps par une faible rentrée de l’impôt, des fraudes récurrentes à la TVA, une économie grise développée et un secteur public omnipotent. Autant de caractéristiques connues, qui pouvaient laisser présager quelques complications à venir. D’aucuns se demandent également quel serait le prochain pays de la zone euro en difficulté, au regard des performances économiques de certains États membres.

Il est vrai que, loin d’être homogène, la zone euro se caractérise par de fortes disparités entre les économies nationales, en plus d’un déficit de croissance et d’un chômage et d’un endettement public élevés. Elle n’a donc pas atteint son objectif de stabilité et de prospérité.

Comme l’extension vers l’Est, menée tambour battant, la création de la zone euro était avant tout une réforme politique. Comme pour l’extension vers l’Est, de nombreuses difficultés ont été éludées, probablement mal évaluées, dans la quête de cet objectif ô combien symbolique. Seulement, aujourd’hui, les problèmes sont là, car la réalité nous rattrape toujours.

Si force mensonges ont aussi été distillés par les eurosceptiques à la faveur des crises, il reste que nombre d’Européens se demandent désormais pourquoi ils doivent se serrer la ceinture pour renflouer ceux qui se sont laissé aller – une vision peut-être simpliste, mais qui ne peut pas être ignorée.

Les évolutions en cours, inspirées des travaux des présidents de la Commission européenne, du Conseil européen, du Parlement européen, de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne, prévoient deux phases pour le renforcement des structures et des moyens de la zone euro.

La commission des affaires européennes du Sénat se penche évidemment sur ce dossier crucial. Je vous invite à consulter le récent rapport d’information La Phase I de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, qu’elle a adopté à l’unanimité et dont est issue une proposition de résolution européenne. J’en partage les conclusions et les inquiétudes.

Pour ce qui est de la France, il est temps d’entreprendre les réformes structurelles indispensables à la reprise de son économie. Sans économie forte, en effet, son poids politique dans l’Union européenne restera limité. Nous ne pouvons pas nous résoudre à consommer, comme aujourd’hui, une fraction notable de notre crédit politique pour obtenir la clémence de Bruxelles face à nos déficits. Comme l’a rappelé au Sénat le commissaire européen Moscovici, « l’influence, en Europe, dépend de la capacité à respecter sa parole. Un grand pays doit montrer l’exemple ». Parole d’orfèvre…

Comme je l’ai dit en préambule, les crises placent les Européens au pied du mur. Pour répondre à la question posée dans ce débat, il convient, certes, de réformer la zone euro, sans créer de nouvelles lourdeurs, avant que ne se pose avec plus d’acuité encore une autre question : faut-il sortir de la zone euro ? L’émergence de cette problématique dans les opinions constitue un signe d’échec qui doit nous alerter, car son instrumentalisation par les populistes et les eurosceptiques est déjà en train de fragiliser l’Europe. Cette question sera l’un des enjeux du débat présidentiel en France. Or, depuis le Brexit, nous savons que tout est possible, même le pire.

En réalité, plus qu’une réforme de l’euro, c’est, à la lumière des crises, une refondation de l’Europe qui nous paraît nécessaire. Dans ces moments importants pour l’avenir, il faudra à la France être forte pour ne pas se laisser définitivement distancer. Mes chers collègues, nous avons besoin de « plus de France » dans « mieux d’Europe », au contraire de ce qui se passe depuis cinq ans !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion