Intervention de Georges Patient

Réunion du 12 janvier 2017 à 15h00
Situation de l'hôpital — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie nos collègues du groupe CRC d’avoir proposé ce débat bienvenu. Il me permet en effet de vous alerter sur l’état très alarmant du secteur de la santé en Guyane et sur l’extrême tension qui existe au sein de ses établissements hospitaliers.

Sans exagération aucune, je puis dire que le service public hospitalier de Guyane est un grand corps malade, voire agonisant, qu’il est urgent de réanimer.

Madame la secrétaire d’État, je ne vous apprends rien. Mme la ministre de la santé s’est en effet rendue l’année dernière en Guyane, où elle a pu constater sur place l’ampleur du problème et a pris quelques dispositions en urgence : elle a fait venir des inspecteurs de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, pour faire le point sur les dysfonctionnements des hôpitaux publics, et a débloqué des fonds pour répondre aux besoins estimés les plus urgents de ces établissements.

Ces fonds étaient néanmoins nettement insuffisants au regard de l’ampleur des besoins. Les hôpitaux de Guyane sont en effet tous dans une logique de rattrapage structurel.

Le centre hospitalier Andrée-Rosemon de Cayenne, qui est l’hôpital principal de la Guyane, assure la prise en charge de patients non seulement à Cayenne, mais aussi dans les centres délocalisés de prévention et de soins situés sur plusieurs communes : environ 150 000 habitants, soit 60 % de la population. Il présente un déficit structurel de 40, 5 millions d’euros et accuse plus de 25 millions d’euros de retards de paiements à ses fournisseurs, lesquels sont de plus en plus réticents à assurer les livraisons.

Pour qu’il puisse assurer ses missions, un triple rattrapage est nécessaire : un rattrapage sous forme de réajustement du financement des missions d’intérêt général ; un rattrapage des insuffisances de financement de ces trois dernières années ; la poursuite de sa politique d’investissements de remise à niveau pour garantir la sécurité des personnes et des bâtiments.

Le centre hospitalier de l’Ouest guyanais, à Saint-Laurent-du-Maroni, est l’unique structure de prise en charge sanitaire sur un territoire de plus de 50 000 kilomètres carrés, qui représente 60 % du territoire guyanais. Il couvre un bassin de santé de plus de 100 000 habitants, si l’on comptabilise le nombre d’étrangers en situation illégale venant du Suriname.

Comme le centre hospitalier Andrée-Rosemon, il est déficitaire. Il manque à ce jour 49 millions d’euros pour financer le nouvel hôpital, dont le coût est estimé à 147 millions. Il accuse un retard structurel pour 2016 de moins 10 millions, soit l’équivalent de 15 % de ses recettes. Cet établissement a lancé un plan de retour à l’équilibre qui devrait permettre d’améliorer le résultat de 5 millions d’euros entre 2017 et 2020.

Le centre médico-chirurgical de Kourou fait face aux mêmes problèmes : une situation financière très tendue, avec un déficit chronique ; une offre de soins de santé défaillante ; des problèmes de gouvernance et de ressources humaines.

Madame la secrétaire d’État, vous connaissez le diagnostic, puisque vous avez reçu le rapport de mission des inspecteurs de l’IGAS, un document que j’ai demandé à l’agence régionale de santé, mais que je n’ai jamais pu obtenir, à l’instar de bon nombre de professionnels de santé. Il faut croire qu’il s’agit du secret le mieux gardé du ministère, car il est également introuvable sur le site de l’IGAS.

Pourquoi tant de silence autour de ce rapport ? Pourquoi si peu d’empressement de la part de votre ministère pour répondre aux demandes des professionnels du secteur de santé ?

Je fais référence à leur courrier du 7 décembre 2016, qui met l’accent sur la demande récurrente de révision de la tarification à l’activité, la fameuse T2A. Cette révision, demandée unanimement, est nécessaire et légitime pour être en phase avec la réalité des surcoûts locaux induits, entre autres, par la taille de notre territoire, la faiblesse des infrastructures, l’isolement, la précarité et la morbidité de la population prise en charge.

Que faut-il faire pour être entendus puisque même les graves accidents récents qui y sont survenus ne semblent pas changer la donne ?

Je rappelle, car cela a été passé sous silence, que cinq bébés grands prématurés sont décédés des suites d’une infection nosocomiale en l’espace de deux mois, entre la fin juillet et la fin août 2016, dans le service de réanimation néonatale du centre hospitalier de Cayenne. Un mois auparavant, un patient brûlait vif dans sa chambre d’EHPAD. L’hôpital de Cayenne a même été qualifié de « mouroir » après ces événements tragiques.

Les hôpitaux de Guyane sont indignes d’un pays moderne. Pourtant, les enjeux sont de taille, puisque la Guyane est confrontée à la forte prévalence de maladies infectieuses et parasitaires – paludisme, tuberculose, VIH, etc. – et de maladies chroniques – obésité, diabète, hypertension artérielle, accidents vasculaires cérébraux. Devons-nous faire appel à Médecins sans frontières pour intervenir afin de pallier les défaillances de notre système de santé ?

Madame la secrétaire d’État, il serait bon que vous annonciez les mesures attendues avant les premières assises de la santé en Guyane, organisées par l’ARS, qui se tiendront le 19 janvier prochain.

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